Liberté d’expression en Mauritanie : l’AMDH relève des manquements à la pelle | Mauriweb

Liberté d’expression en Mauritanie : l’AMDH relève des manquements à la pelle

ven, 29/07/2016 - 16:59

 « Le journaliste ne doit souffrir d’aucun tabou dans l’exercice de sa fonction », a estimé maîtreFatimata M’baye, présidente de l’Association Mauritanienne des Droits de l’homme(AMDH), lors de la présentation, lundi 25 Juillet, en conférence de presse, du rapport intitulé« Liberté d’expression : La Mauritanie face à ses engagements ». 

Dressant un diagnostic sans complaisance de la situation, la célèbre avocate a précisé que « l’arsenal juridique mis en place ne garantit pas les libertés et ne protège pas le journaliste », déplorant le rétrécissement du champ des libertés et de l’exercice du droit associatif. 

Exigeant l’application des lois et/ou conventions sur les libertés, notamment sur en ce qui concerne les droits civils et politiques, elle convie particulièrement les autorités à s’intéresser plus à la loi sur la presse qu’au Code pénal, en matière de délits d’opinion. Et d’enfoncer le clou : « L'AMDH a constaté l'écart consistant entre les outils législatifs régissant la presse et l'application qui en est faite, par les autorités et instances judiciaires ».

« On ne peut pas construire la démocratie », lance alors maître M’baye, « si la liberté d’expression n’est pas effective ! », avant de plaider pour un régime déclaratif en place de l’actuel d’autorisation. L’envolée n’est pas un effet de manches. Elle repose sur un constat bien établi. 

Durant deux mois, Bâ Silèye et Pierre Brunisso, stagiaires à l’AMDH, ont en effet enquêté sur la liberté d'expression en Mauritanie, en se basant sur le corpus juridique mauritanien et en recueillant les témoignages d’une multitude d'acteurs de la société mauritanienne : journalistes, avocats, chercheurs, militants des droits humains, activistes de la Société civile et divers autres mouvements citoyens, politisés ou non.

Une analyse sérieuse de la situation de la liberté d'expression, de nos jours enMauritanie, qui soulève les problématiques et enjeux formant, ensemble, le défi majeur à relever. 

Les rédacteurs du rapport en sont intimement convaincus : « La libre expression est l’indispensable pilier d'une démocratie qui se veut stable et respectueuse de ses citoyens. Le droit d'écrire, de se réunir et de manifester sont autant de principes qui permettent d’élever le débat au sein d'une société qui veut s’améliorer ».

Au Calame, on ira même plus loin : c’est précisément parce qu’il est doté de la parole, qu’il peut s’exprimer, que Dieu « lui a enseigné tous les noms » (Saint Coran, II, 31) que l’homme est homme et non pas simple animal. La libre expression est plus qu’un droit, c’est la dimension même de l’humanité. C’est à partir de cette liberté que se construit sa responsabilité. Et non pas le contraire. 

Impunité des abus policiers

« Certains sujets restent sensibles et donc difficilement évocables, la pression de l’Etat et la pression sociale, [trop souvent manipulatrices l’une de l’autre, NDR) annihilent tout genre de débat », note le rapport qui fait allusion au jeune blogueur mauritanien Mohamed Ould Mkheïtir, condamné à mort pour avoir écrit un article jugé blasphématoire envers le Prophète (PBL). 

Le rapport soulève également le problème lié à l’organisation de réunions et de manifestations souvent dispersées par la police avec usage disproportionné de la force. Tout comme les arrestations arbitraires, suivies d’incarcération et de tortures.

A cet égard, le rapport fait état d’au moins cinq cas et d’une dizaine de violences policières, pour le seul mois de Juillet 2016. « Sur l'ensemble des témoignages recueillis, aucune victime de tortures n'a pu obtenir justice devant les tribunaux nationaux, il en va de même pour toutes les violences émanant des brigades de police ou de gendarmerie. 

Certaines victimes ont tenté de faire reconnaître leurs préjudices mais se heurtent à l'impossibilité d'obtenir des certificats médicaux dans les hôpitaux et cliniques mauritaniennes. De peur de représailles, les professionnels de santé refusent de rédiger de tels actes.

Les plaintes contre les violences policières sont directement transmises au procureur de la République ou devant le juge d'instruction. Mais, à ce jour, aucune instruction n'a été ouvert et l’AMDH n’a donc pu relever, a fortiori, la moindre condamnation, en Mauritanie, d’un seul cas de torture ou d’abus policier ». 

Recommandations

Les enquêteurs formulent une série de recommandations allant du renforcement de la transparence, dans l’attribution des licences d’exploitation de l’audiovisuel, à l’augmentation de l’aide à la presse, en passant par l’élargissement des annonces publicitaires aux media privés et l’harmonisation du droit interne avec les standards internationaux, en matière de liberté d’opinion.

Ba et Brunisso réclament, également et avec l’onction de l’AMDH, la libération de tous les prisonniers d’opinion, la mise en place d’ateliers de formation, en partenariat avec les forces de l’ordre et les autres acteurs publics, pour clarifier les méthodes d’intervention et de lutte contre la torture, ainsi qu’un plaidoyer soutenu, visant à abroger le régime d’autorisation encadrant les associations, au profit de simples déclarations. Et de conclure sur la nécessité d’établir des protocoles efficaces d’alerte assurant, en tous temps et lieux du territoire mauritanien, la protection des défenseurs des droits de l’Homme.

Compte-rendu Thiam 
(Le Calame)