Le Calame - Apparue au printemps 2016 aux alentours de la mine de Tasiast, l’exploitation aurifère artisanale a connu un développement fulgurant, avec comme corollaire l’orpaillage illégal.
Alors que les conséquences de ce phénomène sont multiples, le ministre du Pétrole, de l’Énergie et des Mines appelle à une refonte du cadre règlementaire régissant le secteur afin de combler le flou juridique actuel. C’est un principe immuable : chaque découverte d’un gisement aurifère entraîne une ruée d’orpailleurs, en majorité illégaux.
L’Afrique – et spécialement l’Afrique de l’Ouest, qui se situe au troisième rang mondial des zones les plus riches en terrains aurifères après l’Australie et le Canada – n’échappe pas à la règle, et aux diverses nuisances occasionnées. Le cas de la Mauritanie, et plus particulièrement la zone périphérique de Tasiast, en est un exemple emblématique.
De fait, en 2016 la nouvelle de la découverte de filons prometteurs dans les alentours de la mine de Tasiast exploitée par le géant canadien Kinross Gold s’est répandue comme une traînée de poudre, drainant dans la région de Dakhlet Nouadhibou et dans le couloir interdunaire de Tijirit (Inchiri) des orpailleurs venus des quatre coins de la Mauritanie et des pays limitrophes.
Chami, ville nouvelle située à proximité des gisements, est devenue en quelques semaines la capitale de l’or mauritanien. Quelque 30 000 personnes y exerceraient aujourd’hui une activité directement ou indirectement liée à l’or, essentiellement des mineurs artisanaux et/ou illégaux et des travailleurs intervenants dans le transport et le traitement du minerai extrait à proximité de Tasiast et de Tijirit.
Préjudice financier et risques d’accidents
Mais en l’absence de tout cadre juridique et institutionnel, « cette ruée vers l’or a conduit au chaos et à des pertes humaines, environnementales et sécuritaires, encourageant dans certains cas la contrebande et le blanchiment d’argent », a souligné le ministre Abdessalam Mohamed Saleh le 24 octobre en conférence de presse. La société Maaden Mauritania a été créée en mai dernier pour cadrer l’activité des mineurs indépendants - dont la production atteint le tiers de celle des grandes sociétés opérant dans le secteur -, leur accorder des permis de prospection et juguler le manque à gagner pour l’État.
Cette initiative salutaire n’a cependant pas permis de régler la question des mineurs illégaux, toujours largement majoritaires, 60 à 70 % de l’or extrait artisanalement l’étant de leur fait. Cette situation prive l’État de ressources conséquentes, dont l’ampleur peut être envisagée au regard des 130 millions de dollars générés par l’activité des artisans orpailleurs et des cinq tonnes d’or qu’ils ont vendues à la Banque centrale ces huit derniers mois.
En plus d’échapper au contrôle des autorités en étant revendu à des négociants sur le marché noir (notamment à destination du Sénégal, du Burkina et du Mali), ce minerai alimente les revenus des djihadistes et des narcotrafiquants en échange de leur protection lors du transport hors du pays. Au préjudice financier s’ajoutent des risques d’accidents omniprésents, du fait du caractère rudimentaire des équipements et de la protection des puits d’orpaillage.
À la clé : des effondrements de puits fréquents et le plus souvent mortels. Cette préoccupation sécuritaire ne doit pas masquer le climat de violence connexe, induit par le développement de réseaux de prostitution et les trafics de drogue qui accompagnent cette activité principalement exercée sous l’autorité de groupes organisés.
Impact environnemental majeur
Mais c’est sans conteste l’environnement qui paie le prix fort de ces pratiques, le traitement du minerai aurifère reposant sur l’utilisation massive du mercure et du cyanure. Son stockage puis sa combustion à l’air libre entraînent sa diffusion dans l’environnement, au préjudice des orpailleurs, des habitants des communautés avoisinantes et de la biodiversité unique du Parc National du Banc d’Arguin. Combien de tonnes de mercure ont été consommées pour extraire les cinq tonnes d’or déclarées ? Et combien pour l’ensemble de l’or extrait ?
Au sommet de l’Etat, la question environnementale préoccupe. Déjà, en 2017, la création du centre de traitement de Chami s’inscrivait dans une volonté plus large d’encadrement de l’orpaillage artisanal. Trois ans plus tard, la création de la société Maaden Mauritanie a constitué une étape importante vers la prise en charge de la problématique de l’exploitation artisanale. Malgré ses actions d’assistance et d’encadrement des artisans miniers, il est encore trop tôt pour dire l’impact qu’elle aura sur le commerce informel de l’or.
La question de la réglementation de l’orpaillage artisanal est récemment revenue sur le devant de la scène à l’occasion de la présentation par Abdessalam Mohamed Saleh en Conseil des ministres de sa feuille de route relative à l’exploitation minière, afin de « préserver la sécurité de l’environnement en adhérant aux dernières normes internationales utilisées dans le domaine, (…) le cadre légal et réglementaire restant insuffisant pour un encadrement optimal de l’activité dans toutes ses dimensions ».
Cependant, si l’État et Maaden ont fait le choix d’ouvrir le débat sur ces enjeux, comme ce fut le cas le 24 octobre dernier à l’occasion d’une réunion participative consacrée à l’activité minière artisanale et semi-industrielle. Lors de la conférence de presse de clôture, le ministre des Mines et le DG de Maaden ont étrangement passé sous silence deux sujets majeurs; la nécessité de réduire drastiquement le recours anarchique au mercure de la part des mineurs artisanaux et la mise en place de mesures de lutte contre les mineurs illégaux.
Ben Abdalla