Mauritanie : que va devenir le Palais El Mourabitoune après le sommet de l'UA ? | Mauriweb

Mauritanie : que va devenir le Palais El Mourabitoune après le sommet de l'UA ?

sam, 07/07/2018 - 12:08

C’était la première fois que la Mauritanie recevait le Sommet de l’Union africaine. Alors les autorités ont vu les choses en grand. En un temps record, le Palais des congrès El Mourabitoune, bâti sur 24.000 mètres carrés, est sorti de terre. Que va devenir cette gigantesque infrastructure après la fin des travaux du 31è Sommet de l’Union africaine(UA) ? Un éléphant blanc ? Un bâtiment affecté à d’autres festivités ? La Tribune Afrique a cherché pour vous les réponses auprès des différents acteurs du dossier.

Aujourd'hui, depuis cette immense bâtisse, on peut assister au spectacle du décollage et de l'atterrissage des avions sur le nouvel aéroport Oumtounsy de Nouakchott, situé à 2 kilomètres seulement de là. Pourtant quelques mois en arrière, ce poste d'observation était lui-même couvert de sable et de quelques arbustes sous les rayons du soleil du désert. Fait de de béton, de pierre et en bardage de bois, le Palais El Mourabitoune, qui s'étale sur 24.000 mètres carrés sur les 2 hectares que l'Etat mauritanien a assignés à ce projet, a été construit... en neuf mois !

Neuf mois de défi logistique et de prouesse technique

«C'est un défi logistique énorme et une prouesse technique incroyable au vu des conditions et du petit laps de temps dont nous disposions pour le faire émerger et le terminer», se gargarise-t-on au ministère de l'Urbanisme. Entre septembre 2017 et juin 2018, le département a dû mobiliser tout ce qu'il compte d'aristarques pour suivre ce chantier de 14 milliards d'Ouguiyas (25,5 millions d'euros), confié au groupe mauritanien CDI de Zine El Abidine Ould Mohamed Mahmoud, le chef du patronat mauritanien.

«Le boss était presque résident au chantier qu'il suivait de très près, parfois avec des horaires très tardifs. Il faut aussi dire que le chantier a été fastidieux. Il fallait non seulement optimiser le temps et ne perdre aucune seconde puis suivre minutieusement l'acheminement et la qualité du matériel qui arrivait par cargo», glisse-t-on dans l'entourage d'Ould Mohamed Mahmoud. Mais une petite pression supplémentaire sur les différents acteurs est venue s'ajouter aux défis. Mohamed Ould Abdelaziz, se renseignait quasi-quotidiennement sur l'évolution du chantier quand il ne débarquait pas pour une visite inopinée.

Al Mourabitoune,  nouveau hub de conférences pour Nouakchott

Résultat, moins d'un an après le lancement des travaux c'est ce bâtiment qui a pu accueillir la vingtaine de délégations dans l'immense salle de congrès de 3200 places. Les chefs d'Etat ou leurs représentants qui ont fait le déplacement à Nouakchott pour le 31è Sommet de l'Union africaine n'ont pas été à l'étroit dans la salle des huis-clos de 350 places. Certains ont même pu avoir des réunions bilatérales dans des sortes de salles annexes construites pour l'occasion.

Avec la fin du Sommet de Nouakchott, l'intérêt de la question s'est déplacé pour les Nouakchottois et même au-delà : que va devenir le Palais Al Mourabitoune ? «Un grand centre de conférences», répond sans sourciller un des acteurs du chantier. Avant de concrétiser cette ambition, il faudrait d'abord que le bâtiment soit totalement achevé. Les invités du sommet ont pu constater sur place que les travaux de finition n'étaient pas totalement achevés. Jusqu'au moment de recevoir la réunion panafricaine, les ouvriers étaient encore à pied d'oeuvre pour installer du carrelage mais aussi terminaient certaines tâches de maçonneries et de finition.

«Notre pays souhaite se positionner comme une sorte de hub pour les grandes rencontres internationales et continentales. A côté du Palais [des congrès], un hôtel devrait être construit pour faciliter le logement des participants à ce type de rencontres», précise encore notre source. Sans doute, Mohamed Ould Abdelaziz compte recevoir la cinquantaine de délégations lors du Sommet de l'OCI prévu en décembre 2018 dans la capitale mauritanienne.

Futur Palais Ould Abdelaziz ?

De l'avis de plusieurs observateurs, les salles d'El Mourabitoune pourraient être réaffectées à des manifestations nationales de grande envergure comme des congrès de partis politiques ou encore des réunions  internationales impliquant au moins 1.000 participants. Pour cela, la Mauritanie devrait d'abord  juguler sa sous-capacité litière de 1300 places pour pouvoir loger les délégations et éviter les impairs.

Certaines mauvaises langues expliquent même le fiasco du Sommet de la Ligue Arabe en juillet 2016, par le fait que plusieurs délégations qui n'ont pas pu résoudre le casse-tête logistique, ont fini par se désister. Six chefs d'Etat seulement sur 22 avaient fait le déplacement. Une «leçon» pour le pays qui ambitionne de recevoir dans ce palais flambant neuf, des conférences de l'OMVS, du CILSS, du G5 Sahel ou encore des réunions de médiations pour les crises de la sous-région. La Mauritanie se voit même accueillir un sommet de la CEDEAO, si l'organisation ouest-africaine consent à lui ouvrir ses portes.

Au sein de l'opposition, l'avis est tout autre sur l'avenir de ce centre de conférences. «Le Palais Al Mourabitoune, comme le Palais des congrès pour la Ligue arabe, va rester un grand bâtiment sans finalité particulière. Pour construire des grands bâtiments pour l'image à l'international, les autorités trouvent toujours toute la célérité pour le faire. Par contre lorsqu'il s'agit d'hôpitaux, d'écoles ou d'infrastructures d'utilité publique, l'Etat montre moins d'enthousiasme à les exécuter», tance un taulier de l'opposition en exil dans une capitale arabe.

Dans tous les cas, Mohamed Ould Abdelaziz a mis des oreillères pour isoler les bruissements de ces critiques. En politicien madré, il compte exploiter tous les lauriers de la construction du Palais El Mourabitoune. L'infrastructure visible depuis l'aéroport sera désormais le premier contact visuel de tout visiteur qui sort de l'aéroport Oumtounsy. Une «gloire» sur laquelle va capitaliser l'UPR (au pouvoir) lors de la campagne pour les législatives et municipales prévues en septembre 2018. A moins que le président ne l'inscrive dans son héritage au moment où il s'apprête à céder son fauteuil à un successeur. Qui sait ? Un jour peut-être, le Palais El Mourabitoune pourrait porter le nom de Mohamed Ould Abdelaziz. Un symbole indélébile pour passer à la postérité.

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