
La visite de Sadio Dicko à Nouakchott marque un tournant stratégique dans la relation entre Proparco et la Mauritanie. Bras armé de l’Agence française de développement (AFD) pour le secteur privé, Proparco multiplie ses engagements dans le pays, comme en témoigne la signature récente d’une quatrième opération en trois ans avec plusieurs établissements financiers locaux. Cette dynamique traduit une volonté claire de faire de la Mauritanie un pays prioritaire dans la stratégie régionale 2023-2027 de l’institution. À cette occasion, Le Quotidien de Nouakchott a rencontré Sadio Dicko, directeur régional Afrique de l’Ouest de Proparco, pour évoquer les grands axes de cette stratégie : le rôle central du secteur financier dans la structuration d’une économie durable, les mécanismes de soutien aux PME, l’intégration des critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance), et les ambitions de l’institution dans des domaines clés comme l’énergie solaire, l’agro-industrie ou encore la pêche. Il revient également sur la coordination avec les autres bailleurs (AFD, BEI, SFI), les innovations en matière de mobilisation du capital privé, et partage, sur une note plus personnelle, les souvenirs de ses années passées en Mauritanie — un pays pour lequel il conserve une attache sincère et durable.
Le Quotidien de Nouakchott : Proparco vient de signer une garantie de Trade finance de plusieurs dizaines de millions avec plusieurs établissements financiers mauritaniens, en quoi cette opération s'inscrit-elle dans la stratégie 2023 2027 de Proparco et notamment en matière d'économie durable et de réduction des inégalités ?
Sadio Dicko : Alors bonjour à vous, ce qui est important de savoir c'est que la stratégie, 2023 2027 de Proparco se base sur un pilier fort. Qui est comment est-ce que Proparco peut intervenir pour développer une économie durable et résiliente. Et pour nous, développer une économie durable et résiliente, ça passe par accompagner et soutenir avec force et conviction, l'entrepreneuriat, dont l'entreprenariat féminin qui est important aussi pour nous, développer et accompagner aussi et soutenir le système financier, et donc les banques, puisqu'on considère vraiment qu’un pays fort et un secteur privé fort, ça passe aussi par des banques qui peuvent prendre leur place dans le développement du secteur privé et notre rôle c'est de pouvoir les renforcer. Et évidemment, développer aussi des infrastructures et une réalité du moment qui est importante c'est aussi comment est-ce qu'on parvient à travers notre accompagnement à financer accompagner la production locale et la transformation locale faite aussi par les locaux. Et c'est ça en fait notre engagement fort, et on considère être important et c'est pour ça qu'on aime passer par les banques, puisque les banques sont un relais aussi pour pouvoir toucher toutes ces petites et moyennes entreprises. À travers l'accompagnement qu'on leur fait donc il y a vraiment une échelle et un déploiement qui est beaucoup plus multiple via les banques.
Le Quotidien de Nouakchott : Vous avez évoqué au cours des cérémonies de signature hier qu’il s’agit de la quatrième opération en trois ans en Mauritanie. Est-ce que cela traduit une dynamique ou une volonté d'en faire un pays propriétaire dans la stratégie de Proparco en Afrique de l’Ouest ?
Sadio Dicko : Totalement, totalement, on a fait le choix et on n’a pas de regrets par rapport à ça puisque les indicateurs que nous avons vus, l’avenir nous montre qu’on les avait bien lus, le dynamisme qu’on voit en Mauritanie, la volonté des autorités à donner sa place au secteur privé, justement pour rendre cette économie durable et pouvoir soutenir la croissance. Et bien évidemment tout ce qui se passe en Mauritanie, en terme de climat des affaires. Et aussi les perspectives qu'on voit à travers justement le grand projet gazier qui est en place évidemment dans les choix que nous avons fait, c'est de voir la population, la jeunesse, la population mauritanienne est une population qui est très jeune, donc tout ça, ça ouvre des perspectives par rapport à ce qu'on peut faire en matière de développement. Et donc parmi les pays prioritaires que nous avons choisi, nous avons décidé de faire de la Mauritanie, une priorité et c'est la raison pour laquelle d'ailleurs on a mobilisé un représentant pays dédié à la Mauritanie que nous suivons aussi depuis Abidjan. Mais qui est là sur le terrain, justement pour accompagner l'économie locale et tous nos partenaires et clients.
Le Quotidien de Nouakchott : Donc vous avez signé avec des banques et comme on le sait, le système bancaire reste très fragile ici, avec un accès limité aux crédits comment Proparco compte –t-elle renforcer l'écosystème financier local, tout en facilitant l'accès au financement pour les PME.
