A aucune période par le passé, la politique n’a autant passionné les mauritaniens ni suscité un tel engouement.
La preuve une fièvre sans précédent continue de s’emparer de grands nombres de candidats sur des listes provenant de tous les partis du paysage politique qui se comptent par dizaines, de la majorité comme des deux oppositions comme on se plait à les différencier.
Mais le plus spectaculaire dans ce déploiement sans précédent, c’est tout simplement que la grande partie de ses candidatures est désignée, poussée et soutenue par les tribus et congloméras de tribus dont elle est issue et cela n’est un secret pour personne.
Sans vision, ni programme, ni discours, ni expérience, ces candidats en poussière cheminent leurs régions à coup de 4x4 mal acquis des deniers publics usurpés aux caisses de l’Etat, du blanchiment d’argent malpropre issu de trafics et de la contrebande à la faveur d’une fluidité des frontières et de complicités douanières et d’autorités frontalières. Sur les lieux, ils mobilisent leurs condescendants et promettent aux plus forts dans des discours sans teneur leur prochain arrimage en cas de victoire.
C’est ce tableau de désordre digne du surréalisme de Picasso qui, sans ambigüité aucune, s’offre aux observateurs de la Mauritanie. Bien étonnés de la vivacité des mauritaniens, ceux-là relèvent pourtant avec pertinence l’absence sans appel du discours républicain, du programme constructif et de la philosophie qui sous-tend l’élévation du pays vers la notion étatique et l’arrimage aux réglementations de la démocratie.
Mais le plus extraordinaire dans cette nouvelle saga, qui s’inscrit dans la droite ligne du patrimoine tribaliste et de castes de la Mauritanie d’avant l’Etat indépendance, c’est bien que l’histoire moderne du pays et sa marche chaotique au fil de cinquante sept années de souveraineté n’ont pas écorché une once de la structure rigide du difficile système social médiéval.
Au contraire cette vérité, qui quoique toujours tempérée et camouflée par des procédés d’entente propre à la «Seïba», s’est cette-fois déclarée au grand jour malgré l’effritement de l’ossature globale des tribus, soit le détachement des castes secondaires et du bas de l’échelle et des tribus dites d’alliances de seconde zone.
Les notables et chefs de tribus, conscients de cette grande brèche dans le tissu, tentent, à la faveur de leurs immenses richesses acquises par la proximité et la communion avec tous les systèmes au pouvoir et grâce à l’infiltration de leurs fils éduqués et nommés aux postes de gestion et de commande dans tous les rouages de l’Etat, grâce à l’argent et les promesse de remettre dans les girons d’une part, ces franges exfiltrées qui tentent encore, faiblement certes, de s’affranchir du joug tribal injuste à la faveur de l’éveil qui se généralise, et des tribus entières dites de seconde zones autour du noyau d’autre part.
C’est une bataille qu’ils ne perdent pas, parce que encore tenant du levier de la dépendance de ses castes, couches et tribus entières encore maintenues par tous les procédés de l’injustice sous le joug de la pauvreté et de l’ignorance et de la dépendance.
Ainsi donc, les mauritaniens, tout en haut d’une stratification encore bien vivace hélas, au nom de la démocratie et de ses procédés théoriques continuent de remettre en cause l’Etat moderne de l’égalité des droits et chances et de la citoyenneté.