En Mauritanie, les opérateurs de télécommunications traditionnels se trouvent dans une situation délicate. Alors que les autorités continuent de critiquer la mauvaise qualité de leurs services, ces opérateurs se voient également menacés par une concurrence qui pourrait bien les déstabiliser davantage. En effet, certains nouveaux acteurs, comme Rimatel — dirigé par Zein Abidine Ould Cheikh Ahmed — bénéficient d’avantages d’entrée sur le marché que les opérateurs historiques n’ont jamais eus, et qui leur permettent de concurrencer ces derniers sur des segments de service similaires, mais à moindre coût.
Moov Mauritel, l'un des principaux opérateurs du pays, a récemment annoncé un programme d'investissement de 35,2 millions de dollars pour améliorer ses infrastructures et la qualité de son réseau. Cet effort vise à répondre aux plaintes du public et aux avertissements de l'Autorité de Régulation (ARE) concernant la qualité de ses services, qui reste en deçà des normes. Toutefois, ce niveau d’investissement pèse lourdement sur les finances de Mauritel, déjà en difficulté dans un contexte où de nouveaux entrants peuvent proposer des services similaires avec des droits d’entrée bien moindres.
Rimatel, par exemple, a initialement obtenu une autorisation pour fournir de l'Internet haut débit fixe. Mais une inspection de l’ARE en mai 2022 a révélé que l'opérateur utilisait un code réseau mobile non autorisé, lui permettant ainsi d'offrir des services proches de ceux d'une licence mobile. Alors que l’ARE a ensuite contraint Rimatel à revenir à un service strictement fixe, la compétitivité de l’entreprise, qui a bénéficié de droits d'accès bien plus avantageux que ceux imposés aux opérateurs historiques, continue de soulever des questions.
L’ARE avait déjà octroyé à Rimatel et à neuf autres opérateurs des "autorisations générales" pour établir des réseaux de boucle locale radioélectrique (BLR), afin de pallier le manque de concurrence dans le secteur de l’Internet haut débit fixe en Mauritanie. Cependant, ces nouvelles entreprises, opérant dans des conditions bien plus favorables, disposent aujourd'hui de capacités qui leur permettent de concurrencer les acteurs historiques comme Mauritel, Mattel, et Chinguitel. Pour les opérateurs déjà présents, qui paient des licences coûteuses et investissent massivement dans le réseau, cette situation constitue une forme de concurrence déloyale.
Face à cette réalité, Mauritel, qui revendique une part de marché de 52 % dans le secteur de la téléphonie mobile, se voit forcée d’augmenter ses investissements pour maintenir ses parts de marché et améliorer la qualité de ses services. Mattel a aussi dû moderniser son réseau avec le soutien de Huawei. Mais les efforts des opérateurs historiques risquent d’être limités par l’impact financier de ces investissements, d’autant plus qu’ils doivent également faire face à des menaces de sanctions. En effet, en plus des efforts pour moderniser ses infrastructures, Mauritel risque une amende de 313,2 millions d’ouguiyas, en raison de la qualité de service jugée insuffisante.
Le cas de Rimatel met en lumière une tension croissante dans le secteur des télécommunications en Mauritanie. La facilité d'accès dont bénéficient certains nouveaux acteurs pousse les opérateurs historiques à questionner l'équité des règles de concurrence sur le marché. Dans une telle configuration, l’ARE se retrouve au centre de cette concurrence, ayant la tâche délicate de maintenir un équilibre entre l’ouverture à de nouveaux acteurs et la protection des intérêts des opérateurs qui contribuent de manière substantielle au développement des infrastructures nationales.
Pour les consommateurs, cette situation peut sembler prometteuse en termes de diversification de l'offre. Cependant, les risques sont élevés que la pression accrue sur les opérateurs historiques conduise à des réductions de leurs investissements sur le long terme, compromettant ainsi les progrès en matière de qualité et d’accessibilité des services télécoms en Mauritanie.