Dans sa plainte contre les medias (cridem.org, Mauriweb, taqadoumy.com et atlas.info) la SNIM réclame deux milliards d’ouguiyas de dédommagement. Les confères ont été entendus par la police mardi 26 janvier a Nouadhibou. Le dossier devra être ensuite transmis au procureur. Quand cette affaire a-t-elle commencé, quels sont les articles incriminés ? La Snim n’a-t-elle pas mieux a faire
Tout a commencé après un appel téléphonique au début de décembre informant les journalistes qu’ils devaient se rendre à la section de la Police judiciaire du commissariat central de Nouadhibou pour répondre d’une plainte déposée par le directeur général de la SNIM Monsieur Mohamed Abdallahi Ould Oudaa. Les journalistes ont répondu que se trouvant tous à Nouakchott, ils ne pouvaient se rendre à Nouadhibou mais qu’ils étaient prêts à se rendre dans n’importe quel commissariat de Nouakchott pour être entendus par un officier de police judiciaire dans le cadre de cette procédure. Ensuite, on entendit plus parler de cette affaire jusqu’à la semaine dernière lorsque un huissier de justice les appela pour les informer qu’il devait leur remettre une convocation du Procureur de la République de Nouadhibou pour le lundi suivant.
Pour ce qui est de la forme, la convocation du Procureur n’aurait pas dû être remise par un huissier mais par la police qui est à la disposition du procureur. Plus grave, c’est la partie adverse qui a requis l’huissier afin de remettre des convocations du ministère public. Ensuite ces convocations ne portent pas les mentions obligatoires fixées par l’article 484 du Code de Procédures pénales (CCP) mauritanien comme le motif de la convocation, l’heure et le lieu de la convocation, la qualité de la personne et qui doit au final être revêtue de la signature et du sceau lisibles, de l’autorité judiciaire émettrice.
Ensuite pour ce qui est des délais, l’article 385 du CPP prévoit que le délai entre la réception de la convocation et sa date ne doit pas être inférieur à trois jours lorsque le convoqué réside au lieu de la convocation, 8 jours s’il est dans une autre circonscription, 15 jours s’il est dans une wilaya contiguë et un mois lorsqu’il demeure dans une wilaya non contiguë ce qui est le cas depuis le dernier redécoupage administratif qui a placé l’Inchiri entre Nouakchott et Dakhlet Nouadhibou.
Enfin pour ce qui est de la compétence, l’article 75 du CPP prévoit que la plainte doit être déposée soit au lieu de résidence de l’accusé soit au lieu de commission des faits incriminés. La publication ayant eu lieu à Nouakchott et les accusés habitant à Nouakchott, c’est à Nouakchott qu’aurait du être déposée la plainte. Mais soit passons outre toutes ces réserves de forme et voyons ce qu’il en est des faits qui sont reprochés aux journalistes en général et à Mauriweb en particulier. En ce qui concerne l’article reproché aux autres journalistes, il y est fait état d’un marché pour l’acquisition de camions Titan, qui aurait été émaillé de commissions conséquentes.
A ce niveau il convient de noter que la SNIM n’est pas diffamée au contraire, elle est même une victime des faits s’ils étaient avérés. Et par conséquent si monsieur Mohamed Abdellahi Ould Oudaa juge nécessaire de porter plainte, c’est son droit mais il ne doit pas utiliser les services d’un avocat appointé par la SNIM. Quant à la plainte contre Mauriweb le seul article de presse joint au dossier concerne un papier mis en ligne le 23 Septembre 2015 sous le titre : « La SNIM commence à brader ses actifs » qui fait état de la cession en grand secret de 42% de sa participation dans Damane Assurance à l'Etat mauritanien tout en restant actionnaire à hauteur de 20% de cette compagnie. Et l’article poursuit : « Aujourd’hui ce n’est certainement pas un scoop de dire que la SNIM se débat dans des difficultés insurmontables ou que sa survie est menacée.
