6ème anniversaire de la Convention Poly-HONDONE : Est-ce encore un nouveau scandale ? | Mauriweb

6ème anniversaire de la Convention Poly-HONDONE : Est-ce encore un nouveau scandale ?

mar, 07/06/2016 - 11:45

En signant le 7 juin 2010 avec la société chinoise Poly-Hondone Pelagic Fishery, filiale de Polytechnology, société privée chinoise, les autorités mauritaniennes avaient décliné avec leurs partenaires chinois un programme d’investissement pour 100 millions Usd. Qu’en est-il six ans après?

7 juin 2010. 7 juin 2016. Six ans, jour pour jour, que la très polémique convention de pêche signée avec Poly-Hondone Pelagic Fishery a été adoptée engageant l’Etat à souscrire à des facilités énormes et sans commune mesure au profit de l’investisseur chinois introduit par l’homme d’affaires Mohamed Abdellahi Ould Yaha.  Une convention signée pour 25 ans par l’ancien ministre des AED, Sidi Ould Tah, et Lan Pingyong, président du conseil d’administration de Poly-Hondone Pelagic Fishery, pour un investissement de 100 millions Usd contre 100 milles tonnes de poissons par an.  

La dite convention qui a fait couler beaucoup d’encre et de salives a accordé des avantages comparatifs exorbitants tant pour sa durée de 25 ans que pour les avantages fiscaux (exonérations de droits et taxes). Elle a également permis aussi à Poly-Hondone Pelagic Fishery de contourner le circuit de commercialisation officiel de la Smcp en vendant au prix et au client qu’elle veut (article 8 de la convention). Pire, en achetant par des intermédiaires sur le marché local, du fait des exonérations dont elle jouit, Poly-Hondone Pelagic Fishery mène une concurrence déloyale à la Smcp pour ne pas dire qu’elle est entrain de la ruiner.

Six ans après, Poly-Hondone Pelagic Fishery semble même s’être autofinancée par ses activités en Mauritanie. 100 milles tonnes par an en six ans !

 

Le programme d’investissement initial non respecté

100 millions Usd, c’est l’investissement promis par les chinois en 2010…Il portait sur un programme d’investissement portant sur la mise en place d’une flotte importante afin de créer 2500 emplois (dont 800 pour l’usine de transformation), d’une usine de transformation (effective), d’entrepôts frigorifiques, un atelier de fabrication de pirogues, un centre de formation...Au moins sur les deux derniers points les chinois n’ont jusqu’ici rien fait.  On a même tordu le cou à la loi pour permettre à la société chinoise d’utiliser le chalut en bœuf. L’Etat a fermé les yeux sur ses bateaux qui ont impunément capturés en 2014 par milliers dans leurs filets des colonies d’oiseaux fous bassans.

Des avenants tenus au secret auraient récemment été portés sur le protocole initial. On n’en sait pas plus que vous sur ces «arrangements amiables ». L’investissement promis n’a pas été réalisé suivant les termes de la convention et les chinois (avec leurs partenaires mauritaniens) semblent les seuls à tirer leur épingle de cette affaire juteuse.

 

Ce n’est pas, en tout cas, l’Etat qui a mis les bâtons dans les roues de l’entreprise chinoise. Des licences lui ont été attribuées à tour de bras. Son parc naval est estimé à près de 100 bateaux dont 50 navires côtiers (5 à 10 tonnes/marée de 3 jours) ciblant désormais principalement le Poulpe.  Une trentaine de navire pélagique (chalut en bœuf)...et au moins deux cargos collecteurs dont un en permanence en eau profonde. Déchargent-ils toujours auprès de l’usine ? Les mauvaises langues prétendent que la tentation existe!

 

En contrepartie de tous les avantages accordés à Poly-Hondone Pelagic fishery, la Mauritanie, grand perdant de l’opération, n’a récolté que des miettes. L’étendard des emplois créés tombent. Ils sont tout au plus 1300 emplois dont 600 à l’usine de traitement et entre 4 et 5 mauritaniens par embarcation. L’usine est un bunker hautement protégé où les mauritanien sont traités comme des…esclaves.

En l’absence de publicité des « amendements amiables » sur le protocole de pêche initial et à l’analyse des déficits du programme d’investissement, l’on devrait s’en tenir aux dispositions de la convention elle-même qui stipule en son article 22, alinéa 2,  que le «programme d’investissement doit se réaliser dans un délai ne dépassant pas six ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente convention, sous peine de nullité de celle-ci»!

