Lettre ouverte aux Honorables Députés | Mauriweb

Lettre ouverte aux Honorables Députés

mar, 07/03/2017 - 10:36

Par Mohamed Mahmoud Ould Bekar Honorables Députés, Je m’adresse à vous en interpellant votre sentiment patriotique, votre esprit de fierté et de loyauté, étant certain que toute personne qui se met au service des citoyens dans un quête de noblesse pour «le meilleur choix, le plus judicieux et le plus conséquent» en vue de bénéficier de la bénédiction de Six Mille voix, se présente ainsi comme une personnalité de premier plan dans un tumulte d’engagement ouvert à toutes les éventualités au vu et au su de tout le pays dans une volonté farouche de défense motivée des intérêts des citoyens. La motivation principale, celle qui vaille, devra être animée par le désir de veiller au maintien de l’ordre public, de préserver les acquis de la Nation et les valoriser, d’améliorer les prestations de la puissance publique, de faire respecter les lois et règlements et d’orienter les dépenses dans le budget de l’Etat, en somme, l’élu du peuple engage sa responsabilité pour mener un effort au service de la patrie et assurer un rôle positif. S’il s’agit de sauvegarder la cohésion nationale et de s’opposer farouchement contre la partition, non pas celle de la terre, mais plutôt favoriser une meilleure distribution des projets de développement, l’attachement à l’unicité de l’objectif et du destin ainsi que le consensus national. C’est ainsi que le parlementaire serait en mesure d’assumer une responsabilité historique et d’éviter sereinement tout acte négatif pouvant éventuellement lui constituer une honte du fait d’un comportement complaisant et l’empêchant d’assurer son devoir patriotique. Si, par contre, il s’oppose à telles menées de division, ses efforts deviennent héroiques et viennent ainsi s’ajouter à ceux de nos ancêtres et les récents combats pour la construction nationale et contribuer, par accumulation positive, à rebâtir la société ainsi que l’Etat sur des bases pérennes. Messieurs, Honorables Députés, L’immense étendue du territoire (plus d’un Million de Km2) dont dispose aujourd’hui notre pays n’est pas un don de quiconque, encore moins du hasard, mais résulte plutôt d’énormes sacrifices au Nord et au Sud du Continent, en Europe à travers les grandioses conquêtes, mais aussi un rayonnement à travers le Monde islamique, la lutte courageuse contre la pénétration coloniale. A ces acquis, s’ajoutent naturellement le combat à l’intérieur de l’Etat national pour le parachèvement de l’indépendance et l’édification d’un système politique d’une nation souveraine ainsi que l’instauration d’une démocratie viable comme il en existe ailleurs. C’est le résultat de la marche inexorable d’une Nation et non un fait fortuit ; c’est un processus naturel dans la vie d’un peuple qui ne pourra pas accepter que cette évolution puisse s’arrêter, mourir ou se faire entraver, ni par une volonté individuelle, ni par une action collective. Le législateur a opté, en Mauritanie, pour une démocratie fonctionnelle, se fondant sur l’islam et les valeurs intrinsèques de notre peuple, sur la sauvegarde de l’intégrité territoriale et s’est beaucoup inspiré des constitutions qui ont fait leur preuve dans la défense de la liberté d’opinion mais aussi la séparation des pouvoirs comme en France et aux Etats Unis d’Amérique. Notre peuple a accueilli avec allégresse l’avènement de cette constitution et sa disposition à la défendre, en cherchant patiemment à favoriser un processus d’alternance réelle et paisible sans considérations personnelles mais pour parachever la marche de la Nation à travers les péripéties de l’histoire. Notre loi fondamentale a consacré, comme dans les régimes démocratiques, la responsabilité du Parlement dans la défense du système politique par le biais du rôle de pouvoir législatif indépendant en vue d’imposer un contrôle sur le pouvoir exécutif dans sa gestion de la chose publique et pour freiner toute dérive par rapport aux objectifs et principes généraux de la constitution afin que le pays demeure cohérent sur cette base et conformément à l’équilibre entre les différents pouvoirs. C’est ainsi qu’en plus de l’immunité et de l’indépendance matérielle du Parlement, la procédure d’adoption des textes au niveau du Parlement requiert un long parcours : Elle passe, d’abord, par la présentation des projets de loi, leur étude par les commissions parlementaires, leur discussion lors des réunions plénières et enfin le vote. Ce processus offre au parlementaire d’être suffisamment éclairé sur le dossier soumis et d’être en mesure de juger et de se décider en toute lucidité, toutes les conditions étant réunies pour cela ainsi que tous les moyens et les garanties nécessaires pour accomplir son devoir, loin de toute contrainte ou pression. En plus, ce Parlement a bénéficié de plusieurs mises à niveau lui permettant