Les « concertations » ou « dialogue » politiques peuvent enfin commencer. On les a longtemps attendues, les préparatifs ont été très laborieux, notamment du côté de l’opposition.
Au début pourtant, presque tous ses leaders avaient démarré ensemble, concoctant avec la majorité un projet de feuille de route et un canevas de problèmes nationaux à débattre. C’est en chemin qu’apparut cette histoire de leadership. Résultat des courses, le président d’APP Messaoud Boulkheir et le leader d’IRA Mauritanie prenaient leurs distances.
Si le premier est resté très critique à l’égard du pouvoir – il demandera même au Président de démissionner, s’il n’était pas en mesure de prendre des décisions… – le second, jadis grand pourfendeur du «système esclavagiste et raciste » qui régente le pays, déclarait avoir trouvé, en Ghazwani, l’ami qu’il cherchait.
Celui-ci fait donc mieux que les partis de la majorité. Bref, les deux hommes iront chacun de son côté au dialogue, avec nombre de nuances dans l’approche de diverses questions : unité nationale, esclavage, passif humanitaire, langues, etc.
Après donc les conciliabules, le reste de l’opposition, représentée ou non à l’Assemble nationale, a réussi à impliquer dans le dialogue le Président qui a fini par désigner, après avoir longtemps traîné les pieds, le président de la commission de supervision. Son choix s’est porté sur la personne de son ministre secrétaire général, Mohamed Yahya ould El Waghf, dont les atouts sont connus de tous.
L’ex-PM de feu le président Sidi ould Cheikh Abdallahi connaît très bien les acteurs actifs sur l’arène politique nationale, leurs préoccupations et, donc, celles du pays. Il entretient de bonnes relations avec la majorité d’entre eux. Mais aura-t-il carte blanche pour manœuvrer entre les deux camps, lui qui est déjà étiqueté « majorité » ?
Au lendemain de sa désignation, l’opposition s’est mise en branle et réunie pour peaufiner la liste de ses représentants. « Nous étions prêts et n’attendions que la décision du président de la République », dit-elle. On note, sur cette liste, la présence de presque tous les principaux partis de l’opposition : Tawassoul, un représentant ; RFD, un ; UFP, un ; Sawab, un ; AJD/MR, un ; MPR, un ; FPC, un, et RAG, un. Un vrai compromis. On attend la suite.
Côté majorité, l’UPR hérite du gros lot avec quatre représentants ; Karama, AND, Islah, Hatem et UDP se contentent chacun d’un seul. Selon diverses sources concordantes, la première réunion officielle de la commission de supervision a eu lieu le samedi 16 Avril. Prise de contacts, avec peut-être un chronogramme examiné. Les choses sérieuses devront alors démarrer.
De quoi vont-ils débattre ?
Les acteurs des deux camps ont déjà concocté une feuille de route consensuelle. Elle porte sur les questions qualifiées d’enjeux nationaux : unité nationale – un thème vaste, dans la mesure où il doit comporter le vivre ensemble… – école et officialisation des langues nationales pulaar, soninké et wolof, passif humanitaire, esclavage et/ou ses séquelles, gouvernance, ancrage de la démocratie, décentralisation, instauration d’un État de droit, de justice et d’égalité…
Comme tout le monde le sait, l’unité nationale fait débat depuis des années, on en parle sans savoir trop ce qu’on propose pour la souder. Une sorte d’Arlésienne… Les Négroafricains et les Haratines dénoncent leur exclusion des centres de décisions, des leviers économiques, des corps d’armée et de sécurité...
La loi d’orientation en préparation au sein du ministère de l’Éducation, suite aux journées de concertations sur la réforme du système éducatif, paraît, elle, comme une espèce de diversion, dans la mesure où cette question de l’école devrait être débattue lors, justement, de ces concertations politiques. La feuille de route en parle clairement.
« Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs », regrette un membre d’une association culturelle nationale. Si l’objectif des concertations est de parvenir à un consensus national, les acteurs politiques doivent avoir le courage de débattre avec franchise les questions considérées «taboues » jusqu’ici.
Il y va de l’intérêt national et des citoyens. Rétablir toutes les victimes d’injustices dans leur droit, comme s’y était engagé le candidat Ghazwani au début du mois de Mars 2019, ne doit pas rester un vœu pieux.
Dalay Lam