
Javier Colomina est le représentant spécial du secrétaire général de l’OTAN pour le voisinage sud ainsi que le secrétaire général adjoint pour les affaires politiques et la politique de sécurité. Le Quotidien de Nouakchott l’a rencontré à Bruxelles et est revenu avec lui sur les résultats de sa récente visite en Mauritanie ainsi que sur d’autres questions d’actualité.
Question: Merci, M. Colomina, de nous recevoir après votre récente tournée en Mauritanie et surtout en marge de la conférence des ministres des affaires étrangères de l’OTAN. Alors, je voudrais tout de suite rentrer dans le vif du sujet, à savoir votre récente visite à Nouakchott. Vous avez évoqué une coopération renforcée entre la Mauritanie et l’OTAN. Concrètement, dans quel domaine cette coopération va-t-elle s’intensifier, ou se développer ?
M. Colomina: Merci à vous pour cet entretien. Oui, effectivement, je me suis déplacé en Mauritanie. J’ai eu une visite qui s’est très bien passée. La Mauritanie est un partenaire très important pour nous. C’est un partenaire avec lequel on travaille depuis longtemps. C’est le seul partenaire sahélien.
Il joue un rôle très important pour la stabilité de la région. C’est un des rares pays de la région sahélienne qui a encore un contrôle de son territoire, qui a une stabilité avec lequel on peut vraiment travailler. Et c’est justement pour ça qu’on a lancé en 2022, c’est moi-même qui l’ai fait avec le président Ghazwany, une initiative de construction de capacités de défense, Defense Capacity Building Package, comme on l’appelle en anglais, qui a six initiatives et avec laquelle on a été capable de renforcer vraiment la coopération pratique avec la Mauritanie, mais aussi le dialogue politique.
Question: Vous avez un peu répondu à ma deuxième question déjà. C’était sur la valeur stratégique de ce partenariat dans un contexte régional marqué par l’instabilité du Sahel. Alors je vais passer tout de suite à la troisième question.
Vous avez salué les efforts de la Mauritanie au cours de cette visite en matière de lutte contre le terrorisme. Quel est l’aspect du modèle mauritanien, croyez-vous, pouvant inspirer d’autres pays de la sous-région quand on sait que ce Sahel est aujourd’hui assez instable ?
M. Colomina: Oui, il est instable. Comme je le dis souvent, le Sahel est, à notre avis, peut-être la région la plus fragile aujourd’hui dans le monde.
La plupart des menaces et des défis que l’on voit dans le voisinage méridional se retrouvent au Sahel et beaucoup de fois avec une force et dans une échelle qui n’est pas connue dans les autres régions. Le terrorisme, les trafics illégaux, la migration irrégulière, la présence d’acteurs géostratégiques. Mais le terrorisme, c’est particulièrement important, bien évidemment.
Et c’est surtout l’approche multidimensionnelle de la Mauritanie qui prend en compte une partie plus opérationnelle mais une partie de développement qui est importante. On le sait, nous tous, le terrorisme a besoin d’une réponse sécuritaire et militaire mais aussi d’une réponse de développement qui vraiment essaye d’affronter et de donner réponse aux raisons, aux root causes racines du problème du terrorisme.
Question: Bien, donc l’OTAN est souvent perçu dans la région comme éloigné des problématiques africaines. Cette perception est-elle fondée et comment l’OTAN tente de renforcer son ancrage auprès des partenaires comme la Mauritanie ?
M. Colomina: Je ne pense pas qu’elle soit fondée, honnêtement. Mais c’est vrai qu’on a essayé de travailler de plus en plus avec le Sud et avec l’Afrique. Et c’est justement à cause de ça qu’au sommet de Washington et après un long processus d’une année et demie, on a adopté les décisions qui ont permis d’adopter le rapport et le Southern Neighborhood Action Plan (plan d’action du voisinage méridional).
C’est justement après ça que j’ai été nommé comme représentant spécial pour le voisinage méridional. Et à mon avis, en soi, cette décision démontre que l’OTAN a un fort intérêt et que les Alliés ont choisi de faire du Sud une priorité. On continuera à travailler.
Je pense que dans les derniers neuf mois, on a été capable de le faire d’une façon très active et de renforcer notre coopération avec nos partenaires du Sud.
Question: Toujours dans la même perspective, envisagez-vous un élargissement du soutien de l’OTAN à la Mauritanie et au-delà du domaine sécuritaire, notamment dans des volets de résilience civile, de cybersécurité ou de gestion des crises ?
M. Colomina: On travaille sur ça. Vous avez parlé de la gestion des crises. On a très bien travaillé avec nos amis mauritaniens pour la construction du centre de réponse de gestion de crise dans les dernières années. Et on continue à travailler sur plusieurs volets, ceux que vous avez mentionnés, le renseignement, la réintégration des anciens combattants, les opérations spéciales. Donc vraiment, il y a beaucoup de volets sur lesquels on travaille.
Et on essaye de renforcer cette coopération. Un des objectifs, peut-être l’objectif principal de ma visite il y a quelques semaines, était justement d’explorer avec les ministres des Affaires étrangères et de la Défense des opportunités pour élargir notre coopération.
Question: Enfin, une question peut-être qui intéresse en tout cas beaucoup nos lecteurs mauritaniens, c’est le problème de Gaza. Que peut faire l’OTAN justement pour arrêter ce massacre auquel nous assistons en direct à Gaza ?
M. Colomina: Comme vous le savez, l’OTAN n’a pas une politique sur le processus de paix au Moyen-Orient. On n’a pas un consensus sur une politique. Et c’est par ça qu’on n’a pas une politique.
Mais bien évidemment, c’est une situation qui nous préoccupe, dont on a beaucoup parlé. Elle provoque une énorme instabilité régionale. On a parlé de la protection des civils.
On a parlé du droit international humanitaire. On a parlé aussi du besoin de « release of hostages », (libération des otages) d’avancer sur une solution pour le peuple palestinien, qui soit aussi une solution sécuritaire acceptable pour les Israéliens. Donc il faut vraiment avancer sur ça.
Mais maintenant, ce qu’il faut vraiment faire, et on l’a dit plusieurs fois, c’est mettre fin aux hostilités, revenir au cessez-le-feu qui avait été négocié avec les efforts du Qatar, de l’Égypte et des États-Unis, qu’on a vraiment beaucoup soutenu, et retourner à la table de négociation.
Je vous remercie
Merci beaucoup
Propos recueillis à Bruxelles par MSS
Source: Le Quotidien de Nouakchott