Récent vainqueur de la supercoupe de Mauritanie à nouadhibou, le FC Tevragh Zeïna truste le sommet du championnat mauritanien depuis quelques temps. Un renouveau initié grâce à une direction qui tend à plus de professionnalisme dans la gestion du club. Reportage d'une journée passée avec l'équipe et le staff technique, avant leur match contre le Ksar, le 5 décembre passé.
Rendez-vous est pris avec l'équipe et l'entraîneur, à midi, au restaurant de la commune de Tevragh Zeïna, samedi 5 décembre. L'équipe y déjeune à chaque journée d'avant-match. Au menu, pâtes et riz, riches en sucres lents. 30 minutes plus tard, direction le complexe Méga Foot, à la Socogim Plage, pour un briefing de 30 minutes.
Birame Gueye, l'entraîneur du club, a été avec Tevragh Zeina de 2010 à 2013, avec une parenthèse de deux saisons avec la Snim, de retour en 2015 au FC Tevragh Zeïna. Il pointe calmement les lacunes techniques et tactiques de l'équipe. "Nous sommes à 13 points du leader avant le match de cet après-midi, après 5 journées. Nous devons absolument gagner pour espérer réduire l'écart! Pour cela, vous devez être prêts, et je n'ai pas l'impression que vous l'êtes. Utilisez votre tête, développez votre intelligence de jeu! Si sur un coup de pied arrêté, ou une contre-attaque, on fait monter nos hauts gabarits, ce n'est pas pour faire une passe à ras de terre!" dit-il en fixant, un brin énervé la petite assemblée de joueurs.
"Ensuite, je veux voir de l'EN-GA-GE-MENT! Nos transitions défense/attaque et attaque/défense doivent être fluides, instantanées. Dès qu'on a le ballon, nous devons systématiquement écarter le jeu; et l'instant où on le perd, nous devons nous regrouper. Ça demande des efforts que vous ne faites pas !"reprend l'ancien entraîneur de Nouadhibou. "Je ne tergiverse pas dans le jeu : si au bout de 12-15 minutes je vois que vous ne faites rien, je vous sors illico! Quand on se dit fort, c'est sur le terrain qu'on le montre. Il y a un manque de rigueur parmi, vous devez changer cela !" termine-t-il. A 13h15, les joueurs montent dans leurs chambre pour une sieste, détente, d'une demi-heure, avant d'aller au stade, où leur match contre le Ksar, 4ème au classement, débute à 16h.
Dans les chambres, les joueurs maugréent sur le discours virulent, "mais juste", de leur coach. "Il est souvent dur avec nous, mais comme un père. C'est d'autant plus normal qu'il soit exigeant, que nous avons dans l'équipe sept joueurs en équipe nationale A, et deux en juniors. Ce n'est pas pour rien que le renouveau du FC Tevragh Zeïna coïncide avec celui des Mourabitounes" affirme Ibrahim Sy, capitaine de l'équipe, et de retour de blessure qui l'a tenu éloigné des terrains pendant presqu'un an.
Un renouveau managérial et d'encadrement
Créé en 2005, le FC Tevragh Zeïna est l'un des plus jeunes clubs mauritaniens à évoluer en première division nationale. Très rapidement, dès 2009, le premier trophée est engrangé. Trois suivront, dont les deux derniers datent de cette année : un titre de champion de division, et une supercoupe stoppée à la 63ème minute. Son président, Moussa Khaïry, opticien de profession, estime que les fondations d'une équipe professionnelle doivent permettre"naturellement" l'épanouissement en son sein, d'un joueur.
Ibra Sy, capitaine de l'équipe souligne certaines de ces conditions améliorées : "Nous avons des primes de matchs qui varient entre 10.000 et 20.000 ouguiyas, selon les équipes rencontrées, et l'importance des matchs. Le médecin gambien qui suit les joueurs du club, m'a suivi l'an passé durant toute la période de ma blessure. Le président fait tout pour que l'on soit concentré et en forme" explique le capitaine.
"En 2004, avec un gorupe d'amis, nous avons voulu aider l'Ahmedi, dans le 5ème arrondissement. On a vite vu les problèmes d'organisation dans la structure. En allant au bout de notre démarche, nous avons créé le FC Khaïry, en décembre 2005, apparaissant ainsi en deuxième division mauritanienne. Nous avons alors pris les meilleurs joueurs de 1ère division! Presque une première !Nous avons été accusés de faire du foot-businesse, mais nous voulions aller vite" raconte le président du club. La montée en 1ère division se fait deux ans plus tard. "Nous avons pris conscience de ce niveau supérieur qui exige un pactole de 35 à 40 millions d'ouguiyas annuellement pour tenir la barre. C'est ainsi qu'une entente a été trouvée avec la commune de Tevragh Zeïna, avec une cession du club, qui nous a confié la gestion effective de la structure" affirme Moussa Khaïry.