Sadio Dicko : Alors le système financier bancaire Mauritanien, est-ce qu'il est, et n’était-ce pas là justement le rôle d'une banque de développement telle que Proparco d'accompagner justement toutes ces banques qui sont certes, et on connaît très bien comment elles se sont structurées et comment est-ce qu'elles viennent d'autres types d'activités, mais c'est le rôle de Proparco justement de pouvoir justement apporter son soutien. On croit aussi en ce qu'elles ont, et on croit aussi en la vision de ces banques, en tout cas celles avec lesquelles on a commencé et on a noué des relations. Et il est important de donner justement cette place à cet écosystème.
Le Quotidien de Nouakchott : Très bien sur un tout autre volet Proparco met l’accent sur les critère ESG (environnement Social et Gouvernance) comment cela se traduit-il concrètement dans vos projets en Mauritanie ?
Sadio Dicko : Alors ce sera pour les projets en Mauritanie mais que pour la Mauritanie puisque tous nos projets on est- on est certes une banque, mais une banque qui cherche l'impact et donc tous les projets quel qu’il soit en Mauritanie ou dans toutes nos zones d'intervention, doivent avoir une thèse d'impact. La stratégie de Proparco est très claire. Est-ce que nous sommes sur, apporter de la durabilité et une résilience en développant l'économie ? Est-ce qu'on est plutôt sur une logique climat où justement on vient pour permettre de lutter contre les risques climatiques et les dérèglements climatiques ou est-ce que on vient pour apporter une solution contre les inégalités quelle qu’elles soient socio-économique, territoriales ou de genre et donc il est très simple. Est-ce que les projets de Proparco parcours cochent l'une de ces cases si, il n'y a pas une de ces cases ça veut dire que ce n'est pas un projet pour nous qui rentre dans la stratégie. Et donc c'est ça nos thèses d'impact.
Le Quotidien de Nouakchott : Sur la même lancée, dans un pays, touché par les aléas climatiques, un changement climatique, la volatilité des cours mondiaux des matières premières et des produits alimentaires, comment vous financements soutiennent-ils la résilience économique des entreprises locales ?
Sadio Dicko : Alors déjà à travers ce qu’on a signé là, en Mauritanie ces derniers jours puisqu’il s'agit de lignes de garanties de Trade, avec nos partenaires bancaires, et donc ces lignes ont une vocation très claire qui est justement de faciliter le commerce international et de faciliter les échanges pour que les entreprises locales puissent continuer à importer dans de bonnes conditions, sans être trop sujettes aux chocs. Il est très clair aussi qu’une manière de pouvoir aussi soutenir ces entreprises, c'est aussi en partageant les risques qui sont les leurs à travers nos outils. Donc on fait du partage de risques à travers des garanties. Et donc ces garanties sont censées permettre aussi évidemment, il faut que nos partenaires bancaires jouent le jeu, mais sont censés justement pouvoir atténuer les chocs en cas de crise, et on l'a bien observé pendant la crise de l'Ukraine ou le prix des matières premières a flambé. Et bien il fallait justement pouvoir garder une stabilité et c'est-ce qu'on essaye de faire.
Le Quotidien de Nouakchott : Donc au-delà de vos amis du secteur bancaire, quels autres secteurs sont jugés prioritaires par Proparco en Mauritanie : l'agriculture l'énergie, les infrastructures ? Quels projets concrets sont envisagés dans un proche avenir ?
Sadio Dicko : Alors nous notre feuille de route est assez claire c'est que le point d'entrée quand on a fait de la Mauritanie notre pays prioritaire. C'était d'abord les banques, mais il est évident que la seconde étape, ce sera de pouvoir élargir, puisqu'on fait aussi on est très actif sur le secteur de l'énergie. Et donc on a déjà d’ailleurs dans notre pipeline des projets ici en Mauritanie dans le solaire, les centrales solaires, et donc ça c'est le type de projet évidemment qui nous intéresse, on a un portefeuille au sein de la Direction Régionale Afrique de l'ouest une grande expertise dans ce domaine, évidemment, l'agro-industrie, on a parlé tout à l'heure de production locale, transformation pour garder la valeur. Et pouvoir améliorer les chaînes de valeur aussi en local. Et donc l'agro-industrie est un secteur qui nous intéresse et sur lequel on entend aussi apporter notre accompagnement. Et il est évident qu'en Mauritanie, où la pêche est une activité centrale qui apporte aussi beaucoup de croissance, on doit et on devra de toute façon accompagner ce secteur en Mauritanie pour participer aussi à travers un secteur clé et stratégique du pays.