Mais il faut bien admettre que la loi cadre de cette coopération ne sera pas respectée. L’on comprend aisément aujourd’hui, six ans après l’adoption de la convention avec la société chinoise et les promesses données à la FiTi que les observateurs restent circonspects quant aux engagements de transparence donnés par les autorités dans ce secteur de l’activité économique du pays.

 

 

Les grands scandales du passé

Le 07 juin 2010, le ministre mauritanien des affaires économiques Sidi Ould Tah, agissant au nom du gouvernement mauritanien signait  à Nouakchott avec M. LAN Pingyong président du Conseil d’Administration de Poly-HonDone Pélagic Fisheries la fameuse convention de pêche qui a fait couler tant d’encre et de salive.  Cette convention a été affublée de tous les qualificatifs : pillage, scandale écologique, flibusterie, arnaque etc.  Certains sont allés même jusqu’à affirmer qu’elle dépasse en ampleur et en conséquence les deux plus gros scandales qui ont touché le secteur des pêcheries en Mauritanie à savoir le scandale de Guelfi et celui de IMAPEC.

Petit rafraichissement des mémoires :

Affaire de Guelfi

André Guelfi, aujourd’hui 97 ans, est né à Mazagan au Maroc où il commença sa carrière dans les affaires en rachetant des créances douteuses. Ayant ainsi amassé un certain pactole, André Guelfi investit   dans le développement de la pêche à la sardine et met au point les premiers bateaux-usines, d'où le  surnom qu’on lui donne encore aujourd’hui de « Dédé la Sardine ». Guelfi a été le premier industriel à congeler la sardine, et à exploiter les bateau-usine en conditionnant des centaines de tonnes. Proche de certains cercles du pouvoir au Maroc, notamment du futur général Oufkir, Guelfi a vu son empire, s’effondrer  le 29 février 1960, suite au terrible séisme d'Agadir. Guelfi avait toujours entendu parler du nouvel Eldorado de la Pêche que sont les côtes mauritaniennes réputées les plus poissonneuses au monde. Il décide d’aller s’y installer à Port Etienne (Nouadhibou) et de repartir à Zéro. A l’époque la richesse halieutique n’était exploitée que par quelques petites entreprises de pêche bretonnes et canariennes. Guelfi propose alors au président de la jeune République de développer ce potentiel et l’incite à emprunter pour investir massivement dans le secteur. Mais, à la suite de malversations, il prend la fuite, en 1971 laissant une ardoise salée à un tout jeune État sans ressource et qui mettra plusieurs années à rembourser les emprunts contractés en son nom. Quelques années plus tard, de son exil niçois le président Moktar ould Daddah expliquait «Guelfi s'est évadé, il aurait dû être jugé». Longtemps le scandale Guelfi constitua un véritable traumatisme pour l’élite intellectuelle du pays. De retour en France, Guelfi acquiert trois palaces parisiens et le café de la Paix qui est encore aujourd’hui le café préféré des mauritaniens de passage à paris. L’argent soustrait aux mauritaniens et ses bénéfices mais aussi ses relations personnelles par son mariage avec la nièce du Président Pompidou lui permettent d'acquérir 128 immeubles dans Paris intramuros. En 1975, André Guelfi s’installe en Suisse à Lausanne où il restera 25 ans.  André Guelfi est de tous les grands scandales et il est condamnés à de la prison à deux reprises. Affaires du CIO, Affaire Bernard tapie, Affaire Elf, Contrats Ouzbekistan etc.

Aujourd'hui, André Guelfi parcourt toujours le monde à bord de son jet privé, évitant  soigneusement la Mauritanie dans ses pérégrinations. En 2000, il s'était établi à la Valette(Malte). Il a depuis déménagé à Saint-Barth, en raison d'une assignation à résidence en France.

 

Affaire IMAPEC

 Peu après l’indépendance la Mauritanie s’empressa d’adopter un nouveau cadre juridique qui régulait la pêche dans les eaux territoriales  mauritanienne opérées  par les flottes étrangères. La flotte canarienne fut bien évidemment concernée par cette législation. Elle comprenait aussi bien les navires du port de la Luz de Las Palmas que ceux d’Arrecife, à Lanzarote, dont les pêcheurs avaient découvert au début des années 1950 une zone fabuleusement riche, et qui est devenue aujourd’hui le parc national du Banc-d’Arguin.    C’est dans ce cadre que la direction du groupe Consorcio de Industrias Pesqueras Canario-Africanas (COIPESCA ; Consortium des industries de pêche canariennes africaines), qui réunissait une série d’entreprises spécialisées dans la transformation du poisson à Arrecife et à Las Palmas,  répondant à l’appel des nouvelles autorités mauritaniennes décida d’entreprendre la construction d’un complexe industriel à Nouadhibou.