la confrontation d’idées et la création d’un esprit collégial. En somme, les parlementaires ne peuvent en aucune manière bénéficier de circonstances atténuantes ou d’excuses dans toute activité qu’ils mènent pour le bien de la collectivité nationale ou contre ses intérêts majeurs. Honorables Députés, Ce serait, peut être, votre dernière session pour ce mandat et sûrement la dernière fois pour certains d’entre vous au sein de la chambre du Sénat mais elle ne pourra en aucune manière signifier votre fin politique, ni au niveau de vos électeurs, ni parmi vos siens. En conséquence, cette situation ne pourra pas être un motif pour vous départir de vos responsabilités morales et de votre devoir patriotique ainsi que votre image de maque auprès du public. Davantage, vous ne devrez pas faire fi de votre conscience car il arrivera un moment où vous allez se remémorer vos positions politiques et leurs effets sur le pays. A ce moment là, vous serez contraints de se demander pourquoi avoir choisi telle ou telle position surtout qu’en cette circonstance, proche ou lointaine, l‘étole de Aziz comme président aurait ternie, personne ne songeant à lui, son portrait ayant disparu de la mémoire collective des gens et rien de plus ne le distinguera du commun des mortels alors que vous allez se trouver fiers de votre pays que vous avez rehaussé vers le haut, lui assurant la stabilité, l’unité et l’alternance pacifique à travers une démocratie fonctionnelle où toutes les institutions jouent pleinement leurs rôles conformément au principe de la séparation des pouvoirs. Ce jour là, vos efforts auront donné une leçon de grandeur pour les générations futures ou vous aurez contemplé votre pays s’engouffrer dans la dérive, appauvri, profondément disloqué, gagné par l’instabilité et l’insécurité du fait de vos agissements, vos positions et votre acceptation, sans murmure, de tout ce qui vous a été soumis par l’exécutif si bas soit - il, sans intérêt, voué à l’échec. Aujourd’hui se présente à vous une occasion pour affirmer solennellement vos responsabilités devant l’histoire au moment où vous êtes convoqués pour neuf projets de loi dont figure, au premier chef, la révision de la constitution comportant une spécificité qui exige nécessairement une profonde réflexion avant toute approbation dans l’intérêt supérieur de la Nation : - Elle intervient dans un contexte marqué par une charge émotionnelle, le bocage politique et l’absence de confiance entre les principaux acteurs de la scène nationale. - Cette révision ne permettra pas de résoudre la crise politique dans le pays même si de nombreux dialogues ont été initiés pour y mettre fin sans succès. - Elle s’ajoutera à un lourd héritage du régime qui a renié tous les principes (l’égalité, la justice, la transparence en raison de l’absence de toute clarté dans les démarches du régime), foulé aux pieds le fonctionnement correct des institutions, renchérit la dette extérieure d pays qui atteint aujourd’hui des proportions inégalés, soit cinq Milliards de Dollars environ, soit 94% du Revenu National Brut. Cette dette représente une lourde charge sur le pays pendant les vingt prochaines années d’autant plus que rien ne la justifiait parce qu’elle a été contractée dans la période de faste économique résultant de la montée des prix des minéraux sur laquelle se base l’économie du pays. C’est également un lourd héritage qui résulte de la propagation de l’esprit de division, de tensions sociales à base ethnique, de distribution des richesses, de l’attribution des hautes fonctions de l’Etat, des marchés publics, des terres et l’exercice du monopole en faveur d’une poignée de malfaiteurs de manière à en priver ceux qui en ont le droit et les attributs. Cet état de fait consacre les privations à grande échelle, encourage la voracité, étouffe et favorise l’esprit de revanche chez la majorité des gens. Cet héritage provient d’une mauvaise gestion du pouvoir et, de la justice ce qui est de nature à instaurer des problèmes épineux et faire prévaloir les règlements de compte ainsi que la mauvaise prise en compte des préoccupations des citoyens abandonnés à leur sort malheureux durant plus d’une dizaine d’années. - La révision de la constitution représente un moyen de division du pays et sa dislocation, tout simplement parce que l’hymne national et le drapeau possèdent, par l’usage du temps (plus de 50 années et le lien avec l’avènement de l’indépendance), une réelle légitimité politique, symbolisent une certain cap que de nombreux mauritaniens ne souhaitent pas quitter à moins de procéder à une révision générale pour les grands problèmes du pays comme cela s’est exprimé à travers toute la Mauritanie, débordant largement les voix conventionnelles d’expression politique. - Le régime qui propose cette révision et la juge importante pour le devenir du pays est en train de partir ne sera responsable