SNIM : Une réussite éclatante entachée par des revendications sur les indemnités de départ à la retraite | Mauriweb

SNIM : Une réussite éclatante entachée par des revendications sur les indemnités de départ à la retraite

lun, 06/01/2025 - 08:56

La Société nationale industrielle et minière (SNIM) vient de marquer l’histoire en atteignant des records exceptionnels en matière de ventes et de production pour l’année 2024. Avec 14,226 millions de tonnes vendues et 14,307 millions de tonnes produites, ces performances dépassent largement les objectifs fixés à 14 millions de tonnes pour chaque catégorie. Pour célébrer ces accomplissements, la SNIM a annoncé des gratifications généreuses à l’endroit de ses employés, témoignant de sa reconnaissance envers le personnel qui a contribué à ces succès. Cependant, derrière ces résultats éclatants se cache une problématique qui soulève des interrogations : l'interprétation restrictive par la SNIM de l'article 31 de la convention collective de travail, qui a pour conséquence une sous-évaluation des indemnités de départ à la retraite (IDR).

Des gratifications inédites pour les travailleurs

Les cadres et travailleurs de la maîtrise ont bénéficié de cinq salaires supplémentaires ainsi que de deux dixièmes de salaire. Pour les travailleurs de la classe inférieure, les gratifications incluent également cinq salaires supplémentaires, accompagnés de six dixièmes d’un sixième salaire. De plus, les employés partant à la retraite en 2024 se verront accorder l’équivalent de cinq salaires supplémentaires.

Ces gestes, unanimement salués, illustrent une volonté de renforcer la motivation et la cohésion au sein de l’entreprise. Mais, derrière cet élan de générosité, une question cruciale subsiste : pourquoi la SNIM n’applique-t-elle pas une interprétation conforme des dispositions légales concernant les indemnités de départ à la retraite ?

La convention collective : des règles précises

L’article 31 de la Convention collective de travail stipule que«  l’indemnité de Départ à la Retraite (IDR)  est décomptée sur les mêmes bases et suivant les règles que l'indemnité de licenciement. Le montant est fixé en pourcentage de l'indemnité de licenciement, selon le barème ci-après :

-Plus d’un an et moins de 5 ans : 30 % ;

-Plus de 5 ans et moins de 10 ans : 50 % ;

-Plus de 10 ans et moins de 20 ans : 75 % ;

-Plus de 20 ans : 100 %.

L’IDR doit est donc calculée sur la base de l’indemnité de licenciement selon ce barème progressif.

Dans de nombreuses entreprises mauritaniennes, ce barème est scrupuleusement respecté. Des exemples tels que la SOMAGAZ, le Port Autonome de Nouakchott, la SNDE et la SAMIA en témoignent. Cependant, la SNIM adopte une lecture restrictive de cet article, entraînant une perte financière significative pour ses retraités.

Une application erronée du barème progressif

Au lieu de cumuler les pourcentages des différentes tranches d’ancienneté, la SNIM ne prend en compte que la dernière tranche correspondant directement aux années de service de l’employé, occultant ainsi les pourcentages des tranches inférieures.

Par exemple :

-Un retraité avec 4 ans de service : pas de perte, car il bénéficie de 30 % (seule tranche applicable).

-Un retraité avec 9 ans de service : manque à gagner de 37,5 %, car il ne perçoit que 50 %, sans les 30 % de la tranche précédente.

-Un retraité avec 19 ans de service : manque à gagner de 52 %, car il ne reçoit que 75 %, sans les 30 % et 50 % des tranches précédentes.

-Un retraité avec plus de 20 ans de service : manque à gagner énorme de 60 %, car il ne perçoit que 100 %, en omettant les 30 %, 50 % et 75 % des tranches inférieures.

Un enjeu de justice sociale

Ces pratiques suscitent des interrogations sur la cohérence entre les performances financières remarquables de la SNIM et son interprétation restrictive de l’article 31 de la convention collective de travail. La société, qui se targue d’une réussite éclatante, devrait également être un modèle en matière de respect des droits de ses employés, en particulier ceux qui ont contribué pendant des décennies à bâtir son succès.

Si les records de production et de ventes de la SNIM pour 2024 sont, à juste titre, célébrés, l’entreprise ne devrait pas ignorer les revendications légitimes de ses travailleurs concernant leurs droits à la retraite.

Depuis 2010, les tribunaux de Nouakchott sont saturés de litiges liés aux calculs de retraite de la SNIM. Près de 2000 dossiers restent en suspens, illustrant une fracture évidente entre les employés et l'entreprise. Ce dysfonctionnement entache l'image de la SNIM, perçue comme un modèle économique national, mais contestée pour sa gestion des droits sociaux. Elle devrait au moins suivre le réalisme de sa filiale la SAMIA  qui a franchi le pas, depuis belle lurette, en adoptant la bonne formule après avoir trouvé un terrain d’entente avec ses employés.

La SNIM, en tant que leader économique, a l'opportunité de montrer l'exemple en respectant pleinement les droits de ses employés. Une réussite économique durable repose non seulement sur des performances financières, mais aussi sur une justice sociale et un respect strict des engagements contractuels. Adopter une interprétation conforme de l'article 31 serait un pas décisif vers une meilleure gestion des droits des travailleurs et une consolidation de l'image d'excellence de la SNIM.

Malheureusement, le cas de la SNIM n’est pas isolé. Beaucoup d’autres institutions publiques et privées appliquent la mauvaise formule de calcul de l’indemnité de départ à la retraite ; spoliant ainsi les droits des travailleurs depuis des décennies.

Coincés entre des employeurs véreux  et une justice passive, les retraités risquent de continuer de subir des préjudices financiers encore pour longtemps. Cependant, je prédis que, tôt ou tard, la question de la formule du calcul de l’indemnité de départ à la retraite s’invitera au Parlement ; ce qui pourrait déboucher sur une éclaircie dans une législation du travail si souvent galvaudée.