Où Interviendra la France Prochainement en Afrique? | Mauriweb

Où Interviendra la France Prochainement en Afrique?

dim, 15/05/2016 - 11:10

Un convoi de véhicules de l'armée française se dirige vers Gao le 7 février 2013, sur la route de Gossi après la mort de quatre civils maliens tués par une mine terrestre en territoire revendiqué sur les rebelles islamistes. (PASCAL GUYOT / AFP / Getty Images)

 

1.   Résumé

Pendant des décennies, la France a gardé des liens particulièrement étroits avec ses anciennes colonies en Afrique, gardant impitoyablement ses intérêts là -bas par le pouvoir culturel et économique, l'action secrète et des dizaines d'interventions militaires. En effet, l'ancien président français, François Mitterrand, une fois a dit que l'Afrique c’est l'avenir de la France au XXIème  siècle. Mais à l'ère post-guerre froide, la relation de la France avec les pays africains francophones a changé - pour le meilleur et pour le pire. Les présidents français successifs ont proclamé la fin de la Françafrique, un terme désignant le degré d'implication néocoloniale de la France dans son ancien empire en Afrique.

2. Analyse

Malgré cela, la France est intervenue en Afrique sub-saharienne à cinq reprises au cours des 10 dernières années, en plus de l'utilisation des opérations les plus secrètes de renseignement et de surveillance et d'innombrables campagnes militaires semi-permanentes. Plus récemment, la France a lancé l'opération Barkhane, une initiative de lutte contre le terrorisme en cours couvrant cinq pays dans la région du Sahel en Afrique et impliquant plus de 3000 hommes. Il semble donc que le rôle militaire de la France en Afrique va perdurer.

 

3. Influence durable

 

En Afrique postcoloniale, la France s’efforce de consolider son influence résiduelle dans les régions septentrionales, occidentales et centrales du continent en offrant diverses assurances à ses anciennes colonies. Après leur indépendance, 12 pays ont signé des accords secrets de  défense  avec la France. Les accords, qui n’ont jamais été rendus publics, permettent à la France de conserver une présence physique dans les pays en échange de la défense de leur souveraineté nationale. La France a encore renforcé son influence dans ses anciennes colonies par le maintien de l'infrastructure économique sensible, le décaissement de l'aide au développement et la construction de réseaux et d’institutions sociaux influents. Par exemple, la Trésorerie de France soutient le franc CFA, la monnaie utilisée par 14 pays africains. Pour décourager les défis extérieurs ou intérieurs à sa primauté, la France a orchestré des coups d’Etat et mené des interventions. La liste des dirigeants africains francophones qui ont essayé - et échoué - de défier ou de réduire l'autorité française est longue.

 

Les anciennes colonies françaises en Afrique

 

Depuis la fin de la Guerre Froide, cependant, l’emprise de la France en Afrique a faibli. Une nouvelle concurrence économique de la Chine, des Etats Unis et des Etats du Golfe Arabique, entre autres, a fait chuter la part de la France dans le  marché du continent à des niveaux historiquement bas. En outre, le ralentissement de l’économie de la France  a entrainé des diminutions de l’aide au développement, du financement institutionnel et des dépenses militaires. Avec le départ d’une génération de leaders français et d’africains francophones— comme le premier président de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny, qui fut député à  l’Assemblée  Nationale française— la France est devenue un simple autre acteur international en compétition pour obtenir l’attention de l’Afrique. En outre, durant ces dernières années, les activités économiques et les acquisitions mondialistes de  la France ont éclipsé son besoin de maintenir de tels liens étroits avec ses anciennes colonies. Toutefois, la France défend  jalousement ses intérêts économiques et sécuritaires en Afrique, en menant des missions populaires de lutte contre le terrorisme et en intervenant dans les conflits quand elle le considère opportun.