On le sait avec certitudes depuis que les premiers responsables de cette entreprise ont eux même reconnus ces difficultés en les rejetant sur la conjoncture internationale caractérisée par la baisse vertigineuse des prix du fer.
Mais ce faisant ils occultent une part importante de ces difficultés qui est dû à la mauvaise gestion, à la gabegie, aux mauvais choix stratégiques et à l’imprévision caractérisée des décideurs aux mains desquels la SNIM se trouve. »
Et comme le seul terme qui pourrait prêter à confusion est le terme « mauvaise gestion » les auteurs de l’article n’auront aucun mal et moi avec eux à l’assumer pleinement avec tout ce que cela comporte comme conséquences notamment juridiques. A cet égard j’ai tenu à faire mentionner dans le Procès verbal d’audition préliminaire un certains nombre de remarques et d’interrogations susceptibles de montrer qu’effectivement la SNIM est surtout victime de la mauvaise gestion et de la gabegie et que la conjoncture internationale n’a été qu’un adjuvant.
- Sur le plan de la transparence, depuis son arrivée à la tête de l’entreprise en février 2011 et contrairement aux années précédentes aucun rapport de gestion n’a été publié. Pourquoi ?
- La SNIM peut –elle publier les surestaries payés chaque ans et ce depuis une quinzaine d’années ?
- De 2010 à 2014 la SNIM a produit une moyenne de 12 millions de tonnes par an, avec un prix de vente moyen de 125 US dollars, cela fait 1,5 milliards de dollars par an ce qui sur les 5ans fait 7,5 milliards de dollars. Quels sort à été réservé à cette manne ? pour la partie officielle, le Trésor public fait état de la situation suivante (voir tableaux et illustrations).
- Pourquoi l’accord signé avec les travailleurs est il resté lettre morte et qu’en sera-t-il pour l’avenir ?
- Pourquoi la SNIM fait elle la sourde oreille face aux graves accusations proférées par un député devant la représentation nationale. Ces deux marchés évoqués (gare des passagers à Nouadhibou et portail aéroport à Zouérate) peuvent ils être audités ?
- Est-il vrai qu’Ould Oudaa avait été renvoyé de la SNIM avant d’y revenir comme ADG ?
- Comment expliquer que la SNIM prête 15 milliards d’ouguiyas au taux de 4%/an et investit massivement dans l’achat de bons du Trésor depuis 2010 avec une rémunération comprise entre 1,25 et 1,50% alors qu’en même temps et afin de financer son « programme de développement » elle emprunte sur le marché international à un taux moyen de 8%
- Depuis l’abandon du mécanisme annuel de tarification (Benchmark) au profit d’un système trimestriel basé sur la moyenne du SPOT est-il vrai qu’une commission d’un dollars est versée à des intermédiaires ?
- Pourquoi Guelb II malgré le fait qu’il soit le plus grand investissement jamais réalisé en Mauritanie (plus de 900 millions d’US dollars) n’a pas été inauguré par le Président de la République alors qu’il inaugure des projets de moins de 100 millions d’ouguiyas ?
- Enfin la SNIM n’a-t-elle plus comme espoir pour redresser sa situation que les deux milliards d’ouguiya qu’elle demande à la presse de lui verser en dédommagement d’un éventuel préjudice ?
Avec tout ce qu’elle compte comme avocats et cadres compétents, avec ses moyens financiers colossaux, la SNIM et son ADG auraient pu se présenter avec un dossier plus conséquent, mieux ficelé et surtout éviter de paraître aussi ridicules et légers. Si la direction de la SNIM met autant de sérieux dans ses tentatives de la redresser qu’elle en a mis pour concocter cette plainte contre les journalistes, il ya lieu de craindre que le fleuron de notre industrie nationale ne soit sorti de l’ornière, loin s’en faut !
MSS (Le Quotidien de Nouakchott)