Le jeudi 8 février 2024, Pedro Sánchez, Chef du Gouvernement du Royaume d’Espagne et Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission Européenne, ont tenu une conférence de presse conjointe avec le Président de la République SEM Mohamed Cheikh Al Gazouani où les points saillants de la coopération stratégique entre les différentes parties ont été passés en revue.
Lors de cette réunion, les dirigeants ont discuté des opportunités que la Mauritanie offre dans le cadre du Global Gateway, ainsi que des potentialités, en termes de ressources naturelles et d'opportunités d'investissement pour les pays de l'Union Européenne.
Le Global gateway, rappelons-le, est un projet européen d’investissements dans les pays en voie de développement, touchant à des domaines aussi divers que l’économie numérique , l’énergie et le climat, les transports, la santé, l’éducation et la recherche. Le budget du programme s’élève à trois cents milliards d’euros. À travers le Global gateway, il contribue à financer les engagements de l’Union européenne au regard du programme des Nations Unies et ses objectifs en matière de développement durable.
Le Président de la République a indiqué avoir discuté avec les deux parties des opportunités qu’offre le global Gateway pour la Mauritanie ainsi que des importantes potentialités de notre pays, en termes de ressources naturelles, qui peuvent intéresser au premier chef, les pays de l'Union Européenne.
Dans ce cadre, il a mis en évidence l’engagement de la Mauritanie à jouer un rôle important par l’exploitation de son énorme potentiel en énergies renouvelables, et son ambitieux programme de développement de l’hydrogène vert.
Il a également soulevé les défis liés aux questions de l’immigration irrégulière et de la stabilité dans la sous-région car la Mauritanie considérée, depuis longtemps comme pays de transit, est en train de devenir un pays de destination.
« Nous accueillons aujourd’hui des centaines de milliers d’immigrés de nationalités différentes tout comme nous accueillons plus de 150 000 réfugiés dans le camp de Mbera et fournissons, pour les sécuriser et les stabiliser, d’énormes efforts en matière de surveillance, de contrôle des frontières, de mobilisation des forces de sécurité et de renforcement des services de base », a-t-il souligné.
Pour sa part, Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission Européenne a confirmé que la Commission va soutenir le développement du grand projet routier de Nouakchott à Nouadhibou et un second projet important pour la vie des Mauritaniens, à savoir, une ligne de haute tension de 1400 km de Nouakchott à Néma, avec une centrale solaire à Kiffa pour un accès stable à l’électricité et une transition énergétique accélérée avec la banque européenne d’investissement.
Elle a également mis l’accent sur le renforcement du partenariat européen avec la Mauritanie dans le domaine de la sécurité, compte tenu de la précarité de la situation dans le Sahel, et du rôle primordial que joue notre pays pour la stabilité dans la région.
« C’est pourquoi nous augmenterons notre soutien pour la sécurité, avec plus de 22 millions d’euros additionnels, ce qui fait 40 millions en tout cette année. Cela va notamment financer l’équipement d’un nouveau bataillon mauritanien pour lutter contre le terrorisme et sécuriser la frontière orientale avec le Mali», a-t-elle indiqué.
En fin, Mde Von Der Leyen a déclaré qu’une enveloppe financière de plus de 210 millions d’euros sera mobilisée, d’ici à la fin de l’année, pour la gestion de la migration, pour l’aide humanitaire pour les réfugiés, mais aussi pour les investissements dans l’emploi, les compétences et l’entreprenariat.
A son tour, le Chef du Gouvernement espagnol, M. Pedro Sánchez a précisé que le nouvel accord-cadre bilatéral prévoit la fourniture de 60 millions d’euros de projets de développement en Mauritanie au cours des quatre prochaines années, et qu’en outre, la coopération financière sera élargie pour atteindre plus de 50 millions d’euros.
C’est ainsi qu’au cours des cinq prochaines années, une enveloppe de près de 200 millions d’euros sera fournie à la Mauritanie pour les études de faisabilité, le financement de projets et l’assurance des prêts, avec un accent particulier sur les investissements dans les projets verts et les énergies renouvelables.
Cependant, malgré ces annonces positives, des questions persistent quant aux véritables motivations derrière ce soudain intérêt pour la Mauritanie, et surtout du timing choisi. De nombreux observateurs craignent que cet accord ne soit principalement motivé par le seul désir de contrôler les flux migratoires en provenance d'Afrique subsaharienne, plutôt que par un véritable engagement envers le développement durable et la prospérité du pays. La Mauritanie, notons-le, est devenue un point de transit majeur pour les migrants en provenance d'Afrique subsaharienne cherchant à atteindre l'Europe, en raison de sa proximité ; et surtout de ses 700 kilomètres de côtes sur l'Océan Atlantique.
Cela soulève surtout des préoccupations quant à une possible instrumentalisation de l'aide européenne pour bloquer ces flux migratoires. Les spéculations vont bon train quant à la nature exacte de cet accord : s'agit-il d'un accord de réadmission, d'un accord pour des travailleurs saisonniers, ou simplement de la mise en place de zones de rétention en Mauritanie pour stopper les migrants illégaux ?
La réponse à ces questions déterminera la manière dont cet accord sera perçu et son impact sur la migration et le développement en Mauritanie. Il est essentiel que tout accord conclu soit fondé sur des principes de respect des droits de l'homme, de dignité humaine et de coopération équitable entre toutes les parties impliquées. Seule une approche équilibrée et transparente permettra de garantir des bénéfices mutuels et durables pour l'ensemble des parties concernées.