Message aux parlementaires européens…Samba Thiam (Fpc) | Mauriweb

Message aux parlementaires européens…Samba Thiam (Fpc)

jeu, 02/03/2017 - 10:26

Si j’avais à parler aux parlementaires européens en visite chez nous voilà ce que je leur dirais :

‘’ La Mauritanie fait face à plusieurs défis . Le défi de la pauvreté , celui de la bonne gouvernance , de la montée de l’islamisme radical-extrémisme réligieux-, de la sécurité .Mais le plus crucial et le plus explosif  défi entre tous demeure celui de l’Unité nationale -ou de la cohabitation- résultat de l’exacerbation de la discrimination qui frappe les populations non arabes , doublée de  la question haratine ( l’esclavage) ‘’ .

Derrière le calme apparent des populations noires victimes  de toute sorte de discriminations, couve une explosion ; il  suffit d’une étincelle ! comme pour le mal, ‘’ dans une période d’incubation avant l’éclatement de la fièvre’’ . Ces populations  supportent de plus en plus mal  l’exclusion systématique  qu’elles vivent au quotidien  dans tous les secteurs de la vie publique . Une Armée nationale mono-ethnique,  une Police nationale mono-ethnique pour sécuriser  l’ordre inique existant . Des grandes Ecoles spéciales  telle l’école de médicine , l’école polytechnique , l’école des mines , l’école de la magistrature et de la haute Administration , l’école des officiers, l’école aéro-navale, le Prytanée militaire,  quasiment mono-ethniques . Exclues de  l’Administration , des  médias , de  la justice , totalement effacées du secteur économique, voilà que ces populations  voient leurs terres de culture actuellement   menacées. Un enrôlement biométrique vexatoire , conçu pour les déposséder de leur nationalité,  fait beaucoup de  victimes , dont  maintenant des  élèves  et étudiants négro-africains contraints  par l’Administration scolaire d’abandonner l’école ,  empêchés  de passer  examens et concours  parce qu’ils  n’ont  pu se faire enrôler ; des mères , fraîchement accouchées, sont tenues de faire le rang sous le soleil pour enrôler le  nouveau-né dans les bras !

 Enrôlement exécuté par des commissions, techniques et de supervision, mono-ethniques  chargées de recenser une population pluriethnique !!!  Présentement plus des 8o centres  d’enrôlement dans la vallée du fleuve sont fermés sous de faux prétextes  et ceux qui restent  ouverts rivalisent d’ardeur en tracasseries …

Les populations  qui avaient été déportées au Sénégal  en 1989  (120.000 dont 12.000 encore au Mali ) ont été, en partie, rapatriées   mais sans pouvoir recouvrer  leur nationalité,  ni retrouver  leurs terres de culture  ou leurs villages d’origine, pour la majorité . S’y ajoute un passif  humanitaire que le gouvernement refuse de solder correctement, que résument et la question des refugiés rentrés  et celle des  purges ethniques opérées  au sein des  forces  armées et de sécurité, à travers des centaines d’exécutions extra-judiciaires  dont le point culminant  fut la pendaison de  28  soldats et officiers négro-africains  un  28 novembre 1990 , en guise de célébration de notre  accès  à la souveraineté interne en 1960 .  Aussi  nos gouvernants  et certains de nos compatriotes veulent que nous célébrions  ensemble dans la joie  cette date devenue pour  nous  autres  une date-symbole du  jour de deuil… 

Le colonialisme Français , pour constituer la Mauritanie , a assemblé deux aires culturelles distinctes , deux peuples aux traditions et habitudes mentales différentes , deux entités politiques historiques avec chacune son  organisation politique et sociale propre . Mais les régimes arabo-berbères , presque sans exception, et celui du Président ould Abdel Aziz en particulier , semblent oublier ou veulent méconnaître cette réalité  historique en  s’évertuant  à  gommer l’autre personnalité du pays  pour en faire , à marche forcée , un pays exclusivement ‘’arabe’’…au mépris de l’identité  factuelle de sa diversité . Cette  situation, grave,  interpelle  la classe politique  et intellectuelle arabo-berbère , l’élite en somme- qui doit  sentir, si  elle est capable de  prendre  le pouls du pays , cette  tension  maximale perceptible actuelle. Voilà pourquoi , en son sein, un débat  interne  sur la question du vivre-ensemble s’impose. Oui ou non voulons-nous vivre ensemble, partager un même devenir dans  l’égale dignité ? Cette question lancinante doit être tranchée !  Ce débat  interne constitue  l’urgence du moment.

A suivre…

 

Samba Thiam

President des FPC