Un homme de 31 ans, qui assurait être français mais ne disposait pas de documents d'identité, a été renvoyé vers Nouakchott mercredi.
Un Français a-t-il été expulsé du territoire national ? Un homme de 31 ans, placé en centre de rétention depuis trois semaines, a été renvoyé mercredi vers la capitale mauritanienne, Nouakchott. Sa particularité : il dit être binational, en l’occurrence franco-mauritanien. Mais, arrivé dans l’Hexagone en 2014, il ne possédait pas de documents d’identité à même de prouver sa nationalité française.
Pourtant, son statut ne fait pas de doutes, assure Maud Steuperaert, responsable de la Cimade dans le Sud-Ouest. Le père de l’intéressé a en effet gardé sa nationalité française après l’indépendance de la Mauritanie, en 1960. L’homme, désormais décédé, possédait tous les documents (carte d’identité et passeport français) à même de le prouver. Français, il a donc transmis sa nationalité à son enfant, avec lequel les liens de filiation sont d’ailleurs établis par un livret de famille.
Entré en France de manière régulière avec son passeport mauritanien et un visa Schengen, il «n’était pas conscient de la nécessité de prouver sa nationalité française», assure Maud Steuperaert. Ce n’est que deux semaines après son interpellation à la frontière franco-espagnole, quand les autorités ont tenté pour la première fois de l’expulser, qu’il a pris conscience des enjeux.
Avec l’aide de la Cimade, il a donc présenté des copies de plusieurs documents (papiers d’identité de son père, livret de famille) pour prouver sa bonne foi. Insuffisant aux yeux du juge, qui souhaitait disposer des originaux. Problème : ces pièces étaient en possession des frères de l'individu, qui en avaient justement besoin pour leur propre demande de papiers français.
La préfecture des Pyrénées-Atlantiques, qui a décidé de son éloignement, assume : «Il s’est prévalu de la nationalité française mais l’authenticité des documents qu’il a présentés n’a jamais été démontrée.» Elle assure que l’homme pourra tout à fait, à l’avenir, engager des démarches – de l’étranger donc – pour obtenir des documents d’identité.
Maud Steuperaert, elle, juge l’attitude des autorités «disproportionnée».«On n’aurait jamais traité un franco-belge de la même manière. Si des doutes subsistaient, la préfecture aurait pu l’assigner à résidence, pour lui laisser le temps d’engager des démarches.» Elle conclut : «S’il s’avère qu’il avait bien raison, on aura quand même expulsé un Français du pays.»
Sylvain Mouillard (http://www.liberation.fr/france/2016/02/18/la-france-a-t-elle-expulse-un...)