Politique/référendum: Les occasions ratées du président Aziz | Mauriweb

Politique/référendum: Les occasions ratées du président Aziz

sam, 05/08/2017 - 15:11

Un référendum portant sur de profondes modifications des symboles et des institutions de l’Etat. Une porte  grandement ouverte pour marquer l’histoire et des opportunités inouïes de se blanchir aux yeux de l’opinion. Toutes ces occasions, le président les a ratées, une à une.

Ca y est le bal du référendum est ouvert. Dans le bureau des domaines où il vote, le président Mohamed Abdelaziz en a donné le coup d’envoi. Un référendum contesté dans sa légalité et rejeté au-delà du boycott de l’opposition mauritanienne par une large frange de la population. Pour ce scrutin n’il y avait qu’un seul enjeu électoral –le taux de participation- qui manifestement n’en est plus un maintenant au regard du rôle joué par toutes les administrations publiques, dans la campagne et la mobilisation pour le succès du «oui», mais aussi en raison des innombrables pressions exercées sur les électeurs dans cette consultation au détriment du libre arbitre du citoyen. Tout a été usité pour contraindre les électeurs petits commerces, entreprises, forces publiques…L’important semble de donner au président Mohamed Ould Abdelaziz le sentiment –faux-de galvaniser encore les masses. Nonobstant, un score connu d’avance autour de 70 à 80% de «oui» et une allégresse pour fêter l’événement à la présidence, le pays sous Aziz ne sera jamais sorti de l’ornière.

 

Né sous une bonne étoile…militaire!

Coïncidence de calendriers ou machination programmée, ce jour de scrutin référendaire correspond à 9 ans, jour pour jour,  d’exercice du pouvoir par le président Mohamed Ould Abdelaziz. Il y a accédé suite à un putsch le 3 août 2008,  déviant ainsi, au nez et à la barbe de tous, mauritaniens et communauté internationale, la trajectoire démocratique du pays avec la mise à la touche du premier président démocratiquement élu Sidi Ould Cheikh Abdellahi (Sidioca). Ce dernier l’avait affabulé de titre de Général. Mais c’était trop peu pour un homme dévoré par son ambition. Malgré donc les brouhahas et les tumultes Ould Abdelaziz a su s’accommoder, avec le soutien discret mais efficace de Mohamed Ould Ghazwani, aujourd’hui chef d’état-major des armées, de cette posture aux commandes de la Grande muette dont d’ailleurs il se débarrassera de la vieille garde des officiers qui lui faisaient ombrage. C’est pourquoi feu-Ely Ould Mohamed Vall, président du Comité Militaire pour la Justice et la Démocratie, entre 2005 et 2007, qui en 19 mois de transition a passé le témoin aux civils, en parlait toujours comme «une rébellion personnelle» du président Aziz après sa destitution par Sidioca de son poste du chef du bataillon présidentiel Basep. Mais quoiqu’on dise et quoiqu’exceptionnelle cette trajectoire, le président Aziz, la doit aussi à une pléthore de soutiens financiers et politiques qu’il a utilisés pour arriver à se faire accepter en 2009 comme président «des pauvres», démocratiquement élu à son tour, avant de s’en débarrasser à un laps d’économie faste où tous les indices des ressources d’exportation sont au vert. Ce seront les 5 glorieuses jusqu’à ce qu’interviennent les dépassements suivis d’une véritable récession de la Snim qui pourvoit à 70% du budget de l’Etat. Sur le plan politique, sa réélection régulière mais sans grand crédit pour un dernier mandat du président Aziz en 2014 en a encore rajouté au marasme ambiant dans le pays.

