La Mauritanie se lance dans un ambitieux projet de renforcement de ses capacités en gestion de la dette publique, mené avec l’appui technique du Fonds Monétaire International (FMI) et financé par le gouvernement japonais. Si cette initiative promet d’améliorer la gestion de la dette, elle met également en lumière des défis structurels et organisationnels persistants.
Le rapport de mission préliminaire du FMI a révélé des faiblesses significatives au sein du Comité National de la Dette Publique (CNDP). Manque de données fiables, outils de prévision obsolètes et pénurie de personnel qualifié : autant de problèmes qui handicapent la capacité de la Mauritanie à projeter sa dette publique de manière cohérente et à élaborer des stratégies adaptées. Ces lacunes reflètent une gestion encore largement dépendante d’une expertise externe, malgré les nombreuses initiatives similaires entreprises par le passé.
L’introduction de l'outil de dynamique de la dette publique (DDT) par le FMI est présentée comme une solution innovante. Toutefois, ce recours à un nouvel outil soulève une question critique : le CNDP sera-t-il capable de le maîtriser pleinement, alors même que les compétences techniques et la continuité institutionnelle font défaut, en raison notamment de la rotation fréquente des cadres au sein des ministères concernés ?
Le FMI insiste sur la nécessité d'améliorer la coordination entre les trois institutions membres du CNDP : le ministère des Finances, le ministère de l'Économie et du Développement Durable (MEDD) et la Banque Centrale de Mauritanie (BCM). Cependant, cette collaboration reste entravée par une fragmentation des responsabilités et une culture institutionnelle où chaque département semble fonctionner en silo.
Le recours récurrent à des partenaires comme AFRITAC West pour développer des cadres budgétaires et des stratégies de dette témoigne d'une dépendance inquiétante à l'expertise externe. Si l’assistance technique peut fournir un soutien à court terme, elle ne résout pas le problème fondamental de la faible autonomie des institutions mauritaniennes.
Le plan d'action du FMI pour 2024, comprenant deux missions sur le terrain et plusieurs réunions virtuelles, vise à renforcer les capacités locales. Parmi les objectifs figurent :
- La mise en place de projections de dette fiables ;
- L’analyse des impacts des chocs économiques, notamment liés aux catastrophes naturelles ;
- La publication régulière de rapports dynamiques sur la dette.
Si ces objectifs sont louables, leur faisabilité reste incertaine. Les défis liés à la rareté des ressources humaines qualifiées et au manque de données cohérentes pourraient compromettre l’impact réel du projet. Le FMI prévoit l'élaboration d'un manuel pour uniformiser les processus, mais il reste à voir si ce document suffira à compenser le turnover élevé des cadres et l’absence d’une mémoire institutionnelle solide.
Bien que les institutions mauritaniennes aient sollicité cette assistance, leur implication active sera déterminante pour le succès du projet. Il est impératif que le gouvernement mauritanien s’approprie les outils et les recommandations pour éviter que ce projet ne devienne un exercice purement technique, sans réelle transformation structurelle.
De plus, la mission insiste sur l'importance d'une stratégie de communication transparente. Publier des rapports réguliers sur la dette publique pourrait renforcer la confiance des partenaires et des citoyens, mais cette démarche nécessitera une volonté politique et une coordination efficace, deux éléments souvent déficients dans les projets précédents.
C’est dire donc que, si le projet d’assistance technique du FMI offre une opportunité de moderniser la gestion de la dette publique en Mauritanie, il repose sur des hypothèses optimistes quant à la capacité des institutions locales à surmonter des faiblesses structurelles profondes. À long terme, le succès dépendra de la capacité des autorités mauritaniennes à réduire leur dépendance aux experts étrangers, à capitaliser sur les connaissances acquises, et à bâtir une véritable autonomie institutionnelle.
Pour l’heure, la question demeure : cette initiative permettra-t-elle à la Mauritanie de franchir un cap décisif, ou risque-t-elle de n’être qu’un énième projet d’assistance technique sans impact durable ?