On assiste à une espèce de dialogue de sourds, entre le pouvoir et l’opposition démocratique, quant à la gestion du processus électoral pour la prochaine présidentielle. Ceux qui espèrent un consensus autour des conditions de transparence risquent d’être déçus. La majorité présidentielle ou, plus précisément, le pouvoir en place, ne parle manifestement pas le langage de l’Alliance électorale de l’opposition démocratique (AEOD) et vis versa. Illustration éloquente, ces dernières semaines.
Côté opposition, les dirigeants ont tous appelé à un dialogue en vue de « conditions minimales de consensus », autour de l’organisation du scrutin, qualifié de « crucial pour le pays ». Ils semblent même en faire comme une urgence pour ne pas dire un préalable. Dans une déclaration publiée, il y a quelques jours, le président du RFD, Ahmed ould Daddah dit souhaiter « un dialogue national urgent et global qui bâtisse les fondements de ce que sera le devenir du pays et à travers lequel se préparent les prochaines élections présidentielles, les mécanismes de consensus, caractérisés par l’intégrité et la transparence et auquel toutes les parties concernées participent ». Et de craindre, a contrario, de voir la présidentielle prochaine « se transformer en une opportunité d’approfondir la division, menacer l’entité du pays et son avenir ».
Tawassoul, le principal parti de l’opposition depuis les dernières élections législatives et municipales, abonde dans le même sens. Au terme de l’Assemblée de la Choura (un de ses organes délibérants), les islamistes ont demandé « l’ouverture d’un dialogue sérieux et inclusif autour la présidentielle » et d’autres questions nationales. Ce dialogue devrait notamment débattre, insiste le parti islamiste, des questions relatives aux organes de gestion et de contrôle des élections, en particulier la recomposition de la CENI, la révision du fichier et de la liste électorale, sur lesquels le président du FNDU, Mohamed Mouloud, dit émettre de « sérieux doutes » qui fâchent, la présence d’observateurs internationaux, la neutralité de l’administration, l’usage de l’argent public…Pour Tawassoul, ce dialogue devrait débattre également d’autres questions épineuses, notamment l’esclavage et les revendications des négro-africains (passif humanitaire et exclusion). Toutes les préoccupations et griefs de l’opposition démocratique ont été consignés dans une plateforme remise au ministère de l’Intérieur, véritable patron de la gestion effective des élections.
Maître Sidi Mohamed ould Maham, président de l’UPR, principal parti de la majorité présidentielle, et, par ailleurs, porte-parole du gouvernement, a rapidement réagi. Comme on s’y attendait, il rejette l’offre de dialogue de l’opposition, doutant de sa sincérité. Son parti n’a, dit-il, « nullement l’intention d’ouvrir un dialogue, pour la bonne et simple raison que les expériences précédentes ont montré que « l’objectif déclaré par l’opposition finit toujours par s’estomper, sous la pression des média et de l’opinion publique ». Pour lui, le débat, entre le pouvoir et l’opposition, doit désormais se faire au sein de l’Assemblée nationale. Une Assemblée nationale où ne siègent que peu de partis de l’AEOD… Ce disant, le président de l’UPR n’enfonce qu’une porte déjà ouverte par son mentor, le président de la République. Ce dernier a répété, à plusieurs reprises, qu’il n’y aura pas de dialogue avec l’opposition. Des contacts préliminaires avaient certes été secrètement organisés, par le passé, mais, toujours dévoilés par l’une ou l’autre partie, ils n’ont jamais abouti.
Espérons que la sagesse finira tout de même par l’emporter et que les acteurs politiques des différents camps acceptent de se parler, il y va de l’intérêt du pays. Ne serait-ce que sur le sort de l’actuelle CENI, désavouée, lors des dernières élections, par le pouvoir lui-même et les autres partis, alors que l’AEOD ne lui reconnaît aucune indépendance par rapport audit pouvoir. Cela fait tout de même désordre… Un dialogue politique ou de simples concertations pourraient aplanir les divergences et, partant, permettre la tenue d’une présidentielle consensuelle, un tant soit peu crédible et, surtout, sans lendemain de contestations. La démocratie mauritanienne n’en sortira que grandie. Elle en a bien besoin…
DL (Le Calame)