Or, il ne reste de cet ultime mandat qu’une course contre la montre pour deux petites années. Malgré l’ouverture d’un dialogue politique soi-disant inclusif, le président Mohamed Abdelaziz a raté les opportunités politiques pour clouer au pilori ses opposants. Mais il n’en a rien fait quand il en a eu les occasions préférant s’en détourner comme pour noyer un poisson dans l’eau. Un forcing dangereux à l’éclatement de la vérité et des lois. Ceci est d’autant plus vrai qu’il savait que ses adversaires qu’il a délibérément frustrés ne lui laisseraient aucune chance sur ce registre. Et pour l’opinion son silence vaut acceptation des charges contre lui. En effet, malgré son éviction manu militari, l’ancien président Sidioca avait semé quelques mines sous les pieds de ses tombeurs: la loi 2007-054 du 18 septembre 2007 sur la transparence financière de la vie publique adoptée par le Parlement. Elle institue une déclaration périodique de patrimoine pour le Président, le Premier Ministre, les membres du gouvernement, les responsables militaires et civils manipulant l’argent public mais aussi leurs conjointes et les progénitures. Une loi qui devait soutenir la lutte contre la gabegie. Or, c’est sur ce terrain que le président Mohamed Abdelaziz est souvent attaqué. Pire, en reconnaissant publiquement dans un débat télévisé 2015  qu’il ne se savait pas astreint à une telle déclaration, le président Aziz a encore semé le doute dans les esprits chargés des accusations de ses adversaires « d’enrichissement personnel », de «népotisme familial».

 

Dernier Show raté

Jeudi dernier, en clôture du meeting de campagne référendaire, le président Ould Abdelaziz s’est improvisé en véritable show-man, des qualités que l’on découvre chez lui malgré une mise en scène réglée au détail près avec des enfants de martyrs, des pauvres sur l’estrade présidentielle. Pour une première c’en était une. Un moment d’une grande audience où pour crédibiliser la «corruption», des sénateurs, en plus du gestuel utilisé comme pour un grand animateur de scène, il aurait tout simplement pu parler de son propre patrimoine financier et domanial déclaré à la commission, de ses comptes en banque ici et à l’étranger s’il en a, de ceux de son épouse et de ses enfants, de la Fondation « Rahma » dans la visière des sénateurs…Il aurait sans doute réussi un coup de com et aurait été ovationné pour cette transparence sur toutes ses déclarations.  D’autant que dans le subconscient des mauritaniens la prévarication a été encore aggravée par la gestion personnalisée des deniers publics sous ses deux mandats.  Mais il a tout simplement lancé des accusations contre ses adversaires sur la base de la violation des enregistrements de Ghada contre les sénateurs retranchés dans leur siège en résistance au référendum qu’il a initié malgré le rejet de son projet par cette instance législative. Lui-même avait renversé Sidioca pour moins que ça. Et en insinuant la contribution d’un homme d’affaires à ce projet de rejet des amendements constitutionnels, les mauritaniens se rappellent aussi que ce même homme d’affaires dont il s’agirait aurait déboursé 2 milliards d’ouguiyas dans sa campagne pour son élection personnelle à la présidence de la République. Alors que penser de ces assertions?

Pour des surprises, le président Aziz aurait ainsi tenu promesse. Mais encore une fois, il a ajourné ce moment de vérité dont il lui faudra, un jour, informer l’opinion notamment ceux qui le soutiennent encore.

Mieux encore, n’eut-été le climat de manque de confiance politique entre les différents acteurs et la mauvaise préparation de ce choix que le président tente d’imposer par les forceps, un véritable référendum aurait pu être organisé, en discutant avec tous les protagonistes notamment sur l’opportunité de réhabiliter la «Résistance». Il était pratiquement sûr que sur cet aspect tous les mauritaniens auraient pu se retrouver dans le même camp. Mais là non plus, il n’en a rien été le président préférant écouter les appels des sirènes à un large débat public sur la question. De sorte qu’au finish, et malgré le début des opérations de vote ce samedi, Ould Abdelaziz sur le départ reste confronté à un dilemme pour envisager une retraite politique sereine.

Une chose est sûre, les résultats du référendum contesté dans son propre camp ne représenteront pas tous les mauritaniens d’où le risque continue de l’instabilité politique.

JD