Le dialogue politique : Apaiser la situation en attendant le Sommet Arabe | Mauriweb

Le dialogue politique : Apaiser la situation en attendant le Sommet Arabe

dim, 05/06/2016 - 13:03

Les préparatifs vont bon train pour accueillir le Sommet Arabe que Nouakchott devra abriter courant juillet 2016. En sus des chantiers qui se poursuivent à pas cadencés pour embellir la capitale, toute l’énergie du gouvernement est concentrée sur la réussite de cette première rencontre de la Ligue arabe en Mauritanie. D’où la nécessité d’apaiser le front intérieur bouillonnant sous le coup de boutoir d’une animosité criarde entre acteurs politiques, sans compter les nombreuses revendications sociales et la question Harratine. Dans cette atmosphère délétère où l’essentiel semble se tourner vers l’image que doit laisser la Mauritanie chez ses hôtes, la question se pose par rapport au dialogue politique : faudra-t-il l’organiser avant ou après le Sommet Arabe ?

Le dialogue politique est devenu à l’heure actuelle le nœud gordien de la crise insidieuse qui mine les rapports entre les acteurs politiques en Mauritanie, au point de transcender toutes les questions adjacentes. Son incidence sur la vie nationale est si prégnante que certains observateurs se posent la question de savoir s’il ne faut pas le différer jusqu’à la fin du Sommet Arabe que la Mauritanie devra abriter en juillet 2016. Les tenants de cette thèse cherchent ainsi à comprimer les passions qu’un tel évènement pourrait créer au risque de compromettre la tenue d’une rencontre si importante pour l’image et la diplomatie mauritanienne. D’autres considèrent par contre qu’il vaut mieux sortir de la division vers un consensus national qui aplanira tous les différents entre acteurs politiques et faire du sommet envisagé non seulement l’affaire du pouvoir, mais celui de toute la Mauritanie réconciliée.

Pourquoi différer le dialogue
Un groupe d’intellectuels et d’acteurs de la société civile, y compris des hommes politiques, trouvent que le dialogue politique ne peut pas sereinement se dérouler dans les délais fixés par le Chef de l’Etat, Mohamed Abdel Aziz, dans son discours du 3 mai dernier à Néma. Réunis pour la cause mercredi dernier à la Maison des Jeunes, ils ont souligne en substance que si ce délai est maintenu, le dialogue pourrait se tenir au plus tôt vers le 31 mai et devra durer au moins un mois ou aller un peu au-delà. Toute la République sera ainsi occupée par ce dialogue marathon qui laissera peu de place aux préparatifs nécessaires pour assurer une bonne réussite du Sommet Arabe prévu courant juillet. L’absence probable de l’opposition dite radicale, le RFD et le FNDU, en plus d’autres forces laissées en rade, pourrait constituer un prétexte à l’escalade politique, créant ainsi une atmosphère délétère qui pourrait bien empoisonner l’atmosphère à quelques encablures de l’arrivée des premiers invités.

A deux mois d’un évènement si majeur, les tenants du report du dialogue politique à une date ultérieure, jugent que ce serait un suicide diplomatique que de réchauffer la scène nationale, en attisant les passions et en mettant en ébullition la rue surtout si les résultats attendus du dialogue vont en deçà des espérances. Le problème du délai pourrait aussi se poser, tant les sujets à aborder risquent de dépasser le temps qui leur sont impartis, à l’heure où des propositions importantes sont soulevées, comme la suppression du Sénat, la révision constitutionnelle ou encore la création de conseils régionaux. Ce sont des débats sans fin en perspective et le risque que le dialogue ne se poursuive parallèlement au Sommet Arabe ou ne le perturbe en définitive.

Pour éviter tout risque de surchauffe d’une scène politique déjà assez visqueuse, il est ainsi recommandé de laisser au frigo les plats de la cuisine interne, jusqu’au départ des invités. Cela d’autant plus que ce sommet drainera dans ses sillages la presse internationale, qui ne s’intéressera pas seulement aux coulisses du sommet arabe mais aussi aux sujets qui pourraient rapporter des scoops. Or, sur ce point, la Mauritanie en regorge ces temps-ci.

En plus des hommes politiques qu’il faudra frigorifier à bloc, d’autres trouble-fêtes pourraient bien se saisir de l’occasion inespérée d’un sommet international pour épingler le régime en place. Parmi ces empêcheurs de tourner en rond, les jeunes du Mouvement du 25 Février, les jeunes de « Mani Chari Gazoil », les partisans d’IRA gonflés à bloc par leurs leaders enfin libres. C’est juste s’il ne faut pas craindre la descente en masse et en colère des milliers de chercheurs d’or, mécontents d’avoir tout perdu sans rien gagner. Autant de paramètres à risques que le pouvoir en place cherchera probablement à gérer. S’il faut y rajouter une arène politique campée et des combats programmés, bonsoir les dégâts !

Apaiser le front intérieur avant le sommet
A l’opposé des « partisans du report », d’autres forces souhaitent que le dialogue politique soit organisé avant la tenue du sommet arabe. Les partisans de cette thèse soutiennent qu’il faut d’abord réorganiser le front intérieur, en créant les conditions d’un consensus national. Ils estiment que la crise politique s’est amplifiée depuis le discours de Néma, exacerbée par les échanges verbaux violents entre les alliés du pouvoir et ceux de l’opposition radicale, et s’est manifestée dans la rue, à travers des marches et des meetings, pour se prolonger jusque sur les plateaux de télévisions et les studios radios, sur les pages des journaux et les sites électroniques. Ces dérapages risquent ainsi selon eux d’empoisonner l’atmosphère de la prochaine rencontre. D’où l’impérieuse nécessité d’un dialogue inclusif entre l’ensemble des forces en présence. Même en l’absence des partis du FNDU et du RFD, ce dialogue pourrait peut-être, selon certains observateurs, satisfaire des points de revendication soulevés pour les parties absentes, comme ce fut le cas lors du dialogue qu’ils avaient boycotté en 2011.

Les « partisans du dialogue ici et maintenant » considèrent qu’il reste suffisamment de temps, avant le 30 juin prochain, pour faire le tour des questions qui se posent aujourd’hui. Ce serait surtout selon eux, le meilleur viatique pour présenter un modèle de démocratie inclusive à des convives dont l’essentiel ignore les vertus de ce système politique ou qui en sont à leur premier apprentissage. L’organisation du dialogue à cette date, selon les partisans de la thèse, permettra surtout de mettre en exergue la mauvaise volonté des partis boycottistes à respecter les règles du jeu politique dont le dialogue est l’un des instruments les plus civilisés.

Cheikh Aïdara (L'AUTHENTIQUE)