de la gestion des difficultés et des contradictions qu’elle ne manquera pas de générer comme il ne sera pas appelé à faire face à ses conséquence mais devra plutôt nous léguer les ingrédients d’une division plus accentuée et plus périlleuse en raison de l’approfondissement du clivage politique dans le pays. - Ce régime ne dispose pas de la crédibilité et de la légitimité nécessaire lui permettant d’envisager sans risque de telles modifications qui ne servent pas en tout cas l’étape actuelle que traverse le pays. Cette révision n’est pas partie prenante des revendications politiques dans le pays d’autant plus que personne ne sent responsable de sa défense à l’avenir comme une exigence de son programme politique. De même, toutes les mesures édictées par ce régime sont d’office rejetées du fait de l’ampleur de son opposition. En réalité, c’est le régime qui revendique cette révision sans aucune préparation et sans avoir associé la classe politique qui le reprouve ses agissements actuelles. C’st lui qui déploie toutes les moyens de dissuasion, matériels et autres comme la distribution des terrains et les pressions sur les partis politiques pour s’assurer du succès de cette modification qu’il considère être son propre succès. Au fond, personne ne s’enthousiasme en dehors de celui qu’elle est censée servir à savoir Aziz qui ambitionne d’inscrire, dans son palmarès, une révision de la constitution devant servir à son héritage et à sa gloire personnelle et jamais un service pour la patrie qui devra se réaliser normalement dans moments appropriés et dans des formes acceptables. Probablement, cela aurait dû être une mesure justifiée dans un autre contexte car ce degré de courage pour résoudre les problèmes du pays est important mais principalement s’il est dans l’intérêt des mauritaniens. Mokhtar Ould Daddah, en son temps, avait reconnu cette erreur et avait tenté de changer l’hymne national dans les années Soixante Dix. En outre, personne ne devra disposer d’un véto s’agissant de la révision de la constitution mais celle-ci, si elle devra intervenir, ne servira pas à des fins personnelles et à la falsification de la glorification des ancêtres de quiconque. Cette mesure, qui doit être menée avec discernement, dans le cadre d’un consensus national et se dérouler dans un climat serein, devra être au service des intérêts supérieurs du pays à laquelle tous doivent être soumis. Nul ne pourra échapper un jour au règlement des comptes, à la rectification des conduites des uns et des autres dans le cadre d’un régime national transparent et à travers les voies démocratiques, contrairement à ce régime et dans de telles circonstances marquées par la crispation, la confusion et l’absence de toute crédibilité. Les circonstances actuelles ne sont pas appropriées pour une telle révision qui poussent les gens à se mettre en fils d’attente particulièrement contradictoires afin de conduire à plus de division du pays comme raviver un feu aboutissant par ce geste à un changement inachevé et donc sans lendemains. Ainsi notre glorieux parlement joue, crédule, le rôle des salamandres, ni plus, ni moins. Nous vivons aujourd’hui l’époque où les peuples renient les décisions et les politiques qui n’ont pas bénéficié de la bénédiction de tous même après une longue période mais il existe bien une différence lorsque ces décisions accentuent les différences, les crises et le recul du pays ou lorsqu’elles constituent une partie intégrante du conflit politique opposant les parties de la scène nationale et ne concernent pas le fonds, à savoir la stabilité du pays. Le recul de l’intérêt pour la révision de la constitution constaté ces derniers temps n’échappe à personne en ce moment où plane déjà les différends de toutes sortes, les oppositions, les contradictions et les différenciations négatives. Cette révision concerne le Senat qui constitue en réalité une entité de plus qui a montré le peu d’intérêt qu’elle représente lorsqu’elle a voté un texte relatif au genre et contraire à nos préceptes religieux que d’aucuns appellent aujourd’hui la «loi des parcelles de terrains». De toute façon, la suppression du Senat n’a jamais constitué une revendication dans le pays par quiconque, ni représenté un problème politique à résoudre et personne ne le pleure mais les justifications du pouvoir restent sans fondement d’autant plus qu’il est proposé une institution de remplacement qui sera élu au suffrage universel dans toutes les circonspections électorales, c'est-à-dire devant surcharger l’Etat et les électeurs du fait de nouvelles élections pour que le résultat de la réforme constitutionnelle instaure quatre opérations électorales au lieu de trois assorties de budgets et de salaires conséquents devenus nécessaires pour s’assurer de l’efficacité dans l’accomplissement de ces missions, l’expérience des conseils régionaux étant limitée et