Loi sur les symboles : Le forcing de la Majorité ! | Mauriweb

 Loi sur les symboles : Le forcing de la Majorité !

mer, 10/11/2021 - 15:29

La Majorité politique a donné, mardi, lors de la séance plénière, un avant-goût de ses relations avec l’opposition dans une logique arithmétique à l’hémicycle l’écrasant sur des questions cruciales en matière de raffermissement, de maintien et de respect des libertés d’expression et d’opinion. L’opposition fera-t-elle contre mauvaise fortune bon cœur?

 

L’opposition n’ira sans doute pas vers un dialogue, rassérénée, par la volonté de concession à l’égard de son discours par le nouveau régime issu de la présidentielle de 2019. La leçon infligée par la Majorité à l’Assemblée nationale, contre une opposition naïve quant aux prédispositions au compromis de l’actuel régime, marque, sans doute, une nouvelle ère dans leurs relations réciproques.

 

Retour sur une loi scélérate

Le débat parlementaire et l’espoir d’amendements importants se sont envolés mardi à l’issue de la discussion en plénière du projet de loi sur la protection des symboles nationaux et incrimination des atteintes à l'autorité de l'Etat et à l'honneur du citoyen. Malgré le débat déjà houleux en commission, il n’y aura pas eu de véritables concessions de la part de la Majorité présidentielle. La majorité des députés issus de son sérail a pesé de tout son poids pour faire passer le projet de loi datant de juillet 2021.  

Tout le monde se rappelle que le projet de texte de loi fait suite à la déclaration du président Mohamed Ould Ghazouani, le 5 juillet 2021 à Rosso. Le président qui était à Rosso pour le lancement de la campagne agricole avait estimé que les dérapages vécus sur les réseaux sociaux étaient autant dangereux qu’ « inacceptables». Dès son retour de Rosso, le conseil des ministres avait penché sur un projet de loi présenté par l’actuel ministre de la Justice, Ould Boya. L’éboulement du débat sur la question grossissait comme une boule de neige…Le 20 juillet 2021, le projet est passé devant la conférence des présidents de l’Assemblée Nationale qui, à son tour, l’a renvoyée devant une commission technique avant la plénière ; ajournée, une première fois, au jeudi 29 juillet, elle sera repoussée jusqu’à l’actuelle session parlementaire. Un ajournement dont on pensait un recul, ou pour le moins une entame d'un conciliabule lors du dialogue social prévu, pour ne pas faire voler en éclat le consensus autour du président Ghazouani au moment où il reçoit les coups de boutoirs de ses adversaires de l’ancien régime. Mais il n’en fut rien. Et la loi scélérate a finalement été votée.  

 

Des amendements insignifiants

Par ce vote sans sursis, la Majorité politique offre de l’eau au moulin des détracteurs du président. En effet, des doutes s’installent parmi les soutiens du président de la République comme le risque d’une image écornée à l’extérieur peut résulter de ces changements dont certains sont tout simplement insensés. Si tout le monde s’accorde à dire que l’insulte, la haine dans le discours et le racisme sont condamnables à plus d’un titre, il est peu concevable de faire appliquer la norme sur la prise de vue des hommes de loi pendant l’exercice de leurs missions ou tout simplement sur autorisation expresse des responsables des appareils militaires ou sécuritaires ou à l’occasion de leurs parades. Une restriction qui n’a véritablement aucun sens.

Selon les législateurs des modifications auraient été portées sur les articles pour en donner une nouvelle mouture au projet. En fait de modification, il s’agit surtout d’avoir extirpé le président des symboles de l’Etat (article 2) alors qu’il incarne l’Etat lui-même au sens de l’article 24 de la Constitution. La norme est donc dans la sacralité de la Religion, de l’Unité nationale, de la souveraineté territoriale, du drapeau et de l’hymne nationaux. Dans l’article 3, le premier paragraphe relatif à la sécurité nationale a été enlevé et a été consacré à l’atteinte à la vie privé du président et de ses ministres en dehors de leurs activités officielles. Mais c’est encore l’article 5 modifié qui fait plus de boucan avec la restriction de prendre des images des forces de sécurité et la possibilité pour le parquet (article 7 ) de s’autosaisir dans ces éventualités ou suite à une plainte d’une partie qui s’estimerait lésée…

Les réactions à cet arsenal insoupçonné et inattendu sous le magistère du président Ghazouani ne vont pas tarder à se faire jour via les partis et les membres de la société civile qui y voient une loi liberticide. Mieux encore, la manière « à prendre ou à laisser » imposée par les députés de la Majorité à un débat constructif sur le texte initial avec leurs collègues opposants en dit long de la quintessence du dialogue politique dont le processus est engagé entre les protagonistes. Une logique invivable… «marche ou crève » !

 

Jedna Deida