4.   Intérêts Stratégiques

 

Compte tenu de sa longue histoire en Afrique francophone, la France a une compréhension claire de ses intérêts nationaux là-bas et, des contours, des menaces qui mettent en péril ces intérêts. La France est particulièrement préoccupée par des menaces sur la connectivité et la chaîne d'approvisionnement, les infrastructures telles que les routes, les réseaux ferroviaires ou les grands aéroports internationaux (de nombreux pays africains en ont un seul). Chacun est important dans son propre droit, mais les aéroports restent les plus essentiels, compte tenu de la tyrannie de la distance et du manque d'infrastructure routière solide en Afrique. Le contrôle des aéroports assure le flux continu de marchandises, du matériel militaire et des personnels entre la France et ses anciennes colonies. En 2008, alors que les rebelles soutenus par les Soudanais ont approché la capitale du Tchad, N'Djamena, les troupes françaises stationnées dans le pays depuis 1986 mirent en place des positions défensives à l'aéroport international, sauvegardant la principale voie du pays vers le monde extérieur.

 

 

 

Ce contrôle fournit aussi à la France un effet de levier sur les régimes à risque d'effondrement ou de renversement. Bien secrets, la plupart des accords de défense nationale stipulent que la France aurait l'obligation de protéger la souveraineté d'une nation plutôt que son gouvernement. Cela donne à la France la latitude de déterminer quand (et si) un régime mérite la protection. Par exemple, en 2012, le président de la République Centrafricaine, François Bozizé, a appelé la France pour soutenir son administration face à la rébellion imminente. Le président français François Hollande repoussa son plaidoyer, rappelant que la France intervient pour sécuriser ses propres intérêts et non ceux d'un quelconque gouvernement. Avant de faire appel à Paris, Bozizé avait voulu déplacer son pays, hors de la sphère d'influence de la France, en courtisant l'Afrique du Sud en tant que bailleur de fonds alternatif. Par conséquent, lorsque Bozizé a demandé l'aide, la France était plus prête à gagner par l'inaction. Seulement après que les rebelles ont chassé Bozizé en exil, les forces françaises se déploient pour protéger le flux du trafic au seul aéroport international du pays à Bangui.

 

 

Dans le conflit au Tchad, Paris a utilisé une stratégie similaire. Après la prise du pouvoir dans une révolte soutenue par la Libye en 1990, le président Idriss Deby a démantelé le gouvernement soutenu par les Français et les Américains au Tchad et manifesté son embarras par la présence de la France dans le pays. Mais après la contribution de Paris  à sauver son administration en 2008, Déby a réalisé qu'il bénéficie lui-même en s’assurant les bonnes grâces de la France. A cette fin, le Tchad est devenu une épine dorsale de la stratégie de la France en Afrique, en fournissant des milliers de soldats pour aider dans les efforts contre Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) au Mali, et à l'intervention de la France en République Centrafricaine.

 
 5.   La Politique Attendre et Voir

Pour un certain nombre de raisons, les planificateurs militaires français en Afrique adhèrent à une politique "attendre et voir" en cas de crise comme les coups d’Etat ou les soulèvements populaires. Comme la France a limité les ressources et le personnel à sa disposition, elle interviendra dans un conflit  seulement quand il dégénère. En outre, l'attente peut permettre à la France d'intervenir - ou non - au moment optimal et investir pour maximiser ses gains. Pendant les premiers stades de la rébellion Touareg au Mali et après le coup d'Etat qui a mis fin au régime civil, par exemple, la France a choisi la passivité parce que l'instabilité ne constituait pas une menace suffisante pour ses intérêts. Au lieu de cela, la France intervint seulement quand la situation est devenue une insurrection terroriste transnationale grave qui menaçait de submerger l'ensemble du pays. Paris a alors mobilisé partout pour repousser les djihadistes au Mali. Comme cette entreprise coïncide avec les objectifs de lutte contre le terrorisme des Etats-Unis, la France bénéficia d’un large soutien des Etats-Unis dans l'opération. En outre, la communauté internationale a largement saluée les efforts de la France comme une défaite pour le terrorisme islamique dans le Sahel, ce qui renforça l'image du pays à travers la région.

