Délestages à Nouakchott : L’usine duale est-elle inutile aujourd’hui? | Mauriweb

Délestages à Nouakchott : L’usine duale est-elle inutile aujourd’hui?

dim, 02/07/2017 - 17:00

Les dirigeants de la Somelec ont beau s’alterner pour tenter de rassurer les consommateurs. Mais les faits restent têtus. Comment expliquer que les délestages se poursuivent alors que la seule centrale duale de Nouakchott peut produire 180 MW ? C'est-à-dire deux fois plus que les besoins en électricité de Nouakchott dont le pic est estimé à 85 MW, en été. Eléments de réponse.

Malgré les conditions abracadabrantes de l’attribution à son profit du marché de construction de la centrale duale de 180 MW de Nouakchott, Waartsila a mené à bien son premier contrat. L’usine est bien là. Elle a été inaugurée le 25 novembre 2015 dans le sillage des activités commémoratives de la fête nationale.

La construction de cette usine promue à dispatcher aussi l’électricité au gaz est de 240 millions d’euros prêts du Fonds arabe pour le Développement économique et social (Fades) et de la Banque islamique de Développement (Bid).  Mais il faut croire que les mauritaniens qui vont en payer la dette n’en profitent pas aujourd’hui ni en termes de baisse de tarif d’électricité, encore moins de sa permanence eu égard aux nombreux délestages vécus ces derniers temps à Nouakchott. La réception de cette centrale de 180 MW est attestée aux normes du cahier des charges par le bureau de contrôle allemand Intel-Gopa.

L’ancien ministre de l’énergie et ex-Dg de la Somelec et responsable de la commission de ses marchés, aujourd’hui ADG de la Snim, Ahmed Salem Ould Béchir, arguait lors de l’inauguration que ce nouveau joyau pouvait à lui seul résorber les soucis d’électricité à Nouakchott. Qu’ils ne seraient plus qu’un mauvais souvenir. Et il avait, théoriquement, raison. Mais la situation que les consommateurs vivent avec des ruptures intempestives d’électricité n’est pas seulement inattendue mais elle cache aussi beaucoup de la réalité des outils de production et de transport de l’électricité de la Somelec.

Quoiqu’on dise et cela saute aux yeux, les outils de production de la Somelec ne sont pas performants. L’Usine d’Arafat (42MW) est au plus bas de sa production, moins de 10MW attestent certaines sources alors que celle du Wharf (32 MW) est désormais à l’arrêt.

En effet, la gestion de la Somelec –depuis Mohamed Salem Ould Béchir à nos jours- traverse un grand trou noir.

Aussi paradoxal que cela puisse paraitre aujourd’hui, grâce justement à la contruction de la centrale duale, notre pays a beaucoup plus d’énergie mais qu’il ne peut en jouir du fait de la voracité des responsables. En effet, très vite après l’opérationnalité de l’usine, la gestion à la mauritanienne a repris le dessus à l’occasion de la phase d’évacuation de l’énergie (transport) vers les consommateurs. Certaines sociétés de pose (CEGELEC) et de fournitures de câbles démarchées par la Somelec en Grèce (câbles Nexans) et au Maroc (câbles Solidad) auraient réduit à néant les possibilités d’un transport efficace de l’électricité provenant de l’usine duale. Parmi ces sociétés certaines étaient aussi bien introduites pour être inquiétées. Ce premier impair aurait coûté énormément à la société non seulement en moyens financiers mais aussi en temps puisque ¾ des câbles ont dû être changés.  Une autre anomalie concerne le manque de personnel professionnel affecté à l’usine. Dans le cadre du cahier des charges avec Wartsila pourtant, 70 personnes ont été formées en Finlande pour les besoins de la prise en main de l’usine en personnel. Seule la moitié, 35 personnes, ont effectivement été cooptées pour le travail. Un véritable scandale dont on ne parle pas beaucoup car il aujourd’hui à l’origine d’un nouveau contrat de gestion de l’usine scellé avec Wartsila (encore elle) et pour 5 ans! Désaveu de la gestion de la Somelec et des compétences nationales ? Tout porte à le croire.

La question est donc de savoir pourquoi le pays qui, en plus de l’apport des autres sources éoliennes et solaires, n’arrive pas toujours pas à en faire profiter ses citoyens ? Comment l’Etat n’a pas prévu la prise en main de l’usine par un personnel local qualifié?

Dans la réalité et selon les connaisseurs, loin des explications données par la Somelec, le réseau vétuste de la Somelec qui sert de relais dans le transport de l’énergie de l’usine duale est tout simplement devenu obsolète. Et c’est pourquoi encore aujourd’hui l’électricité vendue au Sénégal ne provient pas de l’usine duale mais constitue la quote-part de notre pays sur Manantali.

En somme quelques faits émergent encore dans cette affaire qui dure depuis bientôt deux ans. Le circuit domestique de Nouakchott devient de plus en plus inutilisable, les centrales d’Arafat et du Wharf déficitaires et l’usine duale gérée par des étrangers. De quoi remettre en berne le slogan de l’indépendance énergétique et de la couverture par l’usine duale jusqu’à l’horizon 2020 de tous les besoins en électricité de Nouakchott.

JD