Yahya Ould Hademine : Le parfait tour de magie! | Mauriweb

Yahya Ould Hademine : Le parfait tour de magie!

ven, 14/07/2017 - 12:09

Personne ne pariait sur la longévité de Yahya Ould Hademine au poste difficile et combien convoité de premier Ministre. Beaucoup d’ailleurs pensaient qu’il ne ferait pas long feu avec les bâtons dans les roues et l’ardoise laissée par son prédécesseur, devenu son ennemi juré. Mais c’était sans compter sur les tours de magie de l’ingénieur sortie tout droit de l’ancienne école de la Snim.

Le visage renfermé de Yahya Ould Hademine, qui aujourd’hui a pris du poids, au propre et au figuré, tranche nettement avec la silhouette frêle et l’air sympathique que ceux qui le connaissent avaient de lui. Cette nouvelle image que tente de donner Ould Hademine de lui n’est peut-être que normale pour marquer «son terrain» infesté d’adversaires coriaces. Et apparemment, sa stratégie et son cheminement paient bien. L’ingénieur de terrain réussit ainsi sa reconversion en politique. En effet, l’homme a su en imposer à beaucoup parmi ses collaborateurs mais aussi et surtout ses détracteurs. En quelques mois et quelques tours, il semble bien devenu l’homme entonnoir du Big Boss. C’est vrai que c’est parfois à vil prix. Celui du renoncement et de la servitude sans coup férir. Discutable diront certains parce qu’il y irait de ses convictions et d’un parti pris politique affiché. D’ailleurs qui n’en aurait pas fait comme lui pour briguer ce poste et mériter le parapluie du chef, quel qu’en soit le prix? Rares ; très certainement. Ould Hademine joue donc parfaitement le rôle de bouffon à l’orée d’une partition menée sous la baguette du chef d’orchestre. Il ne se pose plus des questions d’état d’âme et tant pis sur les autres s’ils ne sont pas contents.

 

«J’y suis, je m’accroche»

Malgré le bilan économique désastreux, Yahya Ould Hademine a vite compris le manège. A défaut de remonter la pente du bilan de son prédécesseur, Dr Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, il est allé à l’essentiel, sans détour. Né en 1953 à Timbédra, ayant surtout servi à Nouadhibou, de 1979 à 2010, pour ceux qui l’ont côtoyé, Yahya Ould Hedemine, était un homme posé, un bosseur sorti de l’école de la rigueur Snim. Un homme sans problème mais qui développait des paradoxes déroutants. Il pouvait être aussi bien serviable et gentil que donner quelques fois l’impression d’être imbu de sa personne, sans méchanceté. Il a gravi les échelons en 2010 , année au cours de laquelle il est appelé dans le gouvernement de Dr Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, après un passage à l’ATTM et plus de 10 ans aux commandes de la SAFA, filiale de la Snim à Nouadhibou. Mais après quatre ans à la tête du ministère de l'équipement et des transports, Ould Hademine a su comprendre et s’immiscer davantage dans les rouages du système appréhendant davantage l’usage des coulisses et les attentes présidentielles. Il y aurait d’ailleurs excellé de telle sorte que sa nomination à la tête du gouvernement au lendemain de l’élection présidentielle, remportée par le président Aziz en l’absence de candidats de poids, le choix a été porté sur lui au détriment de Ould Mohamed Laghdaf pas qui n’était pas, dit-on, en odeur de sainteté avec le numéro2 du régime : le chef des états-majors des armées, Mohamed Ould Ghazwani.

De plus, Dr Moulaye Ould Mohamed Laghdaf était là de 2009 à 2014. Deux impératifs s’imposaient à Ould Hademine pour s’accrocher et s’affirmer à bord: soigner l’humeur du Chef et se prémunir des coups bas de ses adversaires. Il s’y attellera sans merci. Mais en même temps qu’il tentait de rassurer le président du bien fondé de son choix, Yahya Ould Hademine tente vaille que vaille de rassembler autour de sa personne un gouvernement disparate et dont certains ministres restent, à ce jour, insaisissables. La guerre ouverte avec l’ex-PM, un moment ministre secrétaire général de la présidence, Ould Mohamed Laghdaf, gagnée, le locataire de la primature semble avoir remporté l’une des manches les plus importantes de son règne de chef du gouvernement.

 

Rassembler le troupeau!

On peut estimer que Ould Hademine a aujourd’hui les coudées plus franches sur son gouvernement. C’est plus facile pour lui avec les novices nombreux aujourd’hui dans le gouvernement mais ce sera, sans doute, plus laborieux avec d’autres personnalités entrées avant lui au gouvernement soit sous la coupe du protectorat du président, soit sous le prétexte de la Majorité politique qui en soutiennent le programme. C’est à cet autel que seraient nés récemment ses clivages avec Coumba Bâ, ministre des sports, protégée du président Aziz, et Naha Mint Mouknass, ministre du commerce, présidente de l’Udp. Et comme le premier Ministre coordonne les activités du Gouvernement, Ould Hademine a appris à attendre au virage les ministres «indépendantistes» pour bloquer leurs décisions ou carrément les vider de leurs substances. Certains de ses collaborateurs accusent le premier Ministre qu’à trop vouloir marquer de son emprunte le gouvernement, il ouvre un nouveau front qui pourrait lui être fatal à l’arrivée. De plus, la gestion très régionaliste pour ne pas dire tribale du premier Ministre risquerait de l’entacher personnellement et susciter encore plus le courroux des populations. Mais qu’à cela ne tienne. Yahya Ould Hademine sait pertinemment qu’il ne restera pas indéfiniment à ce poste et en attendant il peut bien faire la politique à la Mauritanienne où qui «gère quelque chose en tire toujours bénéfice». Et puis cette critique est-elle valable de la part de ministres fussent-ils protégés qui en font autant, sinon pire? Dans ces querelles intestines le premier Ministre qui bat ouvertement campagne pour les changements constitutionnels et même pour un troisième mandat du président semble se subroger à tous y compris à l’Upr pour réitérer le soutien inconditionnel qu’il apporte au chef et à ses rêves les plus fous. Yahya Ould Hademine croit très certainement que c’est à l’aune de cette surenchère sur le mandat présidentiel qu’il sera rétribué par son maintien au poste de premier Ministre. Le sera-t-il effectivement ou ne servira-t-il finalement que comme un fusible qui sautera à la première incartade? Pour l’heure, il peut continuer de briser des tabous -et des cœurs- en attendant de savoir de quoi demain sera fait pour lui. Une chose au moins est sûre, Yahya Ould Hademine, tente de lier indéfiniment son avenir à celui du président Ould Abdelaziz. Ce dernier sera-t-il sensible à cette expression de loyauté? Difficile de le croire pour un président qui a fait ses preuves sur ce registre changeant en politique. Il faudra donc pour le premier Ministre, Yahya Ould Hademine, plus d’un tour de magie parfait pour faire le vide autour du président.

J.D