Qui l’eût cru ? L’opinion dominante ne pouvait imaginer que dans un pays comme la Mauritanie, et plusieurs autres de la région du Sahel, et d’autres encore de la planète où l’économie de rente a toujours été à son comble, on se résoudrait enfin à privilégier une politique de restriction monétaire sur celle de l’expansion budgétaire, pour combattre les chocs inflationnistes.
Des indépendances à nos jours, toutes les politiques économiques qui se sont succédées, ont eu recours de manière constante, stable , suivie, permanente, et sans discontinuité aucune, à l’endettement public, y compris en faisant tourner la planche à billets, pour financer des déficits budgétaires systématiques, constamment reconduits et aggravés d’année en année.
S’il est vrai que la dette publique a atteint des proportions astronomiques lors de la guerre du Sahara, ce qui peut se comprendre, elle n’a plus reflué depuis, et cette tendance s’est poursuivie, avec la même persistance d’avant-guerre.
Il faut rechercher cette dépendance à l’endettement, dans la conception fortement enracinée chez nos dirigeants, que le budget est un instrument de domination politique, destiné d’abord et avant tout, à financer le maintien au pouvoir, et sa préservation.
Il faut donc l’alimenter, y compris à coups de cavaliers budgétaires, parce que c’est la sève nourricière des pouvoirs politiques en place ; c’est l’arme qui permet de maintenir le peuple en laisse, à coups de prodigalités inconsidérées.
A cette fin, le peuple doit se sentir assisté ; il doit tendre la main que l’on remplira, en creusant d’année en année, les déficits budgétaires, et d’année en année, la masse des assistés augmentant, l’Etat n’ayant de cesse de recourir à l’endettement, toujours plus d’endettement, pour que la main-tendue du peuple le soit davantage.
Cette politique économique a créé des assistés, des hommes et des femmes à la main tendue, des sujets, pas des citoyens.
Aujourd’hui, les résultats sont là ! Emanation et assise d’une bourgeoisie bureaucratique qui se bat bec et ongles pour préserver ses intérêts, alimentés, entretenus par l’endettement systématique de l’Etat pour financer de prétendus efforts de développement, alors que cet endettement , prévu par des lois de finance votées, et adoptées en dehors de tout cadre normatif, permet uniquement à cette bourgeoisie bureaucratique de financer une clientèle électorale, qui prend parfois les allures d’une véritable milice privée, comme on peut le constater de manière crue dans certains pays.
Par ailleurs, cet endettement est toujours accompagné de façon mécanique, par une éviction de l’investissement privé ; toute la littérature économique, à quelque école qu’elle appartienne, retient de façon unanime, l’effet d’éviction des dépenses publiques sur l’investissement privé, alors que c’est l’investissement privé qui crée de la richesse, de l’emploi, fabrique du capital.
Il est temps de mettre fin à cette ambigüité sémantique qui présente l’Etat comme un « investisseur » ; les Etats n’investissent pas, ils dépensent les deniers publics , et lorsqu’un Etat affecte une dépense publique à la création d’un hôpital, d’une route, d’une école, il n’investit pas, parce que l’objectif recherché n’est pas de créer de la richesse, mais d’améliorer le service public, ce qui est en soi louable, mais ne saurait constituer un investissement.
Evidemment, on peut toujours, dans le cadre de l’évaluation des politiques publiques, apprécier les retombées sociales et macro-économiques de telles ou telles dépenses publiques, mais ni le champ du raisonnement, ni les critères d’évaluation ne sont comparables à ceux pris en considération dans le calcul de la rentabilité financière d’un investissement, pour lequel on aurait mis en place un capital, à des fins lucratives.
L’Etat doit renouer avec ses fonctions régaliennes classiques , et s’abstenir de s’embourber dans des problèmes d’intendance, en mobilisant des financements à fonds perdu.
L’Etat- Providence, et les autre notions voisines, ne servent qu’à justifier l’immixtion de bureaucrates en mal de pouvoir dans le domaine du droit privé, or ces bureaucrates sont plutôt experts en paperasses, et discours démagogiques et lénifiants, qu’en toute autre chose. Selon l’économiste Herbert Stein, les choses qui ne peuvent perdurer indéfiniment, finissent par s’arrêter ; ainsi en est-il de l’endettement public, auquel il faudra bien trouver une voie alternative, qui ne peut être que l’investissement privé ; il n’y en pas d’autres.
