Au centre de la capitale Nouakchott, dans un immeuble habité, se trouve le siège de la Ligue Mauritanienne des Personnes Atteintes du Sida. Dans ce siège dont les occupants vivent ballotés par la dualité de l’espoir et de la douleur, des dizaines de malades cohabitant patiemment avec ce mal se consacrent entièrement à sensibiliser la population aux risques du Sida et aux moyens de s’en protéger. Ils le font en collaboration avec le Ministère Mauritanien de la Santé qui leur fournit en échange la prise en charge et les soins gratuits. C’est d’ailleurs ce qui représente pour eux une forte stimulation morale qui les aide à surmonter le choc d’avoir été contaminés par le virus ainsi que le regard impitoyable que la société porte sur cette population.
Mohamed Ouelt Mouloud est le doyen des Mauritaniens atteints du sida. Il affirme à Dunes Voices que l’année 2002 a été pour lui une année particulière qui a bouleversé à jamais le cours de sa vie, lorsque, suite à des analyses de routine, il a appris avoir été contaminé.
Ouelt Mouloud ne savait rien d’autre du sida à part le fait que c’est une maladie mortelle. « Dès qu’on m’a appris que j’étais porteur du virus, je me suis dirigé vers ma sœur aînée et je lui ai appris ma maladie. Elle a été la seule de ma famille à se montrer compréhensive ; le reste de mes proches, ainsi que mes amis m’ont renié et m’ont demandé de me tenir loin d’eux, de peur que je leur transmette le mal », explique-t-il en ajoutant qu’il a eu à traverser des jours extrêmement difficiles dont la principale caractéristique était la frustration et le désespoir, avant de se résoudre enfin à ne pas abdiquer devant la maladie et à vivre avec ce nouvel état des choses.
Ouelt Mouloud poursuit en disant que le fait d’avoir été contaminé par le sida lui a donné une forte motivation pour défier ce mal en fondant la première association des personnes atteintes du sida en Mauritanie dont le principal objectif est de prendre la défense de cette population dans une société qui la rejette.
En effet, notre interlocuteur considère que c’est l’ignorance de la plupart des Mauritaniens qui a contribué à la mise en quarantaine des malades du sida et qui à l’origine du regard méprisant qu’on leur porte. C’est pourquoi il a tenu à fonder cette association qui se fixe pour objectif, d’une part, de faire connaître la maladie et les moyens de s’en prévenir et, d’autre part, de sensibiliser la société mauritanienne à la souffrance causée aux malades du sida par le rejet de leurs proches et connaissances et par le mépris que tout le monde leur témoigne.
A son tour, une autre malade du sida qui se fait appeler Radhia Ment Erradhi et qui est très active au sein de la société civile, fait part à Dunes Voices de son expérience avec la maladie qu’elle avait attrapée en 2005.
Radhia affirme que quand elle a appris être porteuse du virus dans un pays africain, elle n’a eu d’autre choix que d’accepter sa maladie en la considérant comme un sort prédestiné. Elle a enfin fini par vivre avec et par dépasser d’innombrables difficultés psychologiques.
Radhia pense par ailleurs que les malades du sida ne sont pas tous responsables de leur contamination par le virus et que beaucoup d’entre eux n’y sont pour rien dans ce malheur. En effet, certains ont été contaminés par leurs conjoints ; d’autres sont nés avec. Il y en a même qui ont attrapé la maladie suite à une grave erreur médicale qui les a condamnés à cette perpétuelle solitude.
Racontant son histoire, Radhia poursuit en disant : « Mon état de santé est le même que celui que j’avais avant d’attraper la maladie en 2005, bien que j’aie perdu beaucoup de poids. Et, avec cela, je me fais régulièrement examiner par le médecin, de même que je suis à la lettre les instructions médicales. Je participe également à des campagnes de sensibilisation visant à faire connaitre la maladie et ayant lieu dans des lieux publics, sans que personne ne sache que j’en suis moi-même victime ».
Le sociologue Addou Ouelt Ahmednah explique à Dune Voices que les efforts de L’Association Mauritanienne des Personnes Atteintes du Sida ont porté leurs fruits en contribuant de manière importante à sensibiliser les gens aux risques de la maladie. En effet, jusqu’à une époque toute récente, les personnes atteintes de ce mal n’osaient en aucun cas s’avouer porteuses du virus, ne serait-ce qu’à leurs proches. Car, dans une société qui perçoit cette maladie comme un déshonneur social irrévocable poursuivant la personne concernée jusqu’à la mort, elles avaient peur d’être montrées du doigt et de rester à jamais marquées du sceau de la honte.
Ouelt Ahmednah ajoute aussi que, grâce aux efforts des adhérents de l’association, le regard de la société mauritanienne semble changer actuellement, dans la mesure où l’on commence à percevoir différemment les personnes atteintes du sida, même si la discrimination persiste encore, quoique de manière moins flagrante.
Amatouha Mint Zayd, une militante de la société civile dans le domaine de la lutte contre les maladies contagieuses, affirme à son tour que le comportement de la société mauritanienne envers les personnes atteintes du sida a beaucoup changé grâce aux campagnes de sensibilisation auxquelles participent de nombreuses composantes sociales et grâce également aux efforts consentis par les personnes porteuses du virus pour faire connaître les particularités de leur problème de santé.
Selon les dernières statistiques, le Ministère de la Santé estime le nombre des personnes porteuses du virus à quatorze mille cas dont 7 % sont des femmes.
Le Ministère de la Santé mauritanien prend en charge aussi les soins de tous les malades du sida et leur accorde des subventions sociales ayant pour but de les aider à affronter les difficultés de la vie.
En parallèle, le Ministère organise des campagnes de sensibilisation à travers les médias et ouvre des centres de dépistage gratuit de cette épidémie sexuellement transmissible, dans 90 % des cas,.
dunes.voices.org