Mondafrique - L’ex Président mauritanien de 2008 à 2019, Mohamed Ould Abdel Aziz qui a fomenté un coup d’État en 2008 et fut l’épicentre de deux autres coups de force militaires alors qu’il était chef du Basep, la défunte garde présidentielle du régime, affirme dans un entretien avec l’hebdomadaire « Jeune Afrique » « ne rien exclure » pour l’avenir et évoque la présence de possibles putschistes au sein de l’armée mauritanienne.
Autant de menaces à peine voilées qui peuvent rendre inquiets sur l’avenir démocratique de la Mauritanie qui depuis le départ d’ « Aziz »en 2019 et sa mise en cause judiciaire, avait retrouvé une réelle stabilité.
Une chronique de Babah Sidi Abdella (Mauritanie)
Le journal « Jeune Afrique » qui n’a jamais été particulièrement critique sur le règne du Président Mohamed Ould Abdel Aziz alors qu’il faisait main basse sur la Mauritanie lui témoigne une fidélité exemplaire. Le même journal publie ainsi, dans sa dernière livraison, un entretien avec l’ancien chef d’état qui se trouve à Paris officiellement pour des soins médicaux. Ce qui ne rompe personne. Ce putschiste aguerri cherche, semble-t-il, à rassembler ses partisans pour reconquérir le pouvoir qu’il avait quitté en 2019 contraint et forcé par l’impossibilité constitutionnelle de briguer un troisième mandat.
« Un général fier et offensif »
L’entretien accordé à « Jeune Afrique » est évidemment un des leviers de cette campagne de communication adressée aux réseaux qu’il a conservés en Mauritanie. En témoigne le portrait dressé par la journaliste de JA qui évoque « un général fier et offensif », alors qu’il est aujourd’hui poursuivi pour des faits graves de corruption, de blanchiment d’argent et d’enrichissement illicite.
« Mohamed Ould Abdelaziz, explique J. a toujours été de ceux qui obéissent à leur instinct plutôt qu’à une stratégie élaborée par une équipe de communicants. Après la levée de son contrôle judiciaire le 7 septembre, auquel il était soumis depuis juin 2021, l’ancien président est resté mutique, semblant faire profil bas. Mais ce serait mal connaître ce général fier et offensif, décidé à laver son honneur, envers et contre tous (…° Reste que, s’il veut être audible, « Aziz » devra se montrer crédible et s’expliquer enfin sur l’origine de sa fortune ».
Alors que la journaliste de « Jeune Afrique » évoque une fortune évaluée à « 90 millions de dollars » plus un patrimoine immobilier, l’ex chef de l’état mauritanien ne conteste pas qu’il se soit enrichi alors qu’il était au pouvoir. Dont acte. Mais comment a-t-il pu acquérir de tels biens évalués par une commission parlementaire indépendante (voir l’article ci dessous) ? Pourquoi sa famille qui n’a jamais réellement travaillé a-t-elle pu acquérir autant de biens immobiliers? Par quel miracle des hotels, des hangars, des cliniques et autres immeubles ont pu tomber dans l’escarcelle de son clan? L’ex Président ne répond évidemment pas à ces interrogations, comme doit même le constater le journal « Jeune Afrique », qu’on ne peut pas suspecter de malveillance à son égard, dans la présentation de l’entretien.
Les trois objectifs cachés d’Aziz
En fait, les menaces que distille l’ex président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, dans « Jeune Afrique », ne visent évidemment pas à répondre aux questions légitimes que se pose le peuple mauritanien sur sa gestion calamiteuse du pays pendant onze années. Ce long entretien s’explique par des tout autres objectifs.
1- Une nostalgie personnelle pour un nouveau coup d’État afin de se hisser à nouveau au sommet de l’État. L’ex Président avait tenté un tel coup de force lors des célébrations de la fête de l’indépendance à Akjoujt , en novembre 2019, auxquelles il avait été convié , en sa qualité d’ancien Président. On se rappelle qu’il avait boudé ce rendez-vous , alors qu’il se trouvait à quelques encablures des lieux de commémoration, comme s’il attendait la confirmation que la garde présidentielle, où il avait placé ses hommes, ait écarté le Président légitimement élu.
2- Un message crypté à ses réseaux locaux, pas nécessairement et uniquement militaires, qu’il est temps, selon lui, de mobiliser. Sa marge de manœuvre du putschiste s’est évidemment élargie grâce à l’autorisation de quitter le pays. Ce qui lui donne une liberté de mouvement, de communication et de pilotage à distance.
3- Une volonté de semer le doute sur les perspectives de stabilité du pays, à quelques mois d’un rendez-vous électoral (législatives et régionales) et à moins d’un an de l’exportation de la première livraison du champ gazier Turtle en partage entre la Mauritanie et le Sénégal.
Interrogé sur le groupe de mercenaires russes « Wagner » qui sévit au Mali et en Centrafrique, ce putschiste récidiviste botte en touche en surfant sur le sentiment anti français qui se développe en Afrique francophone. Lui qui a voulu être le bn élève du G5 Sahel piloté par Paris, montre une grande ingratitude pour l’allié d’hier. »De mon temps, affirme l’ex Président, il n’y avait même pas de Français, on a traité nous-mêmes nos problèmes de sécurité, avec nos moyens limités. Je ne souhaite pas que Wagner ou qu’un autre pays viennent faire le travail des Mauritaniens car personne ne peut le faire mieux qu’eux ».
Mohamed Ould Abdel Aziz serait-il en train de préparer avec quelques comparses un mauvais coup pour la démocratie mauritanienne? On ne peut évidemment pas l’exclure.
La rédaction de Mondafrique