La vaccination contre une reprise du VIH- Par Christine Stegling | Mauriweb

La vaccination contre une reprise du VIH- Par Christine Stegling

mer, 25/07/2018 - 13:03

BRIGHTON – Au début de ma carrière d’activiste dans la lutte au VIH, au Botswana, il y a deux décennies, l’idée d’un vaccin semblait du domaine de l’imaginaire. Même après que le pays ait accueilli les essais du vaccin dans le milieu des années 2000, beaucoup d’entre nous en première ligne de la lutte contre le VIH avaient des doutes sur l’éventualité d’une telle percée.

Mais ce mois-ci, une étude publiée dans la revue The Lancet fait fi de notre pessimisme. Des essais cliniques où 393 sujets en Afrique occidentale, en Afrique australe, en Thaïlande et aux États-Unis ont généré des réactions immunogènes encourageantes et un profil « de sécurité et de tolérance favorable ». Même si ces résultats sont préliminaires et l’échantillon restreint, il est néanmoins encourageant d’imaginer un monde sur le point de voir un vaccin viable. Pour en tirer avantage, nous devons nous préparer à son arrivée, dès maintenant.

Les temps sont durs pour les initiatives mondiales visant l’éradication du VIH. Même si les effectifs médicaux ont surtout porté leurs efforts sur l’endiguement de l’épidémie pendant presque quatre décennies, le taux d’infection demeure obstinément élevé. En 2017, 1,8 million de nouveaux cas ont été signalés et quelque 15,2 millions de personnes n’avaient pas accès au traitement VIH en Afrique occidentale et centrale, seulement 2,1 millions des 6,1 millions de personnes atteintes du VIH recevaient un traitement antirétroviral.

Cet exemple laisse entendre que même avec un vaccin, un grand nombre de facteurs sociaux, économiques et culturels complexes continueront de mettre des embûches à la lutte contre le VIH. Nous devons bien réfléchir sur les modes de distribution du vaccin afin d’éviter de favoriser des « effets boomerang », comme le retour de pratiques qui exposent les gens aux vecteurs d’infection du VIH.

Un vaccin contre le VIH changerait certainement la donne, mais ce ne serait que l’un des différents outils nécessaires pour endiguer l’une des épidémies les plus mortelles que l’humanité ait connues. Pour optimiser les retombées d’un vaccin, il faut également poursuivre des campagnes pour promouvoir d’autres formes de prévention – comme l’utilisation de préservatifs, la circoncision médicale et l’utilisation de prophylactiques avant l’exposition pour les populations à risque.

Les effets boomerang découlant de la vaccination orientent la recherche sur les autres maladies, en particulier sur le paludisme. Ainsi en Afrique subsaharienne, les chercheurs sont en train d’évaluer en quoi les comportements humains pourraient changer lorsqu’un vaccin contre le paludisme devient largement accessible. Dans des programmes pilotes en cours, les scientifiques tentent de déterminer si les moustiquaires imprégnés d’insecticide seront moins utilisés pour limiter l’exposition aux moustiques. Une telle réaction est source d’inquiétude, surtout quand on tient compte d’études précédentes tendant à démontrer que l’efficacité des vaccins antipaludiques s’étiole avec le temps.

Des changements comportementaux similaires pourraient s’avérer catastrophiques dans le cas d’un vaccin contre le VIH. Dans bien des régions du monde, on observe déjà un recul de la distribution de préservatifs, tandis que certaines personnes — comme les professionnels du sexe, les consommateurs de drogues et les membres de la communauté LGBT — éprouvent des difficultés à obtenir des services de prévention contre le VIH, en raison de restrictions juridiques ou de pratiques discriminatoires. Devant l’optimisme des scientifiques qu’un vaccin est sur le point d’être découvert, le moment est opportun de s’assurer que les interventions usuelles en matière de transmission demeurent une priorité des décideurs, responsables politiques et donateurs.

Une autre chose tout aussi importante doit être faite : les activistes doivent continuer à œuvrer pour retirer en premier lieu les obstacles structurels qui empêchent les gens d’utiliser les services de prévention. Après tout, les mêmes obstacles à l’accès risquent d’être encore présents lorsque le vaccin sera produit à grande échelle.

De plus, il n’est pas trop tôt pour envisager les modes de paiement d’un vaccin contre le VIH. Dans son dernier rapport, l’ONUSIDA prédit qu’en l’absence de nouveaux engagements des donateurs, la hausse de 8 % des dépenses sur la lutte au VIH en 2017 risque d’être un gain éphémère.

Dans le monde entier, les donateurs réduisent l’aide au développement aux pays à revenus moyens en même temps qu’augmentent les coûts de leur réseau de santé. Ces tendances ont coïncidé à une réduction du financement mondial des services de prévention du VIH et de la recherche sur le VIH. Les finances étant serrées, il faut envisager comment les pays en développement pourront équilibrer le financement du vaccin avec d’autres besoins de prévention du VIH.

Lors d’une visite récente au Myanmar et au Vietnam, j’ai constaté les progrès réalisés par les instances gouvernementales, les agences donatrices et les activistes communautaires dans la lutte contre le VIH. Mais j’ai entendu également bon nombre de témoignages indiquant que la baisse des budgets oblige les organismes à effectuer des choix impossibles concernant leurs initiatives de prévention. Ce sont là des décisions qu’aucun État ne devrait avoir à prendre et la communauté internationale doit réaffirmer la volonté politique pour faire en sorte que les initiatives de prévention du VIH continuent d’être financées.

Pour le moment, je partage l’enthousiasme général entourant un nouvel instrument de lutte au VIH qui se pointe à l’horizon. Ces perspectives seront le thème de la plupart des débats à l’assemblée des stratégistes de la prévention pour la 22e Conférence internationale sur le SIDA qui se tient à Amsterdam cette semaine. Mais quoi qu’il advienne de cette dernière découverte liée au vaccin, il y aura beaucoup à faire avant d’éradiquer le VIH. Pour améliorer les chances de succès, les programmes de prévention doivent rester au sommet des priorités.

 

Traduit de l’anglais par Pierre Castegnier

Christine Stegling est directrice générale de l’Alliance internationale sur le VIH/SIDA.

Copyright: Project Syndicate, 2018.
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