Le Président Ghazouani a passé une grande partie du mois de janvier dans des déplacements à Paris et Londres pour représenter la Mauritanie sur la scène internationale.
Sa principale apparition a eu lieu à Londres, lors du UK-Africa Investment Summit, où il a annoncé publiquement une série d’initiatives pour améliorer le climat des affaires.
Si une rupture nette avec la corruption, les tracasseries et la politique de l’ère Aziz est attendue pour permettre à la Mauritanie de prospérer, les milieux d’affaires de Nouakchott bruissent de rumeurs selon lesquelles Ghazouani aurait du mal à améliorer l’image du pays auprès des investisseurs, comme le soulignait récemment Africa Energy Intelligence.
Le 21 janvier dernier, cette publication indiquait que BP peinait à conclure un accord avec le Sénégal et la Mauritanie pour vendre le gaz naturel qu’elle y produira. La date butoir du 24 janvier étant passée, faut-il en conclure que la date d’entrée en production est retardée ? Ces négociations durant depuis des années entre BP et les équipes des ministères du pétrole et celui de la finance n’ont pas abouti. M. Looney, le PDG de BP, a dû porter la question directement auprès des Présidents Sall et Ghazouani.
Statu quo
L’échec de ces tractations illustre parfaitement l’enracinement des pratiques de corruption datant de l’ère Aziz, un système qui encourage les hauts-fonctionnaires à solliciter un dessous-de-table pour conclure un accord. Il va de soi que cela refroidit les investisseurs et draine des personnages peu recommandables. Cela fait des années que les entreprises privées mauritaniennes dénoncent cette corruption publique. Pour les petites, elle peut se traduire par des tracasseries, et pour les autres par la retenue des subventions et de la TVA due ou des contrôles fiscaux abusifs visant à obtenir des pots-de-vin. Malheureusement, plus de six mois après l’arrivée au pouvoir de Ghazouani, ce tableau sombre est toujours d’actualité.
Comment contrer ces pratiques ? Peu d’opérateurs économiques sont suffisamment puissants pour pouvoir faire appel au président comme BP l’a fait, ou menacer d’une action en justice – et s’ils en avaient l’idée, l’histoire a montré que le gouvernement ne respecte pas toujours les verdicts, même émanant d’une justice indépendante.
Nouvelles institutions
Les déclarations de Ghazouani à Londres suggèrent qu’il compte amorcer un véritable changement. Lors de sa tournée, il a en effet annoncé plusieurs initiatives pour mettre fin à ces tracasseries, à commencer par la mise en place d’un Centre international de médiation et d’arbitrage qui est censé éviter le recours à des litiges et faciliter des issues équitables. Il a également annoncé la mise à jour du Code des investissements et la formation d’un Conseil supérieur de l’investissement relevant directement de la Présidence de la République, comme l’a rapporté l’Agence mauritanienne d’information.
Ces réformes ont été dévoilées lors de réunions entre le président Ghazouani, la Banque mondiale, le Premier ministre britannique et des journalistes. Auront-elles lieu et seront-elles suffisantes ? Si ces efforts sont louables et nécessaires, ils ne peuvent suffire à résoudre un problème ancré dans l’administration. Une vraie rupture avec la gouvernance de l’ère Aziz est nécessaire pour éradiquer les pratiques en vigueur au sein de ministères tout-puissants.
Possible rédemption
Le UK-Africa Investment Summit, qui a été marqué par la signature de 27 accords, a été salué comme un grand succès. Malheureusement, aucun de ces accords n’a été signé avec la Mauritanie du fait de sa mauvaise image à l’international. L’ère Ghazouani apporte au pays une occasion de la modifier. Le 29 janvier prochain, Dakar accueillera le MSGBC Basin Summit & Exhibition, où la Mauritanie tentera d’attirer des investissements étrangers dans ses champs pétroliers et gaziers offshore, en concurrence avec ses voisins côtiers.
Dans la foulée, Le Cap accueillera l’Africa Mining Indaba dès le 3 février et Nouakchott hébergera la grande conférence des Mauritanides en décembre, avec toujours comme objectif d’attirer des investissements au service du développement du pays. Si le Président veut y parvenir, il devra certes conclure des affaires avec les bons investisseurs, mais il devra aussi se montrer sévère avec les pratiques et les individus susceptibles de ruiner ses efforts.
Ben Abdalla (Le Calame)