ne disposant une popularité notoire dans le monde. En faisant fi de tout ce qui précède, il encore difficile de trouver un élément positif justifiant le remplacement du Senat par les Conseils Régionaux qui vont générer de nouvelles charges pour la collectivité nationale et briser la cohésion du pays d’autant plus que nous avons encore besoin du perfectionnement de notre système actuel avant de s’engager tôt à son extension et à son enrichissement par le biais de la décentralisation mal assimilée qui est de nature à augmenter les problèmes qui découlent de notre système actuel rachitique. Le différend avec l’administration territoriale entrave aujourd’hui la première expérience de décentralisation dans le Monde. Quel est le niveau de l’échec des communes en Mauritanie? Plus que jamais, nous avons besoin de connaître l’étendue du problème posé que va résoudre le changement de l’hymne national et le drapeau dans la solution de la crise qui secoue le pays depuis neuf ans. Il est certes important de considérer le rôle joué par la résistance à la colonisation et de faire refléter dans l’hymne national un sentiment patriotique qui rattache le citoyen avec les ancêtres et la patrie mais cela exige un minimum de cohésion, non une charge émotionnelle , ni la volonté d’ignorer l’autre. D’autre part, cette démarche demande, du point de vue strictement technique, la refonte de l’hymne national et son exécution comme ode lyrique et non une musique silencieuse. Comment aussi répondre à une grande partie des hommes politiques du pays qui expliquent cette mesure comme étant populiste et ingrate vis-à-vis des «pères» fondateurs et donc une action vise à effacer une époque donnée de l’histoire du pays ou contre des acteurs politiques et des partis politiques disposant de symboles et de poids dans le pays. Tout cela sent la provocation et le défi, c'est-à-dire les manifestations criantes de la crise rampante, de la division et la dislocation du pays. Cette action qu’envisage le pouvoir- la situation est ce qu’on vient de décrire ne doit être menée que dans un climat d’entente par une direction politique disposant de charismatisme et de réelle légitimité. L’intervention du Parlement dans une équation dominée par une controverse de ce niveau risque fort bien de pousser un camp pour enflammer l’autre et ne pourra, en aucun cas, jouer un rôle national digne de ce nom, ni faire part de la responsabilité s’agissant de chauffer des esprits déjà troublés par l’approbation d’actes semant la discorde et les rancunes dans un pays éprouvé par les divisions, les impulsions d’un cœur meurtri partageant les conflits et le dénuement total. Honorables Députés, Méfiez-vous de votre Président et n’acceptez pas qu’il vous pousse vers l’erreur fatale malgré sa bonté, malgré aussi qu’il est parvenu au pouvoir sans rien comprendre aux règles élémentaires de son exercice et il le quittera dans le même état d’esprit mais il est contraint de payer une dette. C’est pour cette raison qu’il a déclaré, après avoir hésité longuement et remué cent fois sa langue exactement come le font les prudents pour annoncer que cette modification de la constitution consolidera la démocratie. C’est également ce qu’avait proclamé Aziz, c’est ce qu’il vous a dit tous et c’est qu’il a déclaré par la suite à la presse. Mais l’opinion publique attend impatiemment votre position alors que vous êtes en face de la situation que vit le pays, vous contemplez l’ampleur des dégâts, des différents qui nous rongent, l’éparpillement que connait présentement notre société menacée d’éclatement. Dans ces circonstances, vous avez le devoir d’agir en mesurant les avantages et les méfaits que pourra engendrer une révision de la constitution dans le climat politique actuel. Honorables Députés, Je tiens à vous rappeler que l’homme qui pousse à ces modifications constitutionnelles a déclaré, il y a quelques jours seulement, dans ne interview accordée à la chaine «France 24», que la raison pour laquelle il n’a pas voulu d’un troisième mandat, c’est simplement parce qu’elle ne sert pas son intérêt personnel, celui du pays n’étant pas une priorité pour lui. Honorables Députés, encore une fois de plus et ce sera la dernière adresse à votre égard, La balle est dans votre camp, la décision est à portée de vos mains, prenez tout votre temps, démantelez ces propositions, examinez-les consciencieusement et ne votez pas, ne serait ce qu’une fois, pour une loi enrobée de tous les fatras de bienfait. Laissez nous contempler votre empreinte et votre gestion de ce dossier qui préoccupent aujourd’hui tous mauritaniens inquiets des dérives du pouvoir. Notre pays, en ce moment et plus que jamais, a besoin de patriotes purs et engagés qui doivent, faute d’être au gouvernail de l’Etat, se trouver en posture d’avant-garde au Parlement. C’est la moindre des choses. Qu’Allah nous accorde la réussite.