Avec une visée continentale clairement affichée, le FC Tevragh ZeÏna, veut sortir de l'ornière strictement mauritanienne. "Depuis que nous avons émergé, nous jouons les premiers rôles. La gestion du club comme une entreprise est le secret. Nous ne gardons que les meilleurs" souligne le président du FC Tevragh Zeïna, actuel leader du championnat.
Une organisation managériale similaire à ce qui se fait aujourd'hui en équipe nationale de Mauritanie, que Birame Guèye concède : "Je travaille dans un cadre agréable au FC Tevragh Zeïna, qui détient un bon groupe, avec un comité administratif qui joue son rôle; nous avons virtuellement l'organisation et l'organigramme d'un club pro" affirme le coach, qui regrette éventuellement le manque de rigueur professionnelle des joueurs, "pas très concentrés"."Nos joueurs ici doivent encore apprendre, d'autant que le président du club et la mairie essaient volontairement de donner les commodités nécessaires pour que les joueurs évoluent dans les meilleures conditions possibles".
Taghi Khoullah, capitaine des Mourabitounes locaux, et milieu récupérateur, du FC Tevragh Zeïna, joue depuis 2008 en équipe nationale. Pour lui, les efforts managériaux initiés entre autres au FC Tevragh Zeïna, vont dans le sens du renouveau du football mauritanien. "La fédération, certains dirigeants de clubs, des acteurs politiques, comme Mme la maire de Tevragh Zeïna, veulent vraiment faire prendre au football mauritanien un virage progressif. Au FC Tevragh Zeïna par exemple, les commodités sont telles, que tous les joueurs sans exception sont professionnels jusqu'au bout, et n'ont pas d'autres activités professionnelles en dehors du football" explique Taghi.
Diagnostic du football mauritanien
Sur la qualité générale des footballeurs mauritaniens, l'entraîneur est très mesuré. "La qualité est très éparse, car nous n'avons pas encore de centre de formation en tant que tel en Mauritanie. Du coup, les joueurs arrivent dans le bain à un âge où il est difficile de refaire les fondamentaux. En tant qu'entraîneur je passe beaucoup de temps à régler, revoir même ces fondamentaux, et ce n'est pas mon rôle" regrette Birame Gueye.
Mohamed Lemine Ould Chérif Moctar, le "6 qui coupe tous les ballons" comme le surnomment affectueusement ses co-équipiers. Depuis 7 ans au FC Tevragh Zeïna; pour lui, les progrès de l'équipe nationale ne doivent pas masquer les lacunes du championnat, encore "énormes" à ses yeux. "Nous jouons encore sans courant souvent; un championnat à 3 ou 4 mercatos par an! Les matchs qui commencent à 14h.."
"Ce dont on se satisfait n'est pas suffisant pour l'avenir de ce sport. Il y a de très très bons joueurs dans ce pays, mais les opportunités font défaut" termine Mohamed Lemine.
L'arrière gauche du FC Tevragh Zeïna, Bocar Coulibaly, évolue dans le championnat mauritanien depuis 12 ans. "Les changements sont légèrement positifs, mais il reste des améliorations majeurs à apporter pour un développement pérenne de ce sport chez nous" assure le trentenaire.
Brahim Mahfoud, n°8 de l'équipe, "mais je joue surtout en 6" précise-t-il.Ancien joueur de l'Assaba, il évolue dans son club actuel depuis 2013."On reparlera de la qualité du championnat dans 2-3 ans" répond-il quand on le questionne sur le sujet. "Parce que pour le moment, depuis un an, il y a un très léger mieux en termes de management, de gestion des blessures etc... Mais on ne pourra juger des effets que d'ici quelques saisons. Je demeure tout de même optimiste pour l'avenir du championnat" conclut-il en finissant de lacer ses crampons.
Un championnat pour le moment encore trop peu suivi; un véritable engouement populaire qui n'est pas encore présent. Pour le match contre le Ksar, près de 200 personnes sont dans les deux tribunes du stade de la capitale, et une dizaine d'entre eux agitent quatre drapeaux aux couleurs du club de Tevragh Zeïna, qui gagnera le match 3-0, renforçant ainsi sa première place, maintenant son dauphin a deux points.
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