 

Dans le même temps, cette approche circonspecte place la France dans une position réactive. Les événements déstabilisants peuvent maintenant conduire l'action française en Afrique. Entre-temps, la France occupe une position unique sur le continent, ayant non seulement une présence importante, mais aussi le capitale politique de prendre des mesures là. Ces facteurs combinés peuvent propulser la France dans des conflits qu’elle ne comprend pas pleinement. Un rapport du gouvernement français en 2014 a révélé que les soldats qui ont participé en 2013 à l’Opération Sangaris de la France en République Centrafricaine ont connu un taux plus élevé de traumatisme que ceux qui ont combattu en Afghanistan. Parmi les facteurs cités il y avait les dangers imprévus et les «horreurs de la guerre civile», un ennemi mal identifié, et les troupes françaises qui étaient mal équipées et insuffisamment préparées. Les auteurs du rapport ont également noté que, en raison des exigences militaires croissantes de l'Etat, le cycle de formation traditionnelle et de déploiement de l'armée française a été nettement contracté, ce qui entrave l'efficacité globale de la force.

 

7.   L'intervention suivante

 

Le rôle traditionnel de la France en Afrique fournit une base permettant d'évaluer les circonstances qui provoqueraient une future intervention sur le continent. Les quelques derniers conflits dans lesquels la France est intervenue impliquèrent l'effondrement quasi total de l'autorité dans une ancienne colonie. Mais tant que cela ne menace pas l'environnement sécuritaire, Paris peut tolérer un certain niveau d'instabilité, comme une rébellion dans une région éloignée. À la lumière de ces considérations, la situation actuelle en Mauritanie fournit un point d'éclairage potentiel. Faible dans le meilleur des cas, la Mauritanie a longtemps utilisé les ressources économiques pour acheter le soutien du gouvernement à Nouakchott au sein des différentes factions tribales du pays. Mais maintenant, les ressources du pays sont en baisse et tombent de plus en plus entre les mains du clan du président. En conséquence, les factions tribales de la Mauritanie, dont le soutien fait partie intégrante pour préserver l'harmonie dans le pays, deviennent agitées.

En plus de cela, le président du pays, Mohamed Ould Abdel Aziz, qui a exercé ses fonctions depuis un coup d'Etat de 2009, peut pousser pour un troisième mandat controversé. Cela pourrait approfondir les fissures dans le pays, conduisant éventuellement à des tentatives de coup d'Etat, un événement familier à Nouakchott. En outre, les groupes terroristes régionaux comme AQMI ont utilisé avec succès la Mauritanie comme une zone de transit pour les attaques dans les pays voisins. Si les groupes devaient réorienter leurs efforts pour déstabiliser Nouakchott ou en utilisant le territoire mauritanien pour mener des opérations plus transnationales et le recrutement, ils pourraient faire des percées significatives avec la population insatisfaite du pays. Et comme la Mauritanie reste la plupart du temps en dehors du champ de l'opération Barkhane, les groupes terroristes peuvent avoir plus d'espace pour y travailler. Si le président continue à servir seulement son clan, en privant des ressources les autres composantes tribales et en bouleversant l'équilibre traditionnel du pouvoir dans le pays, une réaction contre le président et son clan est probable.

 

A ce stade, la France - dont l'intérêt principal est la stabilité - peut voir en Ould Abdel Aziz   une menace pour la sécurité régionale. Pour atténuer ce risque, Paris pourrait fournir des renseignements et des encouragements aux forces alignées contre le président. Mais si une instabilité plus profonde éclate en Mauritanie, Paris sera probablement contraint d'intervenir plus ouvertement. D'autres acteurs internationaux, comme les Etats-Unis, pousseraient probablement la France à l'action, car elle reste le seul pays avec l'intérêt, la capacité, le capital politique et les connaissances régionales pour entreprendre une telle mission. Et cela n’est pas vrai seulement en Mauritanie. En raison de cette réalité, les interventions de la France en Afrique vont continuer.

 

 

 

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