RMI Biladi - A l’occasion de la publication (le 06 avril) de son ouvrage « Quinze Mois à la Tête de la Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM) de Mauritanie : Témoignage » M. Youssouf Ould Abdel-Jelil, ex ADG de la société minière nationale a accepté de répondre aux questions de Biladi :
Biladi : Bien que bref (quinze mois), votre passage à la Snim, tel qu’il transparait dans votre ouvrage, est une étape marquante de votre riche carrière.
Une véritable histoire d'amour existe entre vous et le personnel de cette entreprise. Quinze années après, elle demeure intacte.
Merci pour cette opportunité d’échange au sujet de cet ouvrage.
Avant d’essayer de faire un commentaire sur votre remarque, par ailleurs, pertinente, je voudrai, de prime abord, mettre en exergue deux points de mise en contexte. Primo, avant de publier cet ouvrage, j’ai dû demander (et obtenir) une permission auprès de l’UNICEF pour entamer son impression, en invoquant que cette activité se situe en dehors de mon champ de service à cette institution et est conciliable avec le droit de réserve du fonctionnaire international que je suis.
Secundo, je considère cette publication comme étant une contribution à enrichir la mémoire collective du pays et de la SNIM dans le sens large y inclus son personnel et ses communautés, et ce sans aucune prétention de donner de leçons.
Comme je le dis dans l’introduction du manuscrit, mon objectif est de « …plutôt de documenter, au mieux de ma connaissance, et, autant que faire se peut, une expérience intensément motivante, et ce, durant une époque historique, pleine d’anticipations légitimes du peuple mauritanien ; le temps d’un songe d’une nuit d’été »
Je considère que j’ai eu la chance de tisser une alchimie particulière avec le personnel de la SNIM (et ses communautés le long du couloir Nouadhibou- Zouerate) et ce sur la base du respect, d’une vision, d’une ambition, d’un discours qui prône la modernisation sociale de l’entreprise ainsi que la valorisation des ressources humaines et d’une volonté de mettre en pratique certaines de ces intentions durant la période d’association avec la SNIM.
Ceci couvre, entre autres, des mesures de valorisation des ressources humaines (dans le cadre d’une stratégie de transformation des performances, dynamique d’équipes), le travail décent (y inclus la semaine de 40 heures), l’adoption d’une stratégie de developpement se basant sur les modèles d’affaires (business models) offerts à la SNIM, une ouverture médiatique sur le reste du pays, et une ambition de partenariats larges du type gagnant-gagnant.
Bien entendu, au vu de la durée de service relativement courte, je ne puis vous dire si l’usufruit des réformes aurait été au niveau de nos ambitions d’antan.
Dans ce contexte, j’ai établi des rapports solides avec les cadres, professionnels, maitrises et ouvriers, lesquels ont été pleinement associés aux plans de réformes. Mon ouvrage élucide davantage les approches, stratégies et réformes entreprises qui ont solidifié mes rapports avec le personnel et les communautés de la SNIM. J’ai beaucoup apprécié que ces rapports aient continué, transcendant le passage du temps, parfois illustrés par des correspondances que je recevais avec régularité durant mes pérégrinations de fonctionnaire international en Golfe de Guinée (Gabon, Guinée Equatoriale et Sao Tomé e Principe), Genève, Damas, Ha Noi et la ville de Panama (au Panama).
C’est une relation basée sur le respect, la considération et, bien entendu, sur un certain type d’affection. Le mérite aussi revient aux autorités de la transition qui m’ont permis de servir mon pays, via mon service à la tête de la SNIM, pour une période relativement courte mais intense.
Biladi : Votre tribune, publiée en 2007 dans les colonnes du quotidien national Horizons, déconseille la vente d'actions de la Snim et encourage juste d'éventuelles joint-ventures. Contrairement à l'idée largement répandue, c'était cette tribune qui aurait sauvé la Snim. Autre point de l'Idylle entre vous et la Snim ?
Concernant cette tribune, il importe de souligner que j’ai été personnellement interpellé par le débat dans le pays au sujet de l’ouverture du capital de la SNIM et encouragé par bon nombre d’amis y inclus cadres de la SNIM pour contribuer.
Au moins, un autre ancien ADG illustre de la SNIM y avait contribué aussi apportant une perspective précieuse. Sur cette base, je me suis lancé à articuler une contribution à ce débat sur la base de mon expérience encore relativement récente a la SNIM.
Comme je l’ai signalé dans cette tribune, la quintessence de l’argumentaire découlant de l’exposé de cette perspective a été partagée avec le Chef de l’État mauritanien, Feu SEM Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi (Que son âme repose en paix) en juillet 2007 à l’occasion d’une audience qu’il a bien voulu m’accorder avant ma reprise professionnelle avec les Nations Unies.
