Francetvinfo - Au Burkina Faso, les militaires français ont un mois pour faire leurs bagages. Ils doivent quitter le pays, demande de la junte au pouvoir. Après un scénario similaire au Mali, c'est donc un nouveau recul de l'influence de la France au Sahel. Au profit de la Russie.
Il y a comme un air de déjà vu dans le retrait des 400 forces spéciales françaises stationnées au Burkina. Le même enchaînement qu'au Mali – et dans une moindre mesure en Centrafrique.
Au départ, il y a le réveil d'un sentiment anti-français nourri de rancœur coloniale contre des troupes qui n'arrivent plus à protéger la population des attaques djihadistes. La stratégie de désinformation massive de Moscou via les réseaux sociaux fait le reste.
En général, quelques mois suffisent pour que des drapeaux russes apparaissent dans les mains des manifestants, et pour qu'on signale sur le terrain la présence de mercenaires de Wagner, armée officieuse du Kremlin et fer de lance des opérations de déstabilisation de Moscou.
Tout au bout de cette succession d'événements, les autorités finissent par assumer le fait qu'elles veulent changer de partenaire et faire affaire avec la Russie plutôt qu'avec la France. "Un choix de raison", dit le Premier ministre burkinabé qui a fait un aller-retour à Moscou en décembre.
Du terrain militaire à la prédation économique
L'influence russe en Afrique est à la fois militaire, économique, diplomatique. En Centrafrique, la société Wagner a commencé par aider la junte à se maintenir au pouvoir en écrasant les rebelles. Mais ensuite elle s'est implantée dans les sphères politiques et économiques.
Au Mali, elle est arrivée avec un argument sécuritaire, mais elle a aussi mandaté un géologue qui prospecte des mines d'or dans le sud et prépare les contrats. Plus largement, c'est tout le continent africain qui est devenu la cible numéro un de la diplomatie d'influence russe.
La France va devoir pousser ses pions ailleurs
C'est d'autant plus facile pour Moscou qu’à l'ONU l’année dernière, une bonne partie des pays africains ont refusé de condamner l’agression en Ukraine. La Russie exploite au maximum ce non-alignement : le ministre des affaires étrangères, Sergeï Lavrov, qui pourtant voyage très peu depuis le début de la guerre, s'est déjà rendu deux fois en six mois sur le continent.
Congo, Ouganda, Ethiopie, Eswatini (ex-Swaziland) Afrique du Sud et Angola ce mercredi 25 janvier, où il a accusé l'Occident de reproduire "les tactiques coloniales du passé".
Face à cette opération séduction implacable, la France n'aura pas d'autre choix que de pousser ses pions plus à l'est ou plus au sud, loin de son ancien pré-carré.
par Isabelle Labeyrie
Radio France