REVALORISATION DE L'OUGUIYA : "LA MONNAIE N'EST PAS UN JOUET" | Mauriweb

REVALORISATION DE L'OUGUIYA : "LA MONNAIE N'EST PAS UN JOUET"

sam, 09/12/2017 - 12:57

Après une année où la Mauritanie se voit appauvrie de son drapeau et de son hymne historiques, Mohamed Ould Abdel Aziz continue la saignée des symboles de la Mauritanie qui a précédé son avènement : c’est au tour de la monnaie, qui voit ses items fiduciaires, changés à partir du 1erjanvier 2018, sur la modification de la base de la valeur monétaire de l’ouguiya mauritanien, passant d’un rapport de 10 à 1. Perspective.

"La Mauritanie reste confrontée à un environnement extérieur complexe marqué par la faiblesse et la volatilité des cours des métaux. La chute marquée des cours du minerai de fer en 2014-15 a réduit les exportations de moitié, creusé le déficit budgétaire, pesé sur les réserves et mis en évidence les vulnérabilités des banques. "explique le fonds monétaire international (FMI) dans son rapport du second trimestre 2017, avec l'euphémisme (souvent coupable) que l'on connaît au FMI "qui a participé à cacher les chiffres de la Mauritanie pendant 12 ans sous Maouiya, tant que les liens étaient actifs avec l'état Hébreu" soutient un ancien cadre du ministère des finances.

C'est dans ce contexte économique hasardeux, et catastrophique, que Mohamed Ould Abdel Aziz a annoncé en grandes pompes lors de la fête de l'indépendance du 28 novembre passé, le changement de « valeur nominale de base de l'ouguiya, de 10 à 1 ». Et ce dès le 1er janvier 2018. Un changement subit et sans avertissement, qui suscite consternation et surprise, « aucun fait économique ne justifiant une telle revalorisation de la monnaie nationale mauritanienne » argue un directeur d’une banque locale, qui comme tout le monde a été informé le 28 novembre, de cette nouvelle volonté de notre Néron local.

Une simple raison mégalomaniaque - « L’établissement d’une nouvelle monnaie peut être motivé par l’hyperinflation, l’effondrement du taux de change, la masse de fausse monnaie en circulation, ou même la guerre. Cela peut aussi être un choix raisonné, par exemple l’adhésion à une union monétaire, telle que l’Union monétaire européenne. C’est en tout cas une décision éminemment politique. Parfois, la monnaie existante ne répond pas aux besoins de l’économie. C’est en général dans les pays où les transactions se font principalement en espèces et où plusieurs monnaies circulent à la fois (dollarisation) qu’une réforme monétaire est nécessaire » souligne le FMI dans un document disponible sur son site, sur « la création d'une nouvelle monnaie ».

La Mauritanie actuelle ne répond à aucune de ces raisons majeures. La raison « éminemment politique » évoquée ici relève du fantasme d'un seul homme, le chef de l'état, qui a entamé quelques mois auparavant, la déconstruction de tous les symboles majeurs de la Mauritanie post-indépendance, jusqu'à son avènement au pouvoir en 2008. « Le drapeau, l'hymne national et maintenant la monnaie : Aziz, veut effacer l'histoire récente de ce pays, en effaçant ses symboles. C'est la première perspective qu'il faut avoir sur ce changement de valeur nominale de l'ouguiya, et ne pas trop regarder du côté des mécanismes purement économique » insiste un cadre économiste, spécialiste de la monnaie, à la retraite.

La réforme de tous les risques - « Les réformes monétaires sont souvent complexes et risquées : l’histoire internationale montre que le succès n’est pas garanti. La condition première de la réussite est que la banque centrale et le gouvernement aient la ferme volonté de faire le nécessaire pour que les entreprises, l’opinion publique et la communauté internationale croient à la stabilité de la nouvelle monnaie. Le processus comprend quatre étapes. D’abord, il faut que les conditions préalables indispensables — une politique macro- économique avisée et une solide législation financière — soient en place ou en cours d’établissement. Il faut, dans un deuxième temps, préparer soigneusement la réforme en définissant les mesures et procédures qui la sous-tendent et en établissant un budget détaillé pour l’ensemble du processus (y compris le coût de fabrication des billets et pièces). La phase de production peut alors commencer. Vient ensuite l’étape la plus délicate : la mise en circulation de la nouvelle monnaie » continue le document du FMI. Aucune des étapes précitées n’est respectée par la Mauritanie.

Et au niveau mauritanien, l’étape la plus importante : la sensibilisation des citoyens, en grande majorité analphabète, que l’on continue à traiter comme des brebis égarées. La question de la destruction des anciens billets aussi pose problème : quelle structure (qui n’a pas été annoncée par Aziz, ni par le gouverneur de la BCM) veillera à l’incinération des billets, pour s’assurer qu’ils ne soient pas réinjectés dans le circuit, accroissant le risque majeur d’inflation.

Une inflation par ailleurs, qui sera une conséquence directe de cette revalorisation nominale, automatiquement, les prix au détail notamment sur les marchés, étant arrondis au MRU supérieur. Le pot de Gloria qui coûte 130 ouguiyas actuellement, vaudra probablement 15 ouguiyas nouveaux. Soit 20 de nos ouguiyas actuelles, en plus. Une inflation mécanique qui pèsera lourd dans le panier des ménages déjà à genoux.

La dévaluation aussi – En dehors du complexe du Messie, qui a saisi littéralement le président de la République, le seul argument économique caché qui pourrait être avancé, tient aux touches successives de dépréciation de l’ouguiya qui ont frappé la monnaie durant toute cette année 2017, avec le point d’orgue de l’euro à 430 MRO.

« Il y a eu une dévaluation de 12% de l’ouguiya cette année, sans douleur, mais réelle. Le FMI a fait comprendre à la Mauritanie qu’une dévaluation bien plus forte était nécessaire (jusqu’à 40% selon une source cité par un magazine marocain-ndlr-). Une dévaluation de cette ampleur, dans le contexte difficile que le pays rencontre, sur tous les plans, psychologiquement, braquerait la population actuellement extrêmement tendue. Quoi de mieux que d'enrober l'aigre avec du miel ? suppute le spécialiste de la monnaie.

Un euro qui passerait de 422 MRO actuellement, à probablement 605 à la fin du 3ème trimestre 2018, est bien plus traumatisant qu'un tel euro qui passerait de 42 à 60,5 MRU. 

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