L’incroyable « remontada » de Joe Biden au « Super Tuesday » | Mauriweb

L’incroyable « remontada » de Joe Biden au « Super Tuesday »

mer, 04/03/2020 - 09:57

CARNET DE CAMPAGNE. Donné politiquement mort il y a deux semaines, l’ancien vice-président d’Obama fait un retour fracassant et prend l’ascendant sur Bernie Sanders dans la course à l’investiture démocrate.

Et soudain, à minuit passé d’une minute sur la côte est, Joe Biden prit la tête au Texas. Au Texas ! Après l’Alabama dans le sud, le Minnesota d’Amy Klobuchar dans le Midwest, le Massachusetts d’Elizabeth Warren en Nouvelle-Angleterre, le Tennessee, l’Arkansas, l’Oklahoma, la Virginie, la Caroline du Nord… Sur les plateaux de télévision, les mâchoires des vétérans les plus blasés en tombaient. Un come-back comme celui-là, a rappelé David Axelrod, le gourou de Barack Obama, relève de l’inédit…

Mais le plus étonnant était encore ailleurs, ce mardi 3 mars au soir : dans l’effet thérapeutique que peut avoir une victoire à plate couture sur un bégaiement tenace. Le discours de Joe Biden, à Los Angeles, a totalement fait oublier ces premières semaines de la course à l’investiture où l’on ne savait pas qui souffrait le plus, celui qui prononçait des allocutions ou ceux qui les subissaient : un discours mi-lu mi-improvisé, punchy, passionné mais rassembleur, le discours d’un démocrate promettant la fin du cauchemar Trump. Il y a des lendemains qui déchanteront, un âge qui compte, un programme trop sage pour faire rêver, un charisme qui ne sera jamais celui d’un Obama et, surtout, deux tiers de délégués restant à conquérir. Mais le mois dernier, personne – personne ! – n’aurait imaginé un tel retournement de situation.

Un « mano a mano » avec Bernie Sanders

On disait : ce mardi, grâce à sa belle victoire en Caroline du Sud lors de la primaire du 29 février, Joe Biden fera un bon score dans les Etats du sud, où les électeurs noirs sont nombreux. On disait aussi : dans beaucoup d’Etats du « Super Tuesday », son organisation de campagne est squelettique. On disait encore : face aux millions de dollars de Bernie Sanders, il n’aura aucune chance dans ces Etats où il n’a même pas mis les pieds.

On disait beaucoup d’âneries. Joe Biden ne s’est pas contenté d’attirer les suffrages des Noirs. Il n’avait même pas fait campagne dans le Minnesota, un Etat à l’électorat blanc comme une pub de lessive, mais l’emporte avec près de 40 % des voix. En bonne partie, c’est vrai, grâce au soutien d’Amy Klobuchar, la très populaire sénatrice de l’Etat qui s’est désistée en sa faveur. Mais le Massachusetts ? L’ancien vice-président y a dépensé, en pub télé, la somme royale de… 11 672 dollars, et cela ne l’empêche pas de reléguer Elizabeth Warren, la sénatrice locale, à la troisième place. Dans l’Oklahoma, Etat blanc à 79 %, il conquiert près de 40 % des électeurs. Ce n’est plus une vague, c’est un raz-de-marée.

C’est surtout, désormais, un mano a mano avec Bernie Sanders. Le milliardaire Michael Bloomberg, qui figurait pour la première fois sur les bulletins de vote après avoir fait l’impasse sur les quatre premiers scrutins, était dans son jet privé pour New York, mardi soir. Un retour au bercail qui a tout l’air d’un prélude à l’annonce d’un abandon. Et du côté d’Elizabeth Warren, qui a fini presque partout en deçà de la barre des 15 % de voix nécessaires pour récolter des délégués, on ne voit pas ce qui peut justifier un maintien.

« Sheriff Joe is back »

Comment un retournement aussi spectaculaire a-t-il pu être possible pour l’ancien vice-président d’Obama ? Grâce à un enchaînement rapide, quasi miraculeux, de bonnes nouvelles : démolition en règle de Bloomberg lors des débats (surtout par Warren), bonne prestation de Biden dans les mêmes débats, coup de pouce du congressman local Jim Clyburn en Caroline du Sud, victoire écrasante dans cet Etat, suivi d’un battage médiatique s’étirant sur une durée idéale (pas plus de 72 heures, après quoi la nouveauté s’émousse)…

Mais surtout, surtout, par l’envie rageuse des démocrates de se débarrasser de Donald Trump. Beaucoup ne détestent pas Bernie Sanders, mais ils jugent le sénateur indépendant du Vermont trop à gauche pour l’emporter le 3 novembre. Et s’il y a bien eu une mobilisation impressionnante de la base démocrate, mardi, elle n’est pas venue de ces électeurs invisibles que Sanders promettait de réveiller, mais du fin fond des comtés ruraux du Texas ou des banlieues modérées de la Virginie, qui ont plébiscité Biden. Dans la seule Virginie, où Biden récolte 53 % des voix, le taux de participation a augmenté de… 69 % par rapport à la primaire de 2016.

Tout reste possible, bien sûr. Dans la semaine qui suit le « Super Tuesday », six Etats vont voter, dont quelques poids lourds comme le Michigan (125 délégués) et Washington (89 délégués). Ces Etats pourraient offrir sa revanche à Bernie Sanders, qui, outre le Colorado, l’Utah et le Vermont, a tout de même raflé le grand prix qu’était la Californie (415 délégués pour le seul « Golden State », sur les 1 357 attribués ce mardi). Et personne ne peut dire, aujourd’hui, si l’un des deux prétendants arrivera à la convention nationale de Milwaukee (Wisconsin), où sera officiellement désigné le candidat du parti en juillet, muni d’une majorité absolue de délégués (soit 1 991 sur 3 979).

Mais imaginez la tête de Donald Trump, ce mardi soir. Il y a deux semaines, il trônait sur une économie en pleine santé, prêt à affronter un Bernie Sanders qu’il craignait si peu – à tort ou à raison – qu’il avait demandé à ses partisans d’aller voter pour lui en Caroline du Sud.

Pour lui, ce « Super Tuesday » signe la fin de la récré. Sheriff Joe is back in town.

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