Au vu de ces observations, il faut souhaiter que les décisions de la Banque Centrale, viennent sonner le glas de la prééminence de la politique budgétaire sur la politique monétaire.
La mission que s’est fixée la Banque Centrale n’est pas de tout repos, puisqu’il s’agit de remplacer un modèle économique désuet, par un autre dont la performance est avérée.
Il va de soi que tous ceux qui bénéficient de l’ancien modèle , et des privilèges qu’ils en tirent ne garderont pas les bras croisés ; ils se battront avec l’énergie du converti, pour que les choses reviennent très vite à l’ancienne, qu’à Dieu ne plaise.
Tout l’attirail de chefs de tribus, chefs de partis vampirisés*, et autres courtisans déguisés ou affichés du pouvoir, viendront barrer la route à la politique monétaire courageusement initiée par la Banque Centrale, face à une inflation qui menace toutes les économies du monde, y compris les plus performantes.
Ce n’est pas un fait du hasard si, en Europe, on assiste à une véritable remise en cause de règles sacro-saintes de l’Union, pour satisfaire des agriculteurs entrés en rébellion ouverte, affichée, assumée ; que dans des pays comme le Nigéria, on n’a de cesse de chercher la solution qui permettrait de ralentir la chute du naira vers des profondeurs abyssales ; qu’en Tunisie, la Banque Centrale soit exceptionnellement mise à contribution pour alléger l’endettement du pays ; qu’en Afrique de l’Ouest, la perspective d’une souveraineté monétaire, soit plus que jamais d’actualité ; que l’aide publique au développement soit remise en cause par son principal pourvoyeur…………etc.
Le péril est imminent ! L’inflation qui gagne du terrain partout dans le monde, n’est à nulle autre comparable.
Il faut voir l’émergence toute puissante des crispations et égoïsmes nationaux, pour en apprécier les conséquences, y compris à l’intérieur de grands ensembles économiques, comme l’Union Européenne, où des produits de pays partenaires sont refoulés aux frontières de pays membres de la communauté, et les camions les transportant, renversés ; même les céréales ukrainiennes ne font pas exception, taxées de concurrencer déloyalement la production de pays européens, par lesquelles ces céréales ne font pourtant que transiter.
L’inflation altère la monnaie ; une monnaie altérée est un facteur puissant de déstabilisation, pour ne pas dire le moyen le plus sûr de détruire un pays sans recourir aux armes ; la monnaie d’un pays, c’est sa stabilité.
En l’absence de marchés de capitaux que pourra combler la solidité financière attendue des banques de la place , partenaires stratégiques dans ce combat existentiel, la politique de restriction monétaire préconisée par la Banque Centrale demeure le seul remède aux menaces qui pèsent sur l’ouguiya , en conséquence de l’inflation qui, selon Milton Friedman, prix Nobel d’économie, « est toujours et partout un phénomène monétaire ».
Cette conclusion du prix Nobel d’économie, est fondée sur des données qui , bien qu’empiriques, n’en sont pas moins authentifiées historiquement, et viennent confirmer la corrélation positive entre croissance de la quantité de monnaie et inflation.
Il ne faut donc pas, que nous perdions notre temps à vouloir rééditer les solutions obsolètes fondées sur des ajustements budgétaires , qui ont marqué les années 90, et dont on vit encore les conséquences néfastes sur notre santé, notre éducation , notre mieux-être. (à suivre)
*Avocat à la Cour
*Ancien membre du Conseil de l’Ordre
*Les partis vampirisés ne vivent pas des cotisations de leurs adhérents, mais de financements externes qui font des dirigeants de ces partis, des commandités au service des apporteurs de capitaux qui en sont les véritables commanditaires.
En droit des restructurations des entreprises, la vampirisation s’exprime à travers le contrôle d’une société par une autre, ou son absorption, et parfois son acquisition pure et simple, ou sa filialisation ; c’est aussi une variante possible d’opérations de restructuration à caractère inamical, voire agressif.