La lutte contre la pauvreté des apprentissages : mobiliser les énergies en faveur de l’alphabétisation | Mauriweb

La lutte contre la pauvreté des apprentissages : mobiliser les énergies en faveur de l’alphabétisation

jeu, 14/11/2019 - 13:03

C’est l’heure de la récréation dans une école du Malawi. Hélas, il arrive que la récré dure toute la journée parce qu’un enseignant est absent.

Dans une salle de classe en Arménie, les élèves sont notés sur la base de leur aptitude à apprendre par cœur. Le processus d’apprentissage repose principalement sur des manuels, au détriment de l’instruction dispensée par l’enseignant et des méthodes innovantes, ce qui prive les futurs diplômés des compétences indispensables pour trouver leur place dans un monde du travail compétitif.

Au Bangladesh, malgré la progression des taux de scolarisation, les filles n’apprennent pas aussi bien que les garçons, et l’abandon scolaire reste important, du fait principalement des mariages précoces et des charges familiales qui incombent aux enfants.

Mesurer la pauvreté des apprentissages

Les données révèlent que nous sommes actuellement aux prises avec une  crise mondiale des apprentissages qui met en péril les efforts déployés par les pays pour renforcer leur capital humain – les compétences et le savoir-faire dont nous avons besoin pour nous préparer aux emplois de demain. La réalisation des Objectifs de développement durable (ODD), y compris celui de mettre fin à la pauvreté extrême, est elle aussi remise en cause.

Pour bien mettre en lumière l’ampleur du problème, la Banque mondiale a élaboré le nouveau concept de « pauvreté des apprentissages (a) » en s’appuyant sur une nouvelle base de données constituée avec l’Institut de statistique de l’UNESCO.

Ce nouvel indicateur rend compte de la proportion d’enfants qui sont incapables de lire et comprendre un texte simple à l’âge de dix ans. Il résulte de la combinaison de données sur la scolarisation et sur les acquis scolaires : la pauvreté des apprentissages correspond à la proportion d’enfants qui ne possèdent pas les niveaux de compétences minimales en lecture (selon les évaluations scolaires), corrigée en fonction de la proportion d’enfants qui ne sont pas scolarisés (et dont on suppose qu’ils ne savent pas bien lire). 

Selon les nouvelles données disponibles, le taux de pauvreté des apprentissages atteint 53 % dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Or, la lenteur des progrès dans ce domaine compromet la réalisation des ambitions portées par l’ODD 4 4 – « assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité ». Au rythme de progression actuel, 43 % des enfants ne sauront toujours pas suffisamment lire d’ici 2030. Si, en revanche, les pays parvenaient à progresser au rythme le plus rapide observé depuis le début du siècle, le taux mondial de pauvreté des apprentissages chuterait à 28 %. 

Compte tenu de la situation actuelle et de la lenteur des progrès dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, la totalité des cibles associées à l’ODD 4 risquent de ne pas être atteintes – y compris l’augmentation du nombre de jeunes et d’adultes disposant des compétences nécessaires à l’emploi, à l’obtention d’un travail décent et à l’entrepreneuriat.

 

 

Une cible d’apprentissage

Parce qu’il est indispensable de mobiliser toutes les énergies en vue de réaliser les objectifs éducatifs que s’est fixés la communauté internationale et de juguler la crise des apprentissages, le président de la Banque mondiale David Malpass a annoncé l’adoption d’une nouvelle cible opérationnelle à atteindre à l’horizon 2030 : réduire de moitié au moins le taux mondial de pauvreté des apprentissages. Il s’agit d’un objectif ambitieux, mais réalisable selon les simulations. Il faut pour cela que tous les pays parviennent à améliorer les acquis scolaires à la hauteur des résultats obtenus par les pays les plus performants entre 2000 et 2015, ce qui suppose en moyenne de tripler le rythme de progression mondiale.

