Un Programme d’Urgence pour Nouakchott : Ambitions grandioses, réalités incertaines ? | Mauriweb

Un Programme d’Urgence pour Nouakchott : Ambitions grandioses, réalités incertaines ?

sam, 16/11/2024 - 14:01

Le gouvernement mauritanien vient d’annoncer un projet ambitieux mais modeste, le "programme d’urgence intégré pour le développement de Nouakchott", doté d’un budget total de 5,1 milliards MRU. Portant sur huit volets couvrant des domaines essentiels comme la santé, l’éducation, l’accès à l’eau potable, l’électricité et même l’environnement, ce programme se veut une réponse holistique aux défis de la capitale. Cependant, derrière ces annonces grandioses, de nombreuses interrogations subsistent quant à la faisabilité, la priorisation et l’impact réel de ces initiatives. 

La ville de Nouakchott, malgré ses ambitions de modernisation, est confrontée à des défis urbains profonds qui semblent largement ignorés par ce programme. Les problèmes structurels et de gouvernance s’accumulent, rendant les solutions proposées insuffisantes pour transformer durablement le cadre de vie des habitants. 

Nouakchott souffre d’un manque criant d’assainissement : les eaux usées stagnent dans les rues, faute de systèmes d’évacuation fonctionnels. Les artères de la capitale sont encombrées par des réseaux aériens anarchiques appartenant à SOMELEC, Mauritel et RIMTEL, témoignant d’une absence flagrante de planification urbaine. À cela s’ajoute un parc automobile vétuste circulant dans une ville dépourvue de plan de circulation, où les embouteillages et l’anarchie règnent. 

Les problèmes ne s’arrêtent pas là. Nouakchott est envahie par des animaux errants, un spectacle qui illustre le manque de gestion municipale. Les rues sont également occupées de manière illégale par des commerces informels et des fosses septiques, transformant l’espace public en zone de non-droit. En parallèle, les rares parkings disponibles, notamment au centre-ville, sont privatisés illégalement, souvent par des banques et des entreprises, privant les citoyens d’un accès équitable. 

Sur le plan environnemental, la capitale manque cruellement d’espaces verts et de parcs de villégiature. Nouakchott reste une des rares capitales où l’on voit encore des ânes transportant de l’eau ou des citernes dans des quartiers mal desservis par les infrastructures de base. Enfin, la gestion des ordures solides est désastreuse, avec des déchets qui s’accumulent en pleine rue, accentuant l’insalubrité. 

Face à ces réalités, le programme annoncé semble disperser ses ressources sur huit composantes : 

- Infrastructures routières (1,682 milliard MRU). 

- Santé (941 millions MRU) : construction et réhabilitation de centres de santé. 

- Éducation (866 millions MRU) : création et réhabilitation d’écoles. 

- Eau potable et assainissement (764 millions MRU). 

- Électricité et éclairage public (526 millions MRU). 

- Jeunesse et sports (210 millions MRU). 

- Environnement et développement durable (158 millions MRU). 

- Engagement communautaire et transformation urbaine. 

Ces priorités, bien que pertinentes sur le papier, peinent à répondre aux véritables urgences d’une capitale où les infrastructures de base sont soit inexistantes, soit délabrées. La question se pose : les montants alloués suffiront-ils à résoudre ces défis structurels majeurs ? 

Les montants annoncés, bien que significatifs, semblent dérisoires face à l’ampleur des problèmes. Par exemple : 

- Les 941 millions MRU alloués à la santé suffiront-ils à transformer un système saturé et sous-équipé ? 

- Les 866 millions MRU dédiés à l’éducation permettront-ils d’améliorer un secteur où les établissements manquent d’infrastructures de base (laboratoires, espaces sportifs) et où l’échec scolaire reste endémique ? 

- Le volet "assainissement", bien qu’indispensable, ne pourra probablement pas résoudre la crise d’hygiène publique dans un délai aussi court. 

Ce programme d’urgence semble également reproduire un schéma déjà vu : des annonces ambitieuses suivies de retards, de surcoûts et d’une exécution souvent défaillante. 

Le ministre de l’Économie et des Finances a promis une mise en œuvre dès décembre 2024, avec un horizon de 16 mois. Pourtant, plusieurs questions restent sans réponse : 

- La transparence dans l’attribution des marchés publics sera-t-elle garantie ? Les scandales passés incitent à la méfiance. 

- La coordination entre les différents acteurs sera-t-elle efficace ? 

- Le suivi et l’évaluation du programme incluront-ils des indicateurs clairs pour mesurer l’impact réel sur la population ? 

Le programme d’urgence pour Nouakchott est sans doute porteur d’espoir, mais il devra surmonter les défis chroniques d’une capitale aux infrastructures obsolètes, à la gouvernance défaillante et à l’organisation urbaine chaotique. Si le gouvernement échoue à traiter les problèmes de fond, ce programme pourrait bien devenir un nouvel exemple d’ambitions mal placées et d’occasions perdues pour Nouakchott et ses habitants.