Kassataya - En 1985, peu après la mort de Sékou Touré, les journalistes Sennen Andriamirado et Siradiou Diallo et l’ancien ambassadeur André Lewin signèrent un bilan à charge du règne du président guinéen.
L’opus, simplement intitulé Sékou Touré, était sous-titré : Ce qu’il fut, Ce qu’il a fait. Ce qu’il faut défaire. Un triptyque et, plus encore, un diptyque qui pourraient s’appliquer à n’importe quel homme public ayant tiré sa révérence.
Les témoignages de ceux qui l’ont approché et connu sont concordants pour décrire en Kane Hamidou Baba un homme fort dissemblable de l’autoritaire Sékou Touré. Déconsidérons par conséquent le « Ce qu’il faut défaire» se rapportant aux dérives du régime de ce dernier. A l’inverse, l’action de Kane Hamidou Baba aurait pu inspirer un item contraire : Ce qu’il faut poursuivre. Mais c’est là un autre propos.
Le parcours public de Kane Hamidou Baba, dont on salue la mémoire, ne se réduit évidemment pas à l’animation de la désormais emblématique Coalition Vivre Ensemble (CVE) bien que celle-ci signa incontestablement sa consécration politique et s’avéra un levier efficace de sa candidature à la dernière élection présidentielle en Mauritanie.
On dit communément de ce scrutin qu’il signe la rencontre entre un homme et le peuple. La CVE aura constitué à la fois l’instrument et le terrain privilégié de cette rencontre. En cela, elle aura été, outre une entreprise collective, le grand-œuvre de KHB.
Force est de reconnaître que le très engageant nom de la nouvelle force politique consista d’abord en une belle trouvaille en termes de communication. Prises isolément, chacune des trois lettres du sigle recèle une force attractive et de séduction servie par le message global. Le leitmotiv venait à point nommé et en palliatif dans un pays fracturé et perclus de divisions.
Juste un rêve et une promesse intenable ? La suite a montré que le rêve pouvait se convertir en enthousiasme et en adhésion.
Kane Hamidou Baba n’aurait pas pu, cela va de soi, réaliser ce qu’il a réalisé et porté la dynamique qui, à son tour, l’a porté, sans l’appui des forces qui l’avaient soutenu. Reste que dans l’entreprise qui aura constitué un tournant politique majeur, l’équation personnelle a joué un rôle déterminant.
Par son tempérament, sa manière de faire de la politique, son parcours, Kane Hamidou Baba a vite montré qu’il était taillé pour porter la voix qui, à travers lui, fut celle de la CVE lors de la présidentielle.
La principale leçon qu’il a dispensée, du moins celle que le signataire de ces lignes préfère retenir, ne privilégie pas la dimension institutionnelle et organisationnelle bien que tout cela compte évidemment. Elle souligne que des qualités humaines comme l’écoute, la courtoisie, la disponibilité sont également éminemment «politiques». Sans un projet collectif, ces qualités auraient certes été lacunaires. Adossées à ce projet, elles le renforcent, l’humanisent et le rendent plus attractif et plus apte à faire «communauté».
Kane Hamidou Baba et la CVE ont été la traduction, hélas brève, d’un principe politique, plus vrai encore en période électorale : un parti et une cause dont les défenseurs et les effectifs se restreignent à leurs seuls militants sont voués à percuter des embûches.
La CVE avait su créer une dynamique portée par ce qu’il faut bien appeler la féérie présidentielle. Mais les lendemains de fête et de griserie, c’est connu, peuvent être déprimants et laisser un goût de cendre.
Il appartiendra désormais aux analystes d’évaluer, en toute honnêteté, les réussites et les limites d’une expérience qui fut aussi une expérimentation. L’exercice se fera malheureusement sans Kane Hamidou Baba.
Il y aura d’autres élections. Peut-être d’autres coalitions. L’on saura alors, la distance aidant, si l’histoire a été juste avec la CVE et avec.
Kane Hamidou Baba.
Qu’il repose en paix.
Tijane BAL pour Kassataya.com