Réduire de moitié le taux de pauvreté des apprentissages constitue une cible intermédiaire. Chaque pays devra tracer sa propre voie (et fixer ses cibles intermédiaires) pour le financement et la mise en œuvre des réformes qui feront en sorte que tous ses enfants prennent un bon départ dans la vie. Dans beaucoup de pays, il faudra du temps pour atteindre cet objectif de développement, et un contrat social pour que chacun, quel que soit son origine socioéconomique, sa race ou son sexe, puisse avoir accès à une éducation de qualité.

Pourquoi insister sur l’apprentissage de la lecture ?

Dans toutes les sociétés de l’écrit, la lecture est depuis des siècles le socle de l’éducation. Du côté des parents comme des autres parties prenantes, il est entendu que l’une des premières missions de l'école est d’apprendre à lire aux enfants.

En effet l’acquisition de la lecture est pour un enfant le sésame qui lui donnera accès à la somme des connaissances encodées dans des textes de tous types. La manière dont il tirera parti de cette compétence dépendra de nombreux facteurs (dont notamment la qualité du système scolaire aux niveaux d’enseignement ultérieurs), mais une chose est sûre : faute de savoir lire correctement, il aura des difficultés à apprendre tout au long de sa vie sociale et professionnelle.

La maîtrise de la lecture est aussi un indicateur des apprentissages de base dans d'autres disciplines, au même titre que l’absence de retard de croissance est le marqueur d’un bon développement chez le jeune enfant. Les systèmes qui parviennent à apprendre à lire à tous les enfants sont plus susceptibles de favoriser leurs apprentissages dans d'autres domaines. C’est ce que les données mettent en évidence : dans l'ensemble des pays et des établissements scolaires, on observe une forte corrélation entre les niveaux de compétence en lecture et ceux obtenus dans d'autres matières.

Par exemple, les notes qu’obtiennent les pays dans l’évaluation PIRLS sur l’apprentissage de la lecture (a) et dans l'enquête TIMSS sur les acquis scolaires en mathématiques et en sciences sont presque parfaitement corrélées, souligne un nouveau rapport (a) de la Banque mondiale qui met en évidence de fortes corrélations interdisciplinaires dans le cadre d’autres évaluations. Le développement du langage chez l’enfant, qui est renforcé par les compétences en lecture, est en outre favorisé par le développement de l'autorégulation comportementale, qui constitue une compétence socio-émotionnelle fondamentale.

Comment aider les pays à accroître le niveau d'alphabétisation des enfants ?

La Banque mondiale a développé un train de mesures reposant sur des interventions nationales ou infranationales qui ont fait la preuve de leur efficacité pour améliorer la maîtrise de la lecture. En Égypte, par exemple, les autorités ont mis en œuvre un plan de réformes qui prévoit une refonte des programmes scolaires et des systèmes de suivi, avec une évaluation continue des élèves tout au long de l’année et des examens axés sur l’acquisition de compétences, un meilleur accompagnement des enseignants et la promotion de l’apprentissage entre pairs. Ces réformes sont fondamentalement marquées par un changement de priorité : il ne s’agit plus tant de tout miser sur les diplômes que de valoriser les apprentissages. Au Brésil, aussi, l’amélioration constante de l’offre éducative dans plusieurs États — Ceará, Espirito Santo, Acre et Pernambouc — prouve que le changement est possible. Ce ne sont là que quelques exemples mis en avant dans une nouvelle publication intitulée « Ending Learning Poverty: What will it take? »

Pour réussir, les pays doivent soutenir par leurs investissements un changement des mentalités en amenant l'ensemble des acteurs du secteur éducatif à concentrer leur attention sur les acquis des élèves. Ils doivent fournir aux enseignants des supports et guides pédagogiques afin de faciliter leur travail au quotidien, ainsi qu’un accompagnement et un suivi pour améliorer leurs pratiques en classe. Ils doivent aussi veiller à ce que tous les enfants disposent de supports pour l’apprentissage de la lecture et instaurer des programmes simples et opérants pour guider les enseignants.

On observe aussi, dans nombre de pays, que le choix d’enseigner dans la langue maternelle des enfants durant les premières années du cycle primaire a un effet positif sur leurs résultats scolaires. Les systèmes dotés de capacités institutionnelles plus solides s’attachent à augmenter les investissements dans l’éducation de la petite enfance, à mettre en place des structures qui permettent aux enfants de bénéficier d’enseignements adaptés et à renforcer l'évolution de carrière des directeurs d'établissement. Quel que soit le pays concerné, le recours à la technologie facilitera le déploiement de ces interventions à moindre coût. De même, la mesure des résultats de l’apprentissage est une étape essentielle pour suivre l’évolution des progrès et servir de guide aux efforts d'amélioration du système scolaire. Bien que le type d'évaluation mis en place puisse varier d’un pays à l’autre, l’essentiel est que ces dispositifs assurent de manière structurée la remontée des informations sur les performances des élèves afin d’orienter la prise de décisions. Les systèmes scolaires où 90 % des élèves apprennent effectivement à lire ont pour la plupart en commun la fixation d’objectifs explicites, concrets et échelonnés dans le temps pour les petites classes.

Pour réussir et centrer l’ensemble du système éducatif sur l’apprentissage des élèves, les pays doivent agir sur deux fronts : 1) mettre en œuvre dès maintenant des réformes de court terme – décrites dans la stratégie d’alphabétisation (a) – qui permettront d’améliorer l’instruction des enfants scolarisés ; 2) instaurer des changements systémiques pour améliorer le fonctionnement des systèmes scolaires sur le long terme. L’approche préconisée pourrait inclure la réforme de la carrière des enseignants pour attirer et retenir les bons éléments, revoir la formation initiale, remanier la structure de gestion générale du système, développer les infrastructures, etc.

 

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Il ne suffit pas d’agir au niveau du secteur de l’éducation uniquement

La lutte contre la pauvreté des apprentissages exige d’agir globalement, au-delà du seul secteur de l’éducation. L'accès à l’eau et à l’assainissement, les transports, les programmes d'allocations monétaires, la santé et la nutrition ou encore les réformes de la fonction publique sont des domaines qui jouent un rôle essentiel pour améliorer les capacités d’apprentissage des enfants. Le Projet pour le capital humain de la Banque mondiale prend acte de la nécessité d'adopter une approche qui mobilise l'ensemble de l’administration pour renforcer cette ressource cruciale. Pour lutter contre la pauvreté des apprentissages, il faudra aussi insister encore plus sur la place essentielle des familles et des communautés, qui jouent un rôle clé pour stimuler la demande de services éducatifs, assurer un bon environnement d’apprentissage et faire émerger une demande sociale en faveur des réformes de l’éducation qui s’imposent.

Joignez-vous à nous pour mettre fin à la pauvreté des apprentissages

La pauvreté des apprentissages est un fléau qui doit être éradiqué totalement et partout : tous les enfants devraient être en mesure de maîtriser la lecture à dix ans. Savoir lire est un droit fondamental et une condition indispensable pour prendre pleinement part à la société.

Pour mettre en place les conditions nécessaires pour mettre un terme à la crise de l’apprentissage, notre nouvelle campagne mondiale pour l’éducation — L’alphabétisation : un choix judicieux — suggère aux principales parties prenantes de la communauté éducative – parents, enseignants directeurs d’établissement, responsables pédagogiques et employeurs – les mesures qui peuvent être prises pour s'engager sur cette question et aider à mettre fin à la pauvreté des apprentissages.

Joignez-vous à nous et à notre mouvement pour mettre fin à la #pauvreté des apprentissages puisque l’alphabétisation est un choix judicieux ! Chacun à un rôle important à jouer. Pour en savoir plus, voir worldbank.org/LiteracyMakesSense

Source BM