L'Agence de la Grande muraille Verte, une entité gouvernementale relevant du Ministère de l'Environnement en Mauritanie, est responsable de la mise en œuvre du mauritanien du projet ambitieux de la Grande Muraille verte, un projet environnemental régional visant à lutter contre la désertification, un fléau qui sévit dans notre pays de manière exponentielle. Cette agence fonctionne avec un budget annuel alloué par l'État mauritanien, qui s'élève à environ 800 millions d'anciennes ouguiyas, en plus de quelques financements extérieurs rares et limités.
Cependant, au cours de l'année 2021, l'Agence de la Grande Muraille Verte a échoué de manière retentissante dans la réalisation de ses programmes annuels. Pire encore, elle a été impliquée dans un scandale financier où une grande partie de son budget a été détournée par un groupe d'individus influents, qui ont réussi à s'emparer de près de 90 % de son budget d'investissement annuel, soit environ 470 millions d'anciennes ouguiyas. Cette manœuvre s'est réalisée par le biais de contrats fictifs, dont seule une petite partie a été réellement exécutée, et les réalisations ont été exécutées de manière médiocre.
Partie 1 : L'Échec de l'Agence du Mur Vert et son Plongeon dans la Dette
Phase 1 : Le Pillage du Budget Annuel
Le directeur de l'Agence à l'époque, Mohamed El-Houssein Mohamed Lagraa, a rapidement conclu de nombreux contrats qui dépassaient largement son budget, dans le but de servir ses intérêts personnels. Il s'est associé à un groupe de commerçants inexpérimentés dans la réalisation de travaux, qui possédaient principalement des entreprises fictives, la plupart ayant des numéros d'identification fiscale similaires, et dont 80 % étaient liés au politicien Abdallahi Ould Medellah, maire de la commune de Boumdeid.
L’ONG Transparence Inclusive a pu identifier ces personnes et leurs entreprises en traçant les numéros de téléphone figurant sur les factures. Il est apparu qu'Abdallahi Ould Medellah possédait deux de ces entreprises, "Techyid" et "AMOMA", qui partageaient le même numéro d'identification fiscale, le numéro 00310268.
Ces opérations de détournement de fonds ont été réalisées en gonflant systématiquement les factures tout en évitant leur exécution réelle. Cette manipulation s'est faite en utilisant ce que l'on appelle administrativement les "petite marchés" ou les "marchés exemptés" (ceux qui échappent au contrôle de la Commission Nationale des Marchés Publics).
De plus, ces contrats étaient préalablement arrangés entre trois ou deux commerçants qui se répartissaient les projets prévus pour une zone donnée après que l'appel d'offres ait été lancé. Ils fixaient leurs montants de manière à se permettre des marges bénéficiaires équivalentes, de sorte qu'un d'entre eux augmenterait légèrement son offre dans le premier contrat, tandis que l'autre ferait de même dans le contrat suivant. Un exemple concret est la répartition des quatre contrats programmés pour le 24 août 2021 entre les sociétés SOMF et Bab Al-Khair, dont les montants sont presque identiques.
En fin d'année, selon la même méthode, le groupe de commerçants avait capté environ 90 % du budget d'investissement, soit 445 millions d'anciennes ouguiyas (voir le tableau révélant les noms des entreprises et les montants déjà payés dans les documents joints).
Remarque
Il convient de noter que Transparence Inclusive a identifié les propriétaires d'entreprises en utilisant leurs numéros de téléphone et a constaté que 80 % d'entre eux avaient des liens communs. L'organisation a également obtenu des copies de toutes leurs factures, qui ont été utilisées pour s'accaparer du budget de l'Agence de la grande Muraille verte.
Phase 2 : L'Endettement Massif de l'Agence du Mur Vert
En plus du gaspillage du budget de l'agence, celle-ci s'est retrouvée plongée dans une dette colossale, atteignant plus de 2 milliards d'anciennes ouguiyas. Cette dette a été contractée principalement par Abdallahi Ould Medellah lui-même, pour une somme d'environ 350 millions d'anciennes ouguiyas, grâce à 24 contrats distincts. Ces contrats ont été conclus dans le but de contourner la législation sur les marchés publics en faveur de ses deux entreprises, Techyid et AMOMA (voir la pièce jointe 6).
Transparence Inclusive a mené des enquêtes sur les travaux effectués par ces entreprises à Sangrafa et a découvert que la valeur des travaux réalisés par Sangrafa seul dépassait les 150 millions d'anciennes ouguiyas. L'organisation a également effectué plusieurs entretiens enregistrés avec des travailleurs qui avaient été embauchés personnellement par Abdallahi Ould Medellah pour exécuter les contrats à Sangrafa. Les preuves recueillies sur le terrain ont révélé la médiocrité des travaux de clôture, qui étaient parmi les plus chers pour le compte de l'État (voir les pièces jointes 7A et 7B), ainsi que le manque de fixation du sable dans la plupart des enclos (voir les pièces jointes 8A et 8B).
Suite à des comparaisons, Transparence Inclusive a noté que les prix avaient été presque doublés. Par exemple, la société Construction, affiliée à Abdallahi Ould Medellah, a augmenté le coût de clôture de 50 hectares à 6 millions d'ouguiyas dans des transactions précédentes avec l'agence (voir la facture n° 0044/2020), à 14,6 millions d'ouguiyas pour seulement 10 hectares dans 22 contrat d’une seule traite