Fin du second mandat du président: Où donner de la tête? | Mauriweb

Fin du second mandat du président: Où donner de la tête?

mar, 21/11/2017 - 09:19

Le régime n’est pas serein. Plutôt fébrile avec l’approche inéluctable de la fin du second mandat du président. Une fin de règne qui donne à réfléchir dans ses arcanes. Quelle issue privilégiée dans un pays gangrené par la crise politique et économique et où les acquis de libertés rétrécissent comme peau de chagrin? 
Ce qui est aujourd’hui certain est que le président Aziz semble usé par plus d’une décennie d’exercice solitaire du pouvoir. Qu’il est lui-même prisonnier de sa logique de « ça passe ou ça casse ». Entourés de laudateurs de tout acabit, il perd, chaque jour, un peu plus, sa lucidité des premiers jours. Pressenti pour les grandes loges de l’histoire, l’ex-président des pauvres se cherche aujourd’hui dans une scène d’ombres chinoises.  Mais un malheur ne vient jamais seul. Dans la réalité depuis son accession au pouvoir, le président Aziz ne cesse d’improviser faute de programme sérieux pour développer le pays en vue de sortir le citoyen de la promiscuité économique et sociale. Neuf ans que ça dure. Le bilan n’est même pas mitigé eu égard aux richesses incommensurables perdues. Le bilan est peu flatteur pour celui qui prétendait à son arrivée transformer le pays en « El Dorado». Mais depuis une dizaine d’années, le régime en place se livre à une véritable campagne de démolition grandeur nature de tout ce que les mauritaniens ont construit sur les quarante dernières années. 

La nuit, tous les chats sont gris !
Quand le 17 mars 2017, les sénateurs de la Majorité renvoient aux calendes aziziennes d’août 2017 son projet de référendum, un véritablement bouleversement politique annonce le sort et l’emprise politiques du président Aziz dont le mandat constitutionnel s’expire à petits feux. Un revers que celui qui «ne sait pas perdre» n’a jusqu’ici pas digéré, en dépit de l’organisation d’un référendum le 5 août 2017 aboutissant aux réformes lorgnées: dissolution de la chambre des sénateurs et modification de l’hymne et du drapeau nationaux.
La grave crise économique dans laquelle se débat le pays avec un surendettement insoupçonné, près de 80% du PIB, crée un effet de bulle entretenu par la perfusion des bailleurs de fonds comme le FMI avec lequel un programme économique et financier est prévu entre 2017 et 2020 pour atténuer le surendettement que l’économie du pays ne peut soutenir. 
La dilapidation des ressources, entre 2009 et 2013, malgré la rente extraordinaire des  richesses naturelles diverses, a encore aggravé la récession liée à la chute des prix de la rente minière notamment le fer. Une situation qui loin d’être jugulée met à nue l’échec de gouvernance de la Snim principale société industrielle du pays qui pourvoit à 75% du budget de l’Etat contrainte aujourd’hui à se serrer la ceinture.
Pire encore, le secteur de la pêche n’a fait que créer des fortunes parmi le sérail du président au détriment du partage « social » de la manne financière. Tout le monde a encore à l’esprit les « milliards » gagnés «proprement » par une personne à la tête de la délégation de la surveillance des pêches…pendant que la majorité des mauritaniens n’arrivaient pas à joindre les deux bouts. Désobligeant pour le président- interpelé sur l’affaire- qui a tenté de camoufler la couleuvre parlant de « propos de campagne électorale».  
Le contexte économique, pour ainsi dire, aggrave la crise politique dont la seule bouée pour le régime est l’intérêt porté par la Communauté internationale à la lutte contre le terrorisme dans les confins du Grand Sahara et la promotion du G5 pour glaner encore et toujours de l’argent. Mais depuis 2009, le pays, lui, patauge dans une bipolarisation qui le mine de l'intérieur. La gestion à la baionnette est la seule de mise dans ce contexte de défiance sociale. 
Aucune croissance inclusive, le chômage reste endémique parmi la population jeune ; encore moins de réduction de pauvreté parmi la majorité des mauritaniens totalement déshérités. Toute cette litanie ne semble efficiente pas à ce jour. La Mauritanie, en dix ans, en est encore à la case-départ et cela nonobstant les énormes opportunités. Malgré l’effort du régime dans l’équipement de l’armée, le pays  reste un terreau fertile pour le recrutement des jeunes, chair à canon pour des organisations terroristes violentes aux mille tentacules favorables au recrutement du fait des frustrations en tout genre,
Il faut donc croire que les cent soixante deux millions de dollars qui seront injectés, sur trois ans, par le Fmi en Mauritanie pour permettre au gouvernement de poursuivre ses réformes n’auront que l’effet d’un coup d’épée dans l’eau sur le plan social. A la démission de l’Etat dans la bonne gouvernance des ressources publiques, tous les rapports des institutions internationales y compris celles affiliées aux bailleurs eux-mêmes attestent que le pays est encore loin, très loin de la norme pour faire de l’activité privée un moteur de croissance partagée. Ce qui d’ailleurs explique le peu d’investissements directs étrangers et le démantèlement de sociétés étrangères désabusées de faire du business proprement. A part, l’appât du gain, celles qui sont restées se retrouvent dans l’œil du cyclone de la justice américaine.
 
 « Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser» (L’esprit des Lois, Montesquieu)
Comme pour tout régime autoritaire, la gestion du président est au-dessus de tous les commérages. En Mauritanie tout est presque permis aujourd’hui y compris le blasphème. On peut même écoper d’une sanction plus sévère (3 ans) quand un étudiant jette sa chaussure contre un ministre. Tout ce qu’il ne faut pas faire c’est une seule chose : s’opposer à la gestion des affaires publiques par le régime qui contrôle tout. Absolument tout.  La séparation des pouvoirs n’est ici qu’un vain mot. Malgré leurs postures et leurs velléités d’indépendance de l’exécutif, les décisions de justice sont bafouées quand elles n’ont pas l’aval du «Che »! 
Le dernier cas d’une maman munie d’une autorisation du juge d’instruction pour  rendre visite à son fils en prison et déboutée par les autorités carcérales au motif que le régime ne l’a pas autorisée en dit long sur cette effectivité de l’indépendance de l’appareil judiciaire. Dans la réalité, le prisonnier un sénateur, Mohamed Ould Ghadda, est l’un des adversaires téméraires aux réformes constitutionnelles engagées par le président.  
Ici plus qu’ailleurs, la dignité du citoyen n’a plus aucun sens. L’affaire du jeune manifestant dépouillé de ses habits et livré aux yeux du monde fait encore le buzz sur la toile. Le spectacle offert est ahurissant de bêtise humaine.
Sale temps aussi pour les médias. Entre mauvais traitement de la police lors des couvertures des derniers événements (http://mauriweb.info/node/4001) et mise sous contrôle judiciaire par la tête du régime pour leur ligne éditoriale, les journalistes sont aussi des ennemis à abattre. Ces derniers, comme lui d’ailleurs, avaient bénéficié des largesses d’un opposant que le régime ne porte plus en estime. Seule charge retenue contre eux! 
Il est de plus en plus évident que notre pays enregistre un recul dangereux dans sa démocratisation, un pays où tous ceux engagés contre l’arbitraire se trouvent, dans la logique de la violence de la pratique du Pouvoir,  dans un immense cachot. Voilà ce que le régime propose depuis une décennie à ses concitoyens.
J.D