Lorsqu’en 2008, le général Mohamed Ould Abdel Aziz et sa junte décident de faire tomber Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, le premier président élu démocratiquement pour conserver leurs privilèges, le rebelle en chef avait brandi des slogans pour amadouer les citoyens ordinaires et contenir la colère d’une très forte contestation populaire dont les diverses forces de l’opposition de l’époque étaient la locomotive. Parmi ces slogans, la lutte contre la gabegie était certainement le plus emblématique. En dix ans, les dizaines de scandales liés à ce slogan constituent une preuve éloquente que ce n’était en fait que de la poudre aux yeux. Les scandales, les Mauritaniens en ont vu de toutes les couleurs. Mieux, leurs protagonistes proviennent de partout y compris de la présidence. L’affaire Senoussi, l’affaire des enregistrements d’Accra et autres ont fini par faire comprendre que le pays n’est pas encore au bout de ses peines. Aucune institution n’a été épargnée : ni l’armée dont des centaines de millions ont servi à prospérer les affaires d’un proche du sérail ni le « « « sacré » ministère des affaires islamiques. Entre le 6 août 2008 et jusqu’à la semaine dernière, des hauts fonctionnaires de l’Etat ont continué à voler les biens publics à coup de centaines de millions voire de milliards. C’est selon leurs attaches ou leurs rapports avec les maîtres des céans civils ou militaires que leur dossier est traité. Le ministère public n’a plus aucun droit. Les temps avancent, disait un ancien premier ministre à l’endroit d’une ancienne députée. Mais visiblement, la gabegie aussi. Nouveaux temps. Nouvelles techniques. Voler des centaines de milliards puis perdre momentanément son poste. La preuve. Regardez autour de vous. Puis il faut rembourser trente pour cent et ensuite accepter théoriquement de verser des tranches. Puis attendre des jours meilleurs, le temps de faire baisser la tension et à la faveur d’une élection ou d’un quelconque autre événement qui requiert une mobilisation populaire d’être remis aux affaires. L’autre aspect de la gabegie est la spoliation tout azimut des biens publics à travers leur vente (écoles, espaces, casernes militaires) et leur achat par procuration par des personnes que personne ne connaissait dans le monde des affaires. L’exemple de l’achat de l’ancienne école marché par l’épouse d’un nouvel très puissant homme d’affaires dont personne n’ignore les relations avec le président Mohamed Ould Abdel Aziz ou l’achat il ya quelques deux semaines par une adolescente (nièce de qui vous savez ?) d’à peine vingt deux ans de dizaines de boutiques pour environ deux milliards d’ouguiyas du nouveau marché sis en face de l’ancien escadron de gendarmerie sur lequel les travaux d’on ne sait quel autre projet commercial ont commencé. Une vaste opération de blanchiment d’argent sur fond de petites réalisations infrastructurelles improvisées qui permettent encore d’engranger d’autres juteux marchés au profit des hommes du pouvoir ou de ceux qui en sont proches. Le marché du nouvel aéroport de Nouakchott et son avenant de quinze milliards d’ouguiyas qui devraient officiellement servir à construire entre autre une grande mosquée d’une capacité d’accueil de quinze mille ‘’prieurs’’. La dernière adjudication du marché d’un nouveau palais des congrès à l’homme d’affaire Zeine El Abidine pour quatorze milliards d’ouguiyas. Un exemple incontestable de surfacturation pour au moins une dizaine de milliards d’ouguiyas qui devraient aller dans quelles poches ? Pour vous donner une idée de cela : L’immeuble de la SNIM qui fait face à la BMCI (AFARCO) a été construit entièrement par une société espagnole pour six milliards d’ouguiyas. Ce la veut dire que le nouveau palais des congrès coûtera deux fois plus que cet immeuble. Tout cela n’est que la face apparente d’un iceberg de gabegie organisée aux manifestations multiples allant nominations abusives à tous les postes de responsabilité qui ne se basent sur aucun critère objectif à la dilapidation des budgets des structures de l’Etat en frais de voyage et d’hôtels de luxe à la rémunération de journalistes, avocats, juges et colonels à la retraite pour faire la publicité à travers des articles, plaidoiries et témoignages suscités sur un pays dont plus des 4/5 de la population vivent dans des conditions extrêmement difficiles.
Le Calame