Durant cette entrevue, j’ai été impressionné par sa capacité d’écoute, le degré de compréhension de cette problématique et l’intérêt qu’il porte aux enjeux liés à cette question.
Revenant à la contribution, il est utile de mentionner que je voulais qu’elle soit publiée en priorité dans un medium public ou étatique (pas nécessairement ‘gouvernemental’) et j’avais comme point de mire le quotidien HORIZONS, sous la coupole de l’Agence Mauritanienne de l’Information (AMI).
N’eut été le courage et la prise de risque du Directeur Général (à ses risques et périls) à cette époque de l’AMI, cette contribution n’aurait pas vu le jour, au grand jour, sur les colonnes de notre quotidien HORIZONS en Octobre 2007. Je vais taire le nom de ce Directeur dans cette entrevue, mais les lecteurs de l’ouvrage le découvriront (probablement sans grande surprise) dans mon ouvrage.
Comme vous, bon nombre de correspondants de cette époque ont apprécié la contribution de cette tribune à ce débat. En revanche, je ne suis pas nécessairement bien au courant des intentions, positions et ultimes prises de decision en la matière.
Comme vous, nous avons appris certaines informations y inclus des positions beaucoup plus nuancées qu’une ouverture du capital ou privatisation et espérons qu’un jour cet épisode soit documenté, preuve à l’appui. Je maintiens une présomption favorable concernant la position de certains de mes collègues et amis qui étaient dans certaines sphères proches des discussions et décisions concernant cette problématique.
Biladi : La stratégie décrite dans ce livre serait-elle encore appropriée pour le développement du fleuron de notre industrie qui, depu is le temps de la Miferma, ne fait que produire grosso modo la même quantité pour l'export brut ?
Je suis confiant que l’Etat Mauritanien, le Conseil d’Administration de la SNIM ainsi que sa Direction Générale s’attèlentà actualiser les stratégies de développement pérenne de la SNIM et ses multiples métiers. Le business model 2 (enrichissement de la magnétite) décrit dans l’ouvrage, n’étant pas soutenable, il est important que la SNIM s’efforce à renforcer sa chaine de valeur en passant par la pelletisation (ce qui fut l’objectif du projet El Aouj), et pourquoi pas, au vu des développements gaziers, d’explorer la réduction directe pour la production de l’acier.
Il va sans dire que la valorisation des ressources humaines, les dynamiques d’equipes et la poursuite de partenariats gagnant-gagnants sont indispensable pour le developpement à long terme de l’entreprise.
Tout dernièrement, je parlais à un ancien collaborateur senior de la SNIM et il était emballé pour l’idée d’un projet intégré de la Mine à l'acier avec toutes les composantes : usines d'enrichissement, pelletisation, réduction directe, laminoirs, centrales électriques, dessalement d'eau de mer, port et chemin de fer, cités d'habitation ...et ce sous le même parapluie. Je pense que c’est juste d’avoir cette ambition pour un secteur clé de l’économie du pays dans lequel la SNIM joue un rôle fondamental.
Biladi : Souvent nous entendons dans le pays, pourquoi des cadres comme vous ne servent-ils pas à l’intérieur du pays pour le bien public, au lieu de servir dans l’international. Comment réagissez à ce commentaire à la lisière de la remontrance ?
A ce sujet, je dirai qu’en ce qui me concerne, j’ai eu la chance d’initier ma carrière au pays servant de 1989 à 1993 au Ministère du Plan et de 1993 à 1997 à la tête de COPRAL-COGITREM du grand groupe d’Affaires privé BSA.
Avant cela, j’avais aussi toujours servi durant mes vacances scolaires et à l’occasion de pauses d’études au pays en travaillant, entre autres, avec l’USAID en Mauritanie dans le domaine de l’exécution et l’évaluation des projets de sécurité alimentaire ayant comme partenaire le Commissariat à la Sécurité Alimentaire (CSA). Je dois une part considérable de mon actif professionnel à ces expériences fondatrices. Le retour au pays pour diriger la SNIM pendant quinze mois fut aussi un jalon important de ce service ‘de l’intérieur’ du pays.
Je suis aussi de l’avis que nous avons beaucoup de ressources humaines valables et compétentes au pays dans le secteur public et celui des affaires ou entreprises. J’en ai rencontré à la SNIM et dans le secteur privé. Pour certains cadres de la SNIM, je développe des profils succincts dans une partie de l’ouvrage.
Tout en servant à l’étranger, je ne me considère pas expatrié du tout, car je maintiens des liens solides de famille et d’amitié au sein du pays, renforcés par des visites fréquentes au pays, notre patrie. Ceci me fait penser à un vers de poésie du poète Vietnamien Chế Lan Viên que je traduis librement en ces termes : Ma patrie est le lieu où j’habite et quand je la quitte, à son tour, elle habite mon âme.
Source : RMI Biladi