Le Quotidien de Nouakchott : Alors quelle est la nature de vos relations avec les autorités mauritaniennes et les autres institutions partenaires comme la BEI ou la Banque Mondiale, existe-t-il une coordination ou une stratégie commune de financement de développement de toutes ces institutions qui, normalement travaillent dans la même direction ?
Sadio Dicko : Tout à fait, alors déjà je vais parler des autorités Mauritaniennes, il est certain que On est très à l'écoute des besoins des autorités, il ne s’agit pas de venir, et puis de penser se dérouler une feuille de route. Il faut savoir aussi c'est quoi les besoins des autorités Mauritaniennes, les besoins des Mauritaniens, et on est très à l'écoute des demandes aussi qui viennent en ce sens, on a la chance d'avoir un groupe qui est global avec l'AFD. Qui est présent aussi en Mauritanie, et donc qui a ce dialogue avec les autorités beaucoup plus fort que le nôtre, mais qui du coup fait relais à ce niveau-là, pour qu'on puisse répondre à des commandes, c'est pour ça aussi que tous ces projets privés, portés sous format PPP, sont aussi un énorme levier où on doit pouvoir mobiliser le secteur privé et nous Proparco pouvoir aussi accompagner. Et donc on le fait seul, on le fait aussi avec nos homologues, c'est le principe aussi d’une communauté de banques de développement pour des projets stratégiques, peut-être pour aussi entre nous partager les risques de certains projets, peut-être les plus gros. Et donc la BEI en pensant à eux, la SFI aussi. On a des relations fortes avec ces banques là pour justement pouvoir venir ensemble sous forme de syndication et accompagner les grands projets.
Le Quotidien de Nouakchott : En parlant du secteur privé et PPP est-ce que Proparco mobilise également des fonds privés ? Quel mécanisme innovant envisage-t-elle de mettre en œuvre en Mauritanie pour attirer davantage d'investisseurs privés vers des projets à fort impact ?
Sadio Dicko : On a un rôle à jouer je pense qu'il est central de pouvoir amener la confiance. Pour ça, il faut pouvoir être en capacité aussi de montrer que, on peut-être nous les premiers, et donc on a un rôle de mobilisation des opérateurs privés Proparco quand on rentre dans un projet et bien ça amène la confiance et ça permet aussi d'attirer d'autres types d'investisseurs, d'autres types de bailleurs. Et donc ça c'est un rôle qu'on entend évidemment mettre au profit de la Mauritanie et du secteur privé Mauritanien. Et il est très clair que ce qu'on appelle un rôle d'investisseur de référence. Ça fait partie des priorités en terme de cadre d'intervention.
Le Quotidien de Nouakchott : Enfin une dernière question, si vous le permettez un peu plus personnelle. J’ai Ouïe dire que vous avez une relation particulière avec la Mauritanie, pouvez-vous nous en parler un petit peu ?
Sadio Dicko : C'est très clair que j'ai beaucoup d'affection pour ce pays, mais c'est assez normal puisque j'ai vécu deux ans en Mauritanie. J'ai accompagné mon père et toute ma famille, d'ailleurs, avec mes deux sœurs, quand il est venu en poste ici pour une compagnie aérienne. Il était en poste en France, on est arrivé toute ma famille et moi en Mauritanie, j'étais d'ailleurs au lycée Théodore Monod. Je garde de très bons souvenirs de ce pays, alors c'était une autre dynamique, c'était un pays qui était aussi différent. Mais j'ai passé de belles années ici. Et donc forcément quand on a vécu ça, découvrir ce pays, on le fait avec aussi beaucoup d'attachement et de conviction de par ce qu'on a vécu. Et donc j'ai vraiment gardé de très bons souvenirs et j'entends aussi quelque part le rendre puisque ces deux années passées ici, la Mauritanie et les gens que j'y ai rencontré m'ont donné beaucoup d'affection et on le voit d'ailleurs quand on vient avec mes équipes ici. On a toujours ce bel accueil du secteur privé, de la population Mauritanienne, des autorités Mauritaniennes. Et c'est vrai que ça fait plaisir de voir qu’on nous attend et qu'on souhaite aussi qu'on puisse travailler en bonne intelligence pour faire des choses, mais concrètes.
Propos recueillis par MSS