En février 1963, une délégation d’armateurs et d’industriels canariens se rendait à Nouadhibou afin d’y rencontrer les responsables mauritaniens pour leur soumettre leurs propositions : continuer à pratiquer la pêche au chalut dans la zone comprise entre trois et six milles de la côte, et enfin utiliser la moitié de la capacité des futures installations frigorifiques prévues dans le programme de développement économique de la Mauritanie pour y congeler leur poisson. En échange, ils étaient disposés à ce que certains de leurs vieux navires battent pavillon mauritanien, et garantissaient un minimum de 5 000 à 6 000 tonnes de poisson pour l’approvisionnement de l’industrie mauritanienne de poisson salé.   Montant prévu de l’investissement environ un milliard de francs CFA.  Le projet prévoyait la création d’un site consacré à la conservation du poisson, d’une capacité de 3 000 tonnes de conserves par an, d’une deuxième usine produisant 6 000 tonnes annuelles de poisson séché et salé, et, enfin, d’un complexe spécialisé dans la farine de poisson pouvant traiter jusqu’à 100 tonnes de poisson frais par jour. Les délais fixés pour la construction du complexe allaient de 18 mois pour l’usine de poisson séché et salé à 24 mois pour les fabriques de conserve et de farine de poisson

 En décembre 1964, l’ambassadeur espagnol à Nouakchott, Antonio Cuyas, envoya une dépêche à ses autorités en y joignant un document et un plan, qui confirmaient la cession, par le gouvernement mauritanien, d’un terrain de 100 000 m2 à Nouadhibou. Ce dernier était divisé en deux parcelles. La plus petite, d’environ 13 800 m2,  est limitée au nord par la zone des chantiers publics, au sud par les bâtiments de la SOUMAPECO, à l’est par le boulevard Maritime et à l’ouest par le boulevard Médian. La deuxième, d’environ 86 500 m2,   se trouve dans le prolongement de la première et est limitée à l’est par le boulevard Médian, à l’ouest par la zone des bureaux et des ateliers de dragage, et au sud, par la route de Cansado. Le principe du prix d’achat, à 1 franc CFA,   symbolique était acté, et la cession définitive devait être approuvée par le Conseil des ministres mauritanien.

Lle Conseil des ministres espagnol du 8 octobre autorisa l’Institut national de l’industrie (INI) à créer une entreprise mauritanienne, en accord avec la législation locale. « Le financement concédé à la société est de 230 millions de pesetas, soit environ 1 000 000 000 de F-CFA, avec un capital social de 115 millions de pesetas, les autres 115 millions devant être perçus sous forme de crédits des actionnaires. » L’INI allait non seulement devenir le principal promoteur mais également le seul actionnaire, malgré ses efforts concernant la participation aussi bien du gouvernement mauritanien que des investisseurs privés, espagnols ou étrangers.

Après plusieurs années de péripéties marquées par une explosion des couts, l’usine IMAPEC fut inaugurée le 12 juin 1970 à Nouadhibou, par  le président Moktar Ould Daddah en présence des ministres de l’Industrie, du Commerce et des Affaires étrangères de l’Espagne, entre autres personnalités. Le  complexe fut inauguré avec les défauts que l’on avait déjà identifiés depuis un certain temps. Tout d’abord, la structure financière de l’entreprise était grevée, à la fin de l’année 1970, par un investissement excessif, car il fallait encore payer les traites de certains fournisseurs. Parmi tous les problèmes soulevés, l’un des plus flagrants était le manque d’approvisionnement en matières premières.  Les quatre usines (de poisson séché et salé, de farine et d’huile de poisson, de conserves et de produits congelés) terminèrent l’année 1970 en ayant utilisé entre 25 et 50 % de leurs capacités de production.

Le résultat final fut que, entre 1970 et 1977, la société travailla en enregistrant des pertes annuelles élevées, qui augmentèrent après 1975 quand il fallut fermer certaines unités du complexe. En décembre 1978, le nouveau gouvernement mauritanien, né du coup d’État de l’été de la même année, conclut un accord avec le royaume d’Espagne pour créer une nouvelle société appelée IMAPEC-SEM, dans laquelle la RIM devint l’actionnaire majoritaire avec 51 % du capital, tandis que le gouvernement espagnol conservait les 49 % restants. Lorsque l’Espagne se débarrassa de ses parts en 1980, les pertes cumulées pour l’État espagnol depuis le début de l’« aventure » s’élevaient à plus d’1 milliard de pesetas. Et après des années de fermeture tout le complexe fut cédé à des hommes d’affaire mauritaniens pour la somme de 180 millions d’ouguiya.