Alors que les forces militaires s’enlisent dans d’inextricables montages pour le financement de leurs opérations, le sommet de Nouakchott, prévu demain jeudi, et consacré à la question du développement, risque de connaitre les mêmes promesses sans lendemain.
Le G5 Sahel ou « G5S » mis en place en place, en février 2014, par notre pays, le Tchad, le Niger, le Burkina Faso et le Mali ne convainc pas beaucoup comme cadre institutionnel. Il y a eu sans doute précipitation tellement le danger et l’enjeu étaient énormes. Mais il semble bien entendu aujourd’hui, avec les revers organisationnels et sur le terrain face aux terroristes, de plus en plus actifs, que nos dirigeants –et Paris avec- ont foncé la tête baissée pour vendre la peau de l’ours.
En effet, la mise en place du G5, perçue par nos dirigeants et leurs partenaires comme cadre de coopération régionale, et de prise en charge de leur propre sécurité, ne déroge pas non plus à l’image d’une machine à sous. La précipitation observée, en dépit d’une menace réelle, et l’exclusivité de ce regroupement, ne peut empêcher la perception mercantile qui en est donnée. Le pré-financement et le déploiement des forces nationales avec leurs moyens du bord des pays du G5S trahissent une impréparation notoire qui a eu pour conséquence l’inefficacité de l’action militaire sur le terrain dont la grande symbolique a été l’attaque, lors du sommet de Nouakchott de juillet 2018, du QG de Sévaré au Mali. Des changements ont été opérés depuis dans le commandement de cette force désormais confiée au Général Hanena de Mauritanie.
La charrue avant les bœufs
Mais l’ambition militaire est grande et ce sont les fonds qui manquent le plus. Mais ce mercantilisme semble bien partagé car la France, qui cherche à passer le témoin de ces 4000 hommes engagés dans « cette galère » sahélienne aux forces nationales des 5 pays, voit son appétit aiguisé par les promesses des donateurs à Bruxelles pour l’achat de l’armement nécessaire à cette nouvelle armada sous équipée. Son activisme pour traîner l’Allemagne dans le cadre de l’Alliance Sahel se confond, par ailleurs, à une tentative à impliquer plus efficacement l’Europe, Et ainsi éviter de rappeler au reste du monde ses relations « incestueuses » avec la sous-région.
Aussi regrettable que cela puisse se comprendre, l’argent qui reste le nerf de la guerre semble l’emporter davantage sur les défis sécuritaires et démocratiques dans les principaux pays du G5S. La France de Macron –mais un peu l’Europe aussi- aujourd’hui empêtrée dans le tourbillon social des Gilets Jaunes, ferme aisément les yeux sur les dépassements en matière de démocratie et des droits de l’Homme. Est bien loin l’esprit de La Baule! C’est sans doute la raison qui a poussé les Etats-Unis à opter pour une contribution bilatérale dans cet effort d’ensemble dont la mayonnaise ne prend pas bien. Face à la résurgence du terrorisme et de son corolaire du crime organisé, l’Ue et la France notamment semblent reléguer au second plan le respect des droits de l’Homme au profit du tout sécuritaire. Forcément, on déchante car qui mieux que les terroristes sait recruter parmi les millions de jeunes africains qui n’ont plus rien à perdre face à l’arbitraire et à l’injustice dans nos pays.
Démocratie, victime collatérale
Que n’a-t-on pas alloué comme ressources au développement dans nos cinq pays. Ce n’est certainement jamais suffisant mais au regard des avancées des pays, cela parait une goutte dans un océan de misère. Outre, l’hésitation –ou défection de gros donateurs- il est bien évident que la G5S réceptacle d’une énorme aide financière internationale croupit toujours dans le besoin. Les pays du G5S reste les derniers pays dans tous les rapports de développement humain. De pays endettés où sévissent la malgouverance et la mauvaise gestion des deniers publics, tous les pays du G5S, excepté peut-être le Burkina Faso, connaissent un recul démocratique grave où l’arbitraire, l’injustice sociale vont crescendo. Face à la progression de la menace terroriste, le choix des principaux partenaires d’aider à asseoir des dictatures maquillées ne fera qu’envenimer la situation des Etats. La preuve est là ; depuis l’intervention française en 2013, on a peut-être sauvé Bamako de tomber dans de vilaines mains mais l’on n’a pas contenu la progression et l’opérationnalité terroriste sur le terrain. La réponse devrait être démocratique et non simplement militaire ou économique. On a donc beau mobilisé des ressources dont in fine la traçabilité posera toujours problème, mais tant que la jeunesse dans nos Etats ne sentira pas bien dans sa peau par la jouissance de la liberté, de l’égalité, de l’emploi décent, de la sécurité, elle servira toujours de proie facile au recrutement par les terroristes, par les contrebandiers et dans le meilleur des cas, elle n’aura d’autre choix qu’opter pour l’immigration clandestine.
JD