La semaine dernière, la ville de Nouakchott a vécu au rythme du festival sur les droits de l’homme, Karama. La première édition de ce festival organisé par la Maison des Cinéastes, a mis l’accent sur les droits de la femme et les couches défavorisées, du 11 au 13 octobre. Après les journaux, la musique et photos, les acteurs de la société civile, se saisissent du septième art pour dénoncer, sensibiliser et promouvoir les Droits de l’Homme.
Lundi dernier, le coup d’envoi de la première édition du Festival Karama de Mauritanie, a été donné par Lalla Aicha Sy Ouedraogo, sa présidente et Mohamed Ali Ould Bilal, son directeur. Devant une assistante venue de divers horizons, la Présidente a souligné que ''le festival Karama est un espace cinématographique pour la projection de films portant sur le droit à la vie, à l’éducation, à la santé, à la culture, etc…, conformément à la déclaration universelle des droits de l’Homme, à la Constitution mauritanienne et aux conventions internationales ». La militante des droits humains rappelle que l’un des objectifs de ce festival, est la « construction d’un réseau de contacts entre toutes les parties concernées et intéressées aussi bien par le cinéma que par les droits de l’homme au niveau local et international ». D’autre part, Mme Lalla Aicha Sy précise que cette édition, intervient « dans un contexte marqué parla célébration de la journée internationale de la femme Rurale (15 Octobre) », d’où la forte des femmes dans le programme.
Un rêve qui se réalise
Toujours dans le chapitre des discours, le directeur du Festival, Mohamed Ali Ould Bilal, a déclaré que « l’organisation de ce festival est un rêve qui se réalise ». En effet, cela fait quelques années que la Maison des Cinéastes tente de faire un événement de ce type. Il a pour sa part fait un vœu « nous espérons vivre des moments heureux et suivre des films qui touchent le rejet déclaré de toutes les pratiques préjudiciables, à la dignité humaine dans toutes ses manifestations et ses formes ».
« …livrés à eux mêmes »
Outre les discours, le festival a été rythmé par des projections, débats, expositions et ateliers de formation. Des films de réalisateurs mauritaniens et étrangers ont été projetés. C’est le cas du film « Pièces détachées » réalisé Mohamed Ould Abdou. En 6 minutes, Mohamed Abdou traite la question d’employés ayant été victimes d’accidents de travail. Avec des témoignages poignants, le voile est levé sur cette pratique. Il est question de trois cas : un mort, un paralysé et un autre atteint par une sorte de poison au bras. A visage découverts, les victimes eux-mêmes, parents et amis relatent des faits. Oubliés par la MCM et livrés à eux-mêmes, ces hommes luttent pour leurs survies. Selon le réalisateur, seul le cas de la société minière MCM a été retenu. Mais il insiste sur le fait que « nombreux sont les entreprises à fuir leurs responsabilités en cas d’accidents de travail ».
La bêtise
Un autre film a également fait sensation. Nessiba ou « rêve brisé » revient sur la mésaventure des écoliers d’El Mina, qui devait représenter la Mauritanie à la compétition de football « coupe Jeem ». Selon son réalisateur Deddah Abdullah, le film « lève le voile, dans un style émouvant et saisissant, témoignages et arguments à l'appui, sur les tractations qui ont abouti à la privation de l'équipe Nessiba1 de participer, à Doha en février dernier ». Ce court métrage faut-il le rappeler, est produit par l’agence mauritanienne de communication « ARAC ». Très applaudi, a le mérite d'avoir apporté « des éclairages inédits sur ce regrettable épisode de l'histoire contemporaine du football mauritanien », conclu le réalisateur.
Karama des talibés
Tout comme Deddah Abdullah, Khalifa Sy lauréat du dernier festival NouakshortFilm, a mis l’accent sur les injustices à l’égard des enfants. A travers son film « Chanson pour un talibé », Khalifa évoque la vie d’un talibé jalonné de maltraitance et face au regard d’une société indifférence à son sort. Ce talibé est malgré tout devenu un bon musicien et auteur du générique du dit film. Lui-même ancien talibé, Khalifa a voulu toucher la sensibilité des mauritaniens pour qu’ils aient un regard neuf, sur cette situation.
Penda Sogué, trois ans déjà
Les femmes et enfants étant au cœur des films projetés, le court métrage « à la mémoire de Penda Sogué » a naturellement ému l’assistance. Réalisée par la jeune Medina Ibrahima N’diaye, le court métrage revient sur le viol de Penda Sogué. Victime d’un viol collectif puis tuée alors qu’elle était enceinte, l’affaire Penda Sogué avait secoué Nouakchott en 2013. A travers ce film, Medina rappelle aux amnésiques que justice n’est pas encore rendue et que les mauritaniennes sont toutes exposés à ce type de violence.
Le foncier et les femmes rurales
Notons par ailleurs que dans le cadre du festival, un débat sous le thème « la femme rurale et le foncier ». Dans son intervention, la militante des droits de l’homme, Aissata Aw, est revenue sur cette discrimination à l’égard des femmes. De leur faibles moyens économiques au manque d’éducation en passant par la possession de terres, la femme rurale est plus d’exposée au viol de ses droits que la femme vivante en milieu urbaine. Un travail de conscientisation et des décideurs et des femmes elles mêmes, s’impose, pour changer la donne.
ABC vidéo et photo
Autre activité organisée dans le cadre du festival, un atelier de formation. Une dizaine de jeunes actifs dans le milieu associatif, ont eu droit à un atelier sur « l’ABC vidéo et Photo ». La formation a été assurée par Dah Abdullah, directeur de l’agence de communication « ARAC ».
Pour rappel, ce festival est soutenu par son ainé jordanien qui porte le même nom. D’ailleurs la Karama International Film se déroulera en décembre en Jordanie. L’atteinte aux droits étant chose fréquente, ceux qui œuvrent pour le respect des droits s’approprient tous les supports pour prévenir et dénoncer. Le septième art se met au servir des droits humains.
Amadou Sy