Dans le paysage socio-économique de la Mauritanie, une question émerge avec une netteté troublante : pourquoi les enseignants mauritaniens sont-ils systématiquement exclus des bénéfices fonciers ? Peut-on s’accommoder de cette situation à long terme ? Cette exclusion, qui perdure depuis des décennies, est devenue une source de frustration et d’injustice pour une profession essentielle à l’avenir éducatif et social du pays.
Il est difficile de ne pas remarquer la disparité flagrante lorsque l’on observe la distribution de parcelles de terrain. Les professeurs universitaires, les magistrats, les greffiers et autres hauts fonctionnaires et notables ont pu bénéficier de cette opportunité, tandis que les enseignants restent curieusement absents de cette liste de bénéficiaires. Cette disparité met en lumière une réalité flagrante et alimente le mécontentement croissant au sein de la communauté éducative.
Aujourd’hui, à Nouakchott, dans la direction des quatre points cardinaux, on constate la présence de bornes, à perte de vue. S’il ya moins de bornes à l’ouest de la capitale, c’est seulement à cause d’une barrière naturelle, à savoir la mer. Des milliers de parcelles de terrain accordées suivants des critères aléatoires, et il semble que la question des cités pour enseignants n’a jamais été une priorité pour les différents régimes qui ont dirigé ce pays.
Pourquoi cette injustice persiste-t-elle ?
Plusieurs facteurs entrent en jeu pour expliquer cette situation déconcertante. Tout d’abord, il existe un manque de reconnaissance sociale envers les enseignants dans de nombreux contextes mauritaniens. Malgré leur rôle crucial dans la formation des générations futures et dans le développement du pays, les enseignants sont souvent relégués au second plan en termes de considération et de récompenses.
De plus, il y a une hiérarchisation des professions au sein de la société mauritanienne, où certaines catégories professionnelles sont considérées comme plus prestigieuses que d’autres. Les professeurs d’université, les magistrats sont souvent placés sur un piédestal, tandis que les enseignants du primaire et secondaire sont relégués à un statut inférieur, malgré leur importance fondamentale.
Ensuite, il y a des lacunes dans les politiques gouvernementales en matière de reconnaissance et de récompense des enseignants. Bien que des initiatives soient parfois lancées pour améliorer les conditions de travail des enseignants, telles que des augmentations de salaire ou des programmes de formation continue, ces mesures ne parviennent pas toujours à aborder de manière holistique les besoins et les préoccupations de la profession.
L’ancienne aérogare : un véritable gâchis
L’ancienne aérogare, cet immense no man’s land, était tout indiqué pour abriter des cités pour tous les enseignants de Mauritanie mais c’était sans compter avec la voracité des apparatchiks de l’ancien régime. Officiellement cet immense espace a servi dans une transaction pour la construction du nouvel aéroport. Cependant, rien ne vient corroborer cette thèse qui demeure des plus controversées.
Par ailleurs, il y a souvent des problèmes de corruption et de favoritisme dans les processus de distribution de parcelles de terrains. Les décisions concernant leur l’attribution peuvent être influencées par des intérêts personnels ou politiques, laissant ainsi de côté des groupes entiers de personnes, y compris les enseignants, qui méritent également une reconnaissance et des avantages.
Il n’est pas rare de rencontrer des courtiers proposant, à la vente, plusieurs dizaines de terrains appartenant souvent à la même personne. Un véritable scandale qui finira par conduire à une grève sans précédent des enseignants frustrés d’être toujours les dindons de la farce.
Une retraite de misère
Les trois quarts des enseignants partent à la retraite, sans avoir assuré un toit pour leurs enfants. Une bombe à retardement qui risquera d’exploser durant le prochain mandat présidentiel si une nouvelle approche n’est pas mise sur les rails pour assurer un habitat adéquat à cette frange des fonctionnaires.
Pour remédier à cette injustice persistante, il est impératif que des mesures concrètes soient prises à la fois au niveau gouvernemental et au niveau communautaire. Il est crucial de reconnaître la valeur et l’importance des enseignants dans la société mauritanienne et de veiller à ce qu’ils bénéficient des mêmes opportunités et avantages que d’autres professions.
Cela pourrait passer par l’adoption de politiques plus inclusives et équitables en matière de distribution foncière, ainsi que par des efforts pour sensibiliser davantage à l’importance cruciale du rôle des enseignants dans le développement de la nation.
L'exclusion des enseignants mauritaniens du foncier est une injustice profondément enracinée qui persiste depuis trop longtemps. Ce constat amer montre que c’est un cuisant échec de la politique gouvernementale en matière d’éducation qui vient entacher ce premier mandat présidentiel.
Pour construire une société plus juste et plus prospère, il est impératif de remédier à cette situation en reconnaissant pleinement la valeur des enseignants et en leur accordant les récompenses et les avantages, pas forcément en numéraire, qu'ils méritent légitimement.
Dans le cas échéant, il ne restera plus aux syndicats des enseignants qu’à se servir eux-mêmes. En effet, il suffit de sortir quelques kilomètres hors de Nouakchott pour s’accaparer de terres vierges qui seront baptisées « Teachers' Land ». Certes, il s’agit là d’une gazra, une pratique bien ancrée dans les mœurs, mêmes de nos hauts responsables politiques. Mais cette fois-ci, une gazra bien justifiée ; en attendant une hypothétique réponse des autorités de ce pays.