Ils avaient été chassés il y a deux ans. Au prix d’un combat acharné. La douane avait fini par prendre le dessus sur ces milliers de petites boutiques de vente illégale de carburant exposé en pleine rue.
La chasse aux trafiquants avait été déclenchée par une affaire de vol d’une quantité énorme de carburant au port de Nouakchott en 2015. Après enquête les malfrats avaient été appréhendés et présentés devant le procureur. Plusieurs complices étaient activement recherchés. Certains couraient encore.
L’homme qui menait ce combat acharné, le chef des opérations anti-trafic du faux carburant n’est plus. Voyant que les autorités douanières ont abandonné les descentes quotidiennes sur le marché noir, les trafiquants ont repris du service depuis quelques mois.
Ils ont de nouveau investi les rues en s’alignant dans des points stratégiques des quartiers populaires : Basra, Ryad, Emina, Arafat. Le réseau fonctionne à l’aide d’intermédiaires véreux qui détournent en amont des stocks de carburant. Une fois ce jackpot obtenu, la distribution se fait dans les points de vente clandestins disséminés dans la ville.
Les grands poissons nourrissent les petits
Derrière ce business, se cachent plusieurs catégories de chasseurs du trésor noir. Il y a d’abord les grands gérants des stocks du carburant qui transvasent à partir des grosses décharges du port des quantités importantes de carburant dans des citernes de location ou appartenant à certaines compagnies de carburants.
C’est cet « usufruit » qui va passer les mailles des filets pour inonder le marché noir. Mais carburant subira au cours de son parcours plusieurs cycles de transformations. Sa teneur initiale va baisser et même se détériorer avec l’ajout de nouvelles solutions de toutes natures : de l’eau des robinets en passant par les huiles végétales, le pétrole etc., le carburant devient autre chose que ce qu’il était. Ce que les petits vendeurs avaient racheté auprès des grands à des prix abordables leur offrira de gros bénéfices avec la nouvelle « valeur ajoutée ».
Le coin des « chauffeurs périmés »
Dans les rues où se vend ce carburant frauduleux et détérioré par les panaches des solutions liquéfiées, les chauffeurs sans vergogne bernés par des prix au rabais stationnent pour s’approvisionner en carburant de « énième main ». À l’aide d’un entonnoir, le vendeur de ce carburant de la rue transvase le contenu d’un bidon jaune dans le réservoir et le manège continu…
Quand les stations de service tiquent, les automobilistes trinquent ! Les vendeurs du carburant frauduleux livrent incontestablement une concurrence aux stations de service agrémentées. La différence des prix est nette. Allant souvent jusqu’à 100 um. Bonjour les dégâts !
En effet, à force de fonctionner avec ce carburant le moteur du véhicule finit par lâcher en peu de temps. Les grands perdants sont sans doute les propriétaires des voitures qui, gagnés par l’illusion des prix abordables ne sont plus regardants sur la qualité du carburant. L’essentiel c’est de mettre le pied sur l’accélérateur sans se soucier de la qualité. Ce marché noir attire de plus en plus des hommes d’affaires détenteurs de stations de service qui rachètent les stocks exposés en plein air pour les revendre à la pompe. Seules quelques stations comme Total dont les pompes sont sécurisées échappent à ce trafic illégal et dangereux.
L’Etat avait engagé fermement une bataille contre ces trafiquants et tous les points de vente avaient été fermés, les fraudeurs chassés, certains récalcitrants arrêtés .Mais ayant constaté la négligence de la douane, les trafiquants ont repris de plus belle. Les réseaux mafieux ont repris leurs activités « normalement ». Pire, des trafiquants recherchés pour leur implication dans le détournement d’un stock au port, il y a deux ans, sont de retour sans être inquiétés.
Amadou Diarra (Le Rénovateur Quotidien )