Tchad: Qui sont les rebelles repoussés par les forces françaises? | Mauriweb

Tchad: Qui sont les rebelles repoussés par les forces françaises?

ven, 15/02/2019 - 11:32

Ces rebelles, bien équipés, sont des combattants de l'Union des forces de la résistance (UFR), groupe armé tchadien farouchement opposé à N'Djamena.

 

Fin Janvier, des centaines de combattants d'un groupe armé s'infiltrent dans le Nord -est du Tchad depuis la Libye [ où ils étaient refugiés ] à bord de trois colonnes de pick-up.

Ils sont sous pression depuis quelques semaines du fait d’une offensive des forces du général Khalifa Haftar. L’homme fort de la façade orientale de la Libye, qui est notamment appuyé par la France, prétend "purger la région des groupes terroristes et criminels". Objectif : rétablir son contrôle sur des installations pétrolières.

Les centaines de combattants traversent le plateau de l’Ennedi, le long de la frontière soudanaise et s’enfoncent de 400 kilomètres au Tchad sans rencontrer beaucoup de résistance.

Mais le 3 février 2019, ils sont stoppés par des frappes aériennes françaises sur demande de N'Djamena. 

Plus de 250 d'entre eux sont capturés, selon l'armée tchadienne qui les qualifie de "terroristes" ou "mercenaires".

Ces rebelles, sérieusement équipés, sont des combattants de l'Union des forces de la résistance (UFR), groupe armé tchadien farouchement opposé à N'Djamena.

Il est dirigé par Timan Erdim, neveu du président tchadien Idriss Déby Itno. 

Selon l'UFR, le bilan officiel des raids français est "fantaisiste" et seuls une "trentaine" de ses combattants ont été capturés par l'armée tchadienne. 

"On ne savait pas que la France interviendrait", a déclaré Youssouf Hamid, porte-parole de l'UFR cité par le site d'information malien Bamada.net. Pour ce porte-parole "c'est la France qui a combattu, pas les Tchadiens". 

- Marcher sur D'djamena 

Fondée en 2009, dans la fièvre de la guerre civile tchadienne (2005 - 2010), l'UFR est l'union de huit groupes armés affaiblis par des ralliements au sein des forces gouvernementales et des scissions. Ses combattants sont notamment issus de la communauté Zaghawas, du président Idriss Deby Itno. 

La majorité de ses commandants sont à l'origine d'une tentative de putsch en 2008 - au terme d’un raid éclair parti du Soudan mais stoppée, à la surprise générale, aux portes du palais présidentiel à N'Djamena. 

Le mouvement avait été créé avec comme objectif principal de "renverser le régime d'Idriss Deby Itno". Exilé à Doha (Qatar), Timan Erdim voue une haine tenace à son oncle Itno. 

Le chef rebelle a plusieurs fois exprimé son rêve de "marcher sur N'Djamena". Comme lors de son arrivée au pouvoir en 1990, Idriss Déby qui avait renversé Hissène Habré, avait été sauvé de justesse par les forces françaises. 

"Il y a une espèce de fixation, Deby sait rendre les français prisonniers de leurs alliances, créer des besoins et y répondre", a estimé Roland Marchal, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), intervenant mardi sur la télévision française, TV5 Monde. 

Dans la capitale tchadienne, Paris a installé depuis près de 5 ans , le quartier général de sa force antiterroriste Barkhane dont le Tchad est le plus grand partenaire des cinq pays de la zone sahélo-saharienne (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger ) qui prennent part à l'opération. 

Le mandat de cette force militaire est fondamentalement limité à la lutte antiterroriste. La décision de voler à la rescousse de Déby, a été critiquée par l’opposition tchadienne. 

Djime Bichara, porte-parole de l’Union des Partis politiques pour la protection de la constitution, a condamné les frappes, tandis que le coordinateur de la Fédération action pour la République, Ngarledjy Yorongar a affirmé qu’il n’était pas "normal que la France soutienne le président Déby", rapporte sur son site, la Radio et Télévision de Turquie (TRT). 

- La Libye, terre d'asile 

Plongée dans le chaos depuis la chute, en 2011, de Mouammar Kadhafi, la Libye dirigée par deux entités rivales, est une terre prisée de groupes armés tchadiens accusés d'y alimenter l'insécurité. 

Chassés du Soudan en 2013, des combattants de l'UFR se sont retranchés dans le sud désertique libyen, en y installant leur base arrière. 

Dans ce pays, se trouve également le commandement militaire pour le salut de la République (CCMSR), mouvement né en Libye en 2016 d’une scission de l’UFR et qui avait lancé en août 2018 une offensive contre le nord tchadien. 

Il est possible que l'UFR soit financée par "des grands commerçants issu de ces communautés" tchadiennes en Libye ou leurs alliés, a estimé le chercheur Roland Marchal. 

"La Lybie grâce à l'intervention française, américaine et britannique est devenue un endroit où on trouve beaucoup de choses à des prix cassés ; en faisant un peu de trafic ou en travaillant pour certaines milices libyennes qui ont de l'argent, des groupes armés peuvent s'autofinancer", a-t-il ajouté. 

Cette thèse est renforcée par un récent rapport d'experts de l'ONU, affirmant que ces groupes tchadiens bénéficiant de frontières poreuses et du soutien de communautés et tribus vivant à cheval entre ces pays "cherchent à renforcer leur présence en Libye à des fins lucratives". 

Une partie des Tchadiens, qui vivent en Libye et au Tchad, sont impliqués dans la contrebande de marchandises et l'immigration clandestine, selon des experts. 

Le président tchadien Idriss Déby a affirmé jeudi dernier que la "colonne de mercenaires" de l'UFR a été "complètement détruite ". 

Recalée au Nord, la rébellion pourrait désormais chercher refuge au Soudan voisin. 

"Si ses forces sont toujours opérationnelles, comme elle le prétend, elles pourrait aussi tenter de s’emparer de cibles symboliques dans le nord-est du Tchad, où se trouve le fief du président Déby", estime le chercheur Jérôme Tubiana, cité par le quotidien français, Libération. 
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