Dans une démarche qui lui est devenue habituelle, le Conseil des Ministres s'est réuni le Mardi 04 décembre 2018, et a adopté le Projet de décret portant approbation du contrat de concession de l’Aéroport International de Nouakchott Oumtounsy à une entité quasi inconnue dénommée AFROPORT.
Plaidant pour cette décision inattendue, et dont les péripéties ont été entourées du plus grand secret, la ministre de l'Equipement et des Transports et son collègue des finances ont affirmé que « le projet de décret portant approbation du contrat de concession de l’exploitation de l’Aéroport International de Nouakchott Oumtounsy à la compagnie AFROPORT entre dans le cadre d'une stratégie intégrée pour le développement du transport aérien dans notre pays, à travers plusieurs éléments dont, notamment la création, la restauration et le développement des aéroports de Nouakchott et des villes historiques. »
Pour le ministres des Finances, Moctar Ould Djaye, cet accord a pour objectif de faire de l'aéroport de Nouakchott Oumtounsy un Hub ; un aéroport compétitif, un point de départ et un point de rassemblement pour les passagers de cette région de l'Afrique à l’instar d’autres aéroports de la sous-région.
M. Ould Diay a également rappelé que la convention en question sera d’une grande « rentabilité » pour le pays, indiquant que l’aéroport sera une importante destination pour le trafic aérien international, ce qui permettra l'achat de carburant à partir d'ici, ignorant que l’avion commercial n’a plus de recours aux escales techniques de jadis.
Il a ajouté que l'investisseur commencera à développer les services aéroportuaires et à agrandir le centre commercial: deux hôtels, dont un hôtel cinq étoiles et un autre quatre étoiles, un grand centre de réparation et de maintenance d'aéronefs, ainsi que tous les services de commerce international et de restauration.
En outre, l'État mauritanien aura une participation de 5% au capital de cette société tout en annonçant qu’un projet de loi relatif à la fiscalité particulière qui sera appliquée à la société sera soumis à l’approbation de l’Assemblée nationale après son approbation par le Conseil des ministres.
Pour résumer, cet aéroport qui nous a couté prés de 400 ha de foncier à Nouakchott et plus de 150 millions de dollars US en équipements et infrastructures, nous allons l’octroyer, « à titre gracieux », à une mystérieuse entreprise des Emirats Arabes Unis qui n’a aucune compétence ou expérience dans la gestion des aéroports et, cerise sur le gâteau, elle n’est soumise à aucune obligation en termes d’emploi, et bénéficie d’un régime fiscal de faveur, et ce pour 25 ans. Bien entendu la rumeur selon laquelle l’aéroport a été cédé à la compagnie Etihad ou à une de ses filiales est dénuée de tout fondement.
AFROPORT est en fait une filiale d’Abu Dhabi Airports Company (ADAC). Créée en 2006 et dirigé par Bryan Thomson elle fournit des services aéroportuaires notamment à l’aéroport d’Abu Dhabi d’où l’évocation du nom de Etihad. ADAC est liée à New Capital Consulting qui a mené les négociations avec la Société des aéroports de Mauritanie (SAM). Par l’intermédiaire de Aamir Aslam dont le père Razack Aslam est l’un des principaux actionnaires et qui sont des Indiens établis à Abu Dhabi depuis 25 ans. AFROPORT n’a d’autre existence qu’un site internet constitué de deux pages seulement avec en tout et pour tout, à ce jour, une centaine de mots et une seule photo d’un avion en décollage mais aussi une page Facebook récente avec moins de 200 amis et likes.
A peine deux ans après son inauguration, l’aéroport Oumtounsi est devenu non seulement un fiasco monumental mais aussi un poison mortel pour tous ceux qui l’approchent de prés ou de loin. Première victime, ASML group propriétaire de Najah For Majorworks, le groupe est aujourd’hui en quasi cessation de paiement entrainant dans son sillage des banques comme BNM et BMS qui s’étaient engagées avec lui dans cette aventure périlleuse. La BNM serait en passe de prendre possession de l’immeuble Al Khaima (situé au centre de Nouakchott) et de la société Ciment de Mauritanie.
Deuxième victime de l’aéroport, la Société des aéroports de Mauritanie(SAM). Depuis qu’elle a pris en charge l’exploitation du nouvel aéroport, sa situation ne cesse de se détériorer. En 2016, elle enregistre un déficit de 330 millions d’anciennes ouguiyas, en 2017 son déficit passe à 440 millions et en 2018 il est prévu qu’il atteigne 700 millions d’ouguiyas. Aujourd’hui, cette société va disparaitre sans aucune garantie d’embauche de ses ex employés par AFROPORT.
Autre victime potentielle de l’aéroport, la Compagnie Mauritania Airlines qui ne survivait que grâce au Handling et autres services d’assistance aux aéronefs. Elle devra désormais, elle aussi, se soumettre à la tarification d’AFROPORT. Enfin on ne sait pas si la convention a prévu une exception pour les avions militaires ou si eux aussi vont désormais avoir à passer à la caisse.
Mais la question essentielle est ailleurs. Pourquoi un gouvernement auquel il ne reste, en principe, que six mois, engage-t-il le pays pour une durée de 25 ans ?
Habituellement, dans ce domaine on a recours au BOT, c'est-à-dire que l’entreprise construit l’infrastructure et l’exploite pendant 25 ans et la rétrocède. Mais donner gratuitement une infrastructure qui a coûté si cher est, on ne peut plus curieux. Pourquoi ne pas faire un appel à manifestation d’intérêt pour choisir l’opérateur qui offrirait les meilleures conditions en termes de bonus, d’emplois, d’investissement et de fiscalité ? La loi sur les Partenariats Publics Privés (PPP) permet de « contourner » cette difficulté car on considère que l’investisseur apporte le financement et l’idée. Seulement dans le cas d’AFRIPORT Ould Djaye a affirmé qu’il s’agit plutôt d’un investissement direct étranger. Mais alors comment justifier ce scandaleux gré à gré ? Ce n’est certainement pas la lapalissade de Ould Djaye qui a affirmé que la Mauritanie qui sera actionnaire à hauteur de 5% aura 5% des bénéfices qui va le justifier.
Nombreux sont ceux qui pensent que le sort de l’aéroport Oumtounsi n’est rien d’autre que le début d’une série de banqueroutes annoncées d’autres établissements publics, qui, jusqu’ici étaient maintenus artificiellement en vie en attendant le sauve-qui-peut général qui marquera inéluctablement la fin de règne du pouvoir actuel.
*Dans la culture Hassane, le serpent de Mint Stayli est ce reptile si venimeux qu’il l’a, non seulement, tué elle, mais a aussi tué ceux qui lui firent sa toilette mortuaire du simple